Des retards dans les opérations de rénovation urbaine engagées. Des objectifs quantitatifs redéfinis à la baisse. Des démolitions qui ne seront pas toujours compensées par des reconstructions. Des ressources budgétaires insuffisantes pour faire face à des besoins financiers accrus. Dans un rapport rendu public le 20 novembre, dans lequel il confronte les objectifs, les résultats et les moyens consacrés à la rénovation urbaine depuis 2004, le comité d'évaluation et de suivi de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dresse un tableau assez sombre de la situation et liste les sujets d'inquiétude (1).
Il souligne en premier lieu le décalage existant entre les objectifs quantitatifs fixés par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 - en termes de démolitions, reconstructions, réhabilitations, résidentialisations - et le nombre d'opérations effectivement programmées au 31 décembre 2007. Les objectifs ont ainsi été revus à la baisse. En particulier celui de 250 000 démolitions, qui a de facto été réduit à 130 000. « Au fur et à mesure de la maturation des projets au niveau local, les démolitions ne se sont pas toutes avérées pertinentes », explique le rapport. « Leur coût excède parfois celui d'une réhabilitation. » En outre, « dans un contexte de crise du logement social, il est aussi parfois difficile d'assurer le relogement des habitants des immeubles démolis ». « Enfin, l'attachement de nombreux habitants à leur logement a également entraîné sur certains sites une réduction du nombre de démolitions. » Concrètement, les 120 000 démolitions initialement programmées et qui n'auront pas lieu « vont mécaniquement réduire la surface foncière disponible pour la construction de nouveaux logements et pourraient bien entraver la diversification de l'habitat », préviennent les experts.
Autre source d'inquiétude pour le comité : les financements actuels et futurs de la rénovation urbaine. Plus de 9 des 12 milliards d'euros du budget de l'agence jusqu'en 2013 ont été affectés au 31 décembre 2007, alors que seule la moitié des projets ont été engagés. « Il est donc probable que les crédits disponibles ne permettront pas d'atteindre les objectifs du programme », craignent les rapporteurs. L'inquiétude est d'autant plus vive que les coûts de réalisation des projets en cours ne cessent d'augmenter... et qu'après un engagement financier croissant de l'Etat entre 2003 et 2007, sa subvention à l'ANRU a diminué en 2008, avant un désengagement en 2009, laissant très majoritairement ce financement à la charge du 1 % logement (2).
Les experts déplorent, par ailleurs, le retard général des engagements et des livraisons des démolitions, reconstructions, réhabilitations et résidentialisations de logements. Le taux de réalisation relatif à la programmation pour ces quatre familles d'opérations était ainsi de moins de 65 % au 31 décembre 2007. « Des objectifs et des planifications initiaux excessivement volontaristes, les carences de la maîtrise d'ouvrage et de l'ingénierie locale, mais aussi la complexité des procédures administratives de l'ANRU [...] expliquent en partie cette situation », indique le rapport, tout en notant que le retard constaté tend à se combler.
Les rapporteurs soulignent encore le décalage temporel entre les démolitions et les reconstructions de logements sociaux, « qui explique un déficit temporaire de plus de 21 000 logements au 31 décembre 2007 » et « pourrait accroître les tensions sur le marché du logement locatif social dans les territoires où elles sont déjà fortes ».
Enfin, le comité émet quelques doutes sur la mixité sociale, que la rénovation urbaine est censée favoriser grâce notamment à des démolitions d'immeubles suivies de reconstructions sur d'autres sites. En effet, si, conformément aux objectifs de l'ANRU, la moitié de l'offre sociale est reconstituée hors site, il existe de fortes disparités selon les endroits, note le rapport. Ainsi, dans certains départements d'Ile-de-France, plus de 80 % des logements sont reconstruits dans le même quartier. Les experts alertent par ailleurs l'ANRU sur la nécessité de « s'assurer de l'adéquation de l'offre nouvelle de logements sociaux aux besoins des habitants ». Et s'alarment ainsi de voir la faible part des logements très sociaux (8,5 % seulement des constructions), la trop grande majorité de logements collectifs reconstruits (plus de 80 %) ou bien encore la taille plus réduite des logements reconstruits par rapport aux logements démolis.
(1) Rénovation urbaine 2004-2008 - Quels moyens pour quels résultats ? - Comité d'évaluation et de suivi de l'ANRU - Disponible sur