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Le Secours catholique dessine « les trois visages de la pauvreté des familles »

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Alors que les études statistiques dénombrent deux millions d'enfants pauvres en France, le Secours catholique met cette réalité en exergue dans son rapport annuel (1). Sur les 290 000 familles rencontrées, la plupart vivent en dessous du seuil de pauvreté et 60 % sont monoparentales. Plus d'un enfant sur deux vit donc avec un parent seul, soit une augmentation de 5 % entre 2002 et 2007. Contrairement aux idées reçues, « ce n'est pas le nombre d'enfants par famille qui est un facteur de fragilité, mais bien le nombre d'adultes par famille », résume Pierre Levené, secrétaire général de l'association.

De multiples facteurs

Une première étude, qui a porté sur 44 000 familles en 2007, atteste du caractère multidimensionnel de la pauvreté et du poids de l'isolement dans la fragilité des familles. De quoi renforcer, à l'approche de l'adoption du projet de loi sur le revenu de solidarité active (RSA), les nombreux arguments en faveur de l'accompagnement global et dans la durée des ménages, de la sécurisation des parcours professionnels et des aides pour lever les freins au retour à l'emploi. A l'arrivée et pendant les deux premières années de la vie de l'enfant, « la situation des familles semble se fragiliser » du fait des changements induits par les besoins en matière de logement, de garde, de travail et de ressources. Si ce nombre important de familles en difficulté diminue avec l'âge de l'enfant, cette baisse est moins nette et plus longue pour les familles monoparentales.

L'étude confirme également que les parents isolés, la plupart du temps des femmes, sont défavorisés dans l'accès à l'emploi : 27,5 % des chefs de famille en couple dont l'enfant a moins de 3 ans ont accès à l'emploi, contre 9,2 % pour les familles monoparentales. « Par ailleurs, quand une mère seule travaille, elle a majoritairement accès à des contrats précaires. » Preuve que l'inactivité de ces parents est très largement causée par les problèmes de garde : elle passe de 62 % lorsque l'enfant a moins de 3 ans à 41 % lorsqu'il est scolarisé. La précarité du logement touche par ailleurs davantage les mères jeunes et seules. Elles sont 25,7 % à vivre dans un logement précaire (15 % sont hébergées chez des proches, 3,4 % vivent à l'hôtel et 6 % en centre d'héber-gement ou à la rue). « Ces chiffres chutent de moitié lorsque le plus jeune enfant est en âge d'être scolarisé, ce qui favorise le retour à l'emploi de sa mère et par ricochet l'accès au logement social. »

Outre cette première étude dans le cadre de ses statistiques annuelles, le Secours catholique a mené une seconde enquête entre la fin 2007 et le premier trimestre 2008 (1 629 entretiens réalisés). Celle-ci lui a permis de définir trois groupes de parents, qu'elle nomme « les trois visages de la pauvreté des familles ». Première « catégorie » : celles des familles jeunes (74 % des personnes ont moins de 40 ans), disposant de ressources particulièrement faibles, avec des conditions de vie très précaires. Composée d'un tiers de parents isolés, elle compte par ailleurs deux tiers de familles étrangères. Parmi les ressortissants de pays hors de l'Union européenne, 14 % sont sans papiers. Ces familles vivent, pour la moitié d'entre elles, dans des logements précaires - structures d'accueil, hôtels, foyers ou chez des proches. 62 % occupent un logement surpeuplé, parfois sans eau et sans sanitaires. Leur accès à l'emploi stable à temps plein est faible (21 %), alors que le nombre de personnes en recherche d'emploi ou à temps partiel est élevé. Leurs liens familiaux sont absents ou distendus. Au total, « la pauvreté de ce type de familles est extrême tant les difficultés sont intenses et les conditions de vie dégradées ».

La « pauvreté intense » des foyers monoparentaux

Deuxième groupe : celui des mères seules, majoritairement inactives et isolées, qui subissent elles aussi « une pauvreté intense ». 48 % disent « avoir du mal à s'en sortir » et 24 % ne s'en sortent qu'avec des dettes. Leur situation en matière de logement est plus favorable (92,4 % sont locataires), mais les deux tiers n'ont pas d'emploi - la proportion la plus élevée parmi les trois groupes - et ont, pour la plupart, un faible niveau de formation. Là encore, « le filet familial agit peu pour aider ces familles à s'en sortir ». Ces foyers monoparentaux « subissent une pauvreté lourde et durable. Ils cumulent insuffisance de revenus et isolement affectif. »

Le troisième groupe est constitué en majorité de couples, français pour la plupart. Ce sont souvent des familles nombreuses (61 % ont au moins trois enfants). Si 7,5 % se sentent « à l'aise » financièrement, 60 % font attention à leurs dépenses, alors que 40 % ont du mal à s'en sortir ou s'endettent. Leurs difficultés financières sont donc moins intenses que pour les deux autres groupes, au moins l'un des deux parents travaillant souvent à temps plein. Parmi ces familles, 75 % sont locataires et 23,8 % sont propriétaires. Seulement 1 % vit en logement précaire. Contrai-rement aux deux autres, les difficultés de ce troisième groupe « se limitent à une pauvreté monétaire », mais le travail ne suffit pas à les résoudre.

Dans cette étude, le Secours catholique a par ailleurs interrogé plus de 600 enfants, parmi lesquels une forte représentation de 10-12 ans. Il en ressort plusieurs réalités des conséquences de la pauvreté sur leur vie quotidienne. Déjà connues, celles-ci méritent toutefois d'être soulignées : un accès réduit aux moyens de connaissance, une forte responsabilisation des plus âgés, peu ou pas d'activités et de loisirs, et, pour beaucoup, l'absence de départs en vacances.

Inquiétudes sur l'impact du RSA

Face à ces constats, le Secours catholique émet plusieurs propositions, que résume Bernard Schricke, directeur de l'action France : « La diversification et la solvabilisation des modes de garde, le versement d'une allocation dès le premier enfant, le renforcement de l'accompagnement à la parentalité et l'accès à la formation professionnelle des plus fragiles. » L'association rappelle en outre que le rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » de 2005 contenait « 15 propositions qui ne sont toujours pas mises en oeuvre, hormis le RSA ». Or, dans le contexte économique actuel, ce dispositif suscite des réserves : « Si le chômage repart à la hausse, sa montée en charge risque d'être lente », craint Bernard Schricke. Les expérimentations menées dans les départements n'ont pas, selon lui, permis de mesurer les effets du RSA sur les publics accueillis par l'association : « D'une part en raison de l'échantillon trop faible concerné, d'autre part parce que les publics aidés par le Secours catholique, dont 60 % sont très éloignés de l'emploi, n'ont, pour une bonne part, pas bénéficié du dispositif. » Le gain de pouvoir d'achat des personnes aidées ayant été, en 2007, largement absorbé par la hausse du coût des loyers et de l'alimentation, le Secours catholique s'inquiète par ailleurs des effets de la crise économique sur les plus démunis, en première ligne.

Notes

(1) Familles, enfance et pauvretés - Statistiques d'accueil 2007 - Disponible sur www.secours-catholique.org.

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