Crédits du dispositif de protection judiciaire des « jeunes majeurs » largement revus à la baisse (13 millions d'euros en 2009, contre 58 millions en 2008), suppression évoquée par l'administration du décret du 18 février 1975 qui l'a institué... La situation est apparue suffisamment grave pour que l'Uniopss (Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux) sollicite la garde des Sceaux dans un courrier du 6 novembre.
Le démantèlement du dispositif, défend-elle, contredit la circulaire du ministère de la Justice du 21 mars 2005 (1), qui évoquait un ajustement des prises en charge des jeunes majeurs, sans désengagement de l'Etat. Pour accompagner la mise en place d'une meilleure répartition entre protection judiciaire et protection administrative, des groupes de travail ont été institués il y a trois ans avec la PJJ, les associations, les conseils généraux et des magistrats (2). S'ils ont existé et fonctionné de manière inégale dans les départements, ils ont cependant pu produire des résultats : « Cela permettait de prendre le problème par le bon bout, c'est-à-dire par l'approche qualitative », témoigne Patrick Martin, président du GNDA (Groupement national des directeurs généraux d'associations du secteur éducatif, social et médico-social).
Désormais, le désengagement total de l'Etat pose un problème de politique publique, s'inquiète l'Uniopss, les jeunes majeurs risquant d'être orientés uniquement vers des dispositifs d'insertion professionnelle, ce qui n'est pas adapté et pourrait les renvoyer tout simplement vers l'errance, d'autant que les missions locales sont elles-mêmes en difficulté.
De plus, cette décision « conduit à un transfert de charges vers les conseils généraux sans concertation avec eux ou l'Assemblée des départements de France [ADF] et l'Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des départements [Andass] ». Rappelant que les mesures « jeunes majeurs » font partie de la protection de l'enfance et relèvent d'une double compétence Etat-conseils généraux, l'Uniopss réclame un moratoire « afin qu'une concertation soit organisée entre les acteurs concernés ».
De son côté, l'ADF commence également à s'inquiéter des incidences de ces décisions sur les finances et l'organisation des services départementaux. « Le problème dépasse celui des jeunes majeurs et porte plus globalement sur le désengagement de l'Etat des mesures civiles » du fait du recentrage de la PJJ sur les mesures pénales (3), commente Pascal Goulfier, président de l'Andass, préoccupé de voir, depuis deux ans, se créer des listes d'attente de mise en oeuvre des mesures d'assistance éducative en milieu ouvert. « C'est une décentralisation qui ne dit pas son nom. La logique voudrait que ce transfert s'accompagne d'une compensation et, si on veut aller au bout, de la fin des habilitations justice que l'Etat continue de donner aux associations. »
Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, propose une analyse moins tranchée de la situation. Dans une réponse à l'Uniopss, qui lui a adressé une copie du courrier envoyé à la ministre, il indique que « Michèle Tabarot, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois sur les crédits de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, a indiqué dans un rapport du 16 octobre dernier souhaiter que la PJJ puisse continuer à prendre en charge un certain nombre de mesures civiles, lorsque des circonstances particulières le justifient, constatant d'ailleurs que l'orientation retenue par la PJJ consiste en un recentrage des missions sur les mesures pénales et non en une concentration exclusive des moyens sur ces mesures ». Mais ce souhait sera-t-il suivi d'effets ?