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Mélia aide les familles à rompre la spirale de leurs difficultés

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Depuis plusieurs années, l'équipe du centre de thérapie familiale et sociale Mélia, dans le Val-d'Oise, accueille les familles en grande précarité, ne parvenant pas à s'en sortir malgré les nombreuses prises en charge existantes. Le suivi thérapeutique vise à leur permettre de retrouver une autonomie et le soutien apporté aux accompagnants professionnels permet à ces derniers de trouver une nouvelle dynamique.

Que faire face à des familles lourdement endettées, qui cumulent les problèmes relationnels, de chômage et de santé avec toutes leurs conséquences sur les enfants (échecs scolaires répétitifs, tentatives de suicide...) ? Que faire lorsque les solutions « classiques », comme les conseils budgétaires ou éducatifs ou bien la mise en place des multiples dispositifs d'accompagnement sanitaires et sociaux ne suffisent pas et que les bénéficiaires continuent à s'enfoncer dans la spirale de leurs difficultés ? C'est la question que se sont posée les délégués du service des tutelles de l'ADSEA (Asso-ciation départementale pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence) du Val-d'Oise avant de changer de mode d'approche. Ils ont considéré que l'inca-pacité des familles à s'en sortir provenait de problématiques plus profondes et non verbalisées, souvent ancrées dans leur histoire. D'où la nécessité d'un mode de prise en charge particulier où la souffrance psychique pourrait être prise en compte.

Au départ, les délégués à la tutelle se sont adressés à un centre de thérapie familiale parisien, qui acceptait de recevoir conjointement les familles non demandeuses et leurs accompagnants professionnels. Si les effets thérapeutiques de la formule ne se sont pas fait attendre, l'accompagnement n'en restait pas moins lourd à gérer du fait des problèmes de déplacement. C'est ainsi que l'idée de créer une structure similaire dans le Val-d'Oise s'est imposée, d'autant que d'autres professionnels (du conseil général, de la caisse d'allocations familiales, de médecins psychiatres, etc.) se sont, eux aussi, intéressés à ce type de prise en charge.

Soutenu notamment par le conseil général et la CPAM (caisse primaire d'assurance maladie), le centre Mélia a ouvert ses portes en octobre 2000 à Cergy-Pontoise. Aujourd'hui, quelque 200 familles (et leurs accompagnants) bénéficient d'une prise en charge et sont dispensés de l'avance des frais grâce à la convention passée avec la CPAM du Val-d'Oise. Les services sociaux, en particulier le service social départemental et l'ADSEA, constituent les principaux demandeurs, devant le secteur sanitaire (services de pédopsychiatrie, etc.).

Lorsqu'ils poussent la porte de cette petite structure installée à deux pas de la préfecture, familles et professionnels sont accueillis par un médecin psychiatre à temps partiel et une assistante sociale, tous deux thérapeutes familiaux. Ceux-ci évaluent la situation et jugent de la pertinence d'un suivi au centre avant d'orienter les familles, si nécessaire, vers les psychothérapeutes du pôle « soins ». La prise en charge s'effectue par le biais d'entretiens mensuels à travers une approche systémique et en considérant la famille dans sa globalité, ses référents institutionnels (issus des secteurs social, sanitaire, judiciaire...) inclus.

L'intervention de l'équipe de psycho-thérapeutes peut durer quelques mois, voire quelques années. « Les situations que nous voyons ici sont les plus «chronicisées», dans la mesure où elles cumulent des problématiques diverses nécessitant des constellations de prises en charge sans avoir permis pour autant aux familles de progresser. Du coup, celles-ci se maintiennent dans une position permanente d'assistanat, explique Dominique Guin, directrice du centre. Nous revisitons avec les personnes leur histoire familiale pour essayer de comprendre comment celle-ci a pu créer ces difficultés. » Il s'agit par exemple de voir comment la dépression d'une mère de famille liée à un deuil impossible peut provoquer la déscolarisation et les problèmes de comportement de ses enfants. Ou encore de comprendre pourquoi le frère d'un enfant atteint d'une grave maladie triple sa terminale et pourquoi les parents se coupent peu à peu de toute vie sociale. « Dans ce cas, précise Marie-Agnès Gillard, assistante sociale et thérapeute au pôle « accueil », nous pensions que les échecs successifs de la part de ce frère, pourtant brillant, étaient une façon de demander de l'aide, de faire entrer de l'extérieur à l'intérieur de cette famille pour qui la mort annoncée de l'autre enfant signifiait la mort de toute la famille. »

Enrayer la reproduction

L'objectif des psychothérapeutes est de revenir avec la famille sur les traces de souffrances anciennes et non formulées pour lui permettre d'enrayer le mécanisme de reproduction des dysfonctionnements. A partir de ce travail, celle-ci peut développer une dynamique de changement. « Pour certaines personnes suivies depuis très longtemps, les travailleurs sociaux font aujourd'hui pratiquement partie de la famille, précise Dominique Oisel, déléguée aux prestations familiales au service éducatif d'aide à la gestion à la Sauvegarde de l'enfance de l'Oise (qui travaille depuis plusieurs années avec le centre de thérapie de Cergy-Pontoise). Et chaque fois que nous évoquons la fin de notre intervention, cela devient extrêmement difficile pour elles. Dans ce cas, Mélia peut être un soutien pour préparer l'arrêt de notre accompagnement. » Dans ce contexte, l'association des professionnels, porteurs de la demande initiale, à la prise en charge est un élément essentiel. Ceux-ci forment un lien, une passerelle indispensable avec le centre : « Pour des familles qui ont toutes connu par le passé des problèmes de ruptures et d'abandons, c'est rassurant de pouvoir démarrer un nouveau travail ici en compagnie de leur intervenant social habituel », souligne Marie-Agnès Gillard.

La collaboration des intervenants permet en outre de tranquilliser des familles souvent effrayées par un suivi associé à la pathologie mentale. Surtout, le fait de les informer en permanence quant à l'évolution de la prise en charge et la possibilité pour eux d'être présents aux entretiens de soins ouvre des perspectives. « On parle avec les professionnels et les familles de la difficulté à aller au-delà de ce qui se passe habituellement, raconte Dominique Guin. Nous avons eu, par exemple, des situations où certains sujets n'avaient pas pu être abordés avec les familles par les assistantes sociales scolaires dans le cadre du collège ou du lycée. Et il a suffi de quelques entretiens ici pour que des barrages sautent et qu'une nouvelle dynamique de travail apparaisse. » La présence des travailleurs sociaux durant les entretiens ne va pas toutefois sans poser quelques questions et susciter parfois des inquiétudes. Que peuvent dire ou ne pas dire les professionnels devant les fa-milles ? Inversement, ces dernières vont-elles s'auto-riser à parler de certaines choses devant ceux qui les accompagnent ? Ces derniers ne risquent-ils pas de violer le secret professionnel ? Une telle implication interroge les limites d'intervention des professionnels : « Lorsque l'on apprend certaines choses, comme l'existence d'abus sexuels dans une famille par exemple, on se demande parfois si on est bien à notre place à ce moment-là. Si ça ne va pas interférer ensuite avec notre propre travail quotidien, rapporte Dominique Oisel. On peut alors en parler avec la famille. On peut aussi lui dire, lorsqu'elle adhère bien à la prise en charge, que notre présence n'est plus nécessaire. »

Mais les professionnels confrontés à des blocages ou à un sentiment d'impuissance face à des situations compliquées, peuvent aussi entamer un travail d'analyse de la pratique au centre. A la demande de certains intervenants, l'équipe de Mélia a développé cette action depuis quelques années, notamment auprès d'un service de l'aide sociale à l'enfance et d'une équipe d'une maison d'enfants du département. « On sent une souffrance énorme chez certains professionnels. Et la première question qui s'est posée lorsque nous avons commencé ce travail autour de l'analyse de la pratique a été de voir comment alléger cette souffrance des intervenants happés par la famille et ne parvenant plus à maintenir une bonne distance par rapport à des situations qui font parfois écho à leurs propres difficultés », explique Jean-René Scordia, psychothérapeute. Ce travail d'analyse mené à partir de situations concrètes vise à aider les praticiens à prendre du recul, à se décaler grâce à l'apport d'un regard extérieur et à retrouver une dynamique et une créativité malgré des logiques de gestion de plus en plus contraignantes.

L'équipe a, parallèlement, mis en place d'autres interventions en direction de publics particuliers, à l'instar de celle menée depuis plus de cinq ans auprès des détenus de la maison d'arrêt du Val-d'Oise, à Osny. Engagée à la demande des travailleurs sociaux du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), l'action entreprise auprès des détenus et de leurs familles s'inscrit dans le cadre du travail mené par les thérapeutes de Mélia pour tenter d'interrompre les processus de répétition auxquels sont confrontés certaines populations. Les entretiens sont organisés deux fois par mois dans la maison d'arrêt, avec une dizaine de personnes condamnées essentiellement pour des crimes ou délits à caractère sexuel et des violences intrafamiliales. Les familles et les professionnels du SPIP participent à ce travail destiné à prévenir la récidive. « Il s'agit pour les détenus de réfléchir au sens de la peine, de l'incarcération et du passage à l'acte délinquant pour préparer la sortie de prison et casser le cycle des réincarcérations », explique Dominique Guin.

Une convention a été également passée en 2006 avec l'équipe pédagogique d'une classe-relais dans un collège du département pour travailler autour du lien entre l'enfant, la famille et l'école et des conséquences éventuelles en termes d'échec scolaire. D'autres actions, plus ponctuelles, ont été menées en matière de prévention de l'alcoolisme ou encore auprès d'une maison d'enfants à caractère social pour réfléchir au lien entre la famille, l'enfant et l'établissement d'accueil au moment d'un placement. « Mélia constitue un support de travail supplémentaire pour essayer de sortir des familles de certaines impasses et même, parfois, un espace de transition vers des suivis psychologiques individuels », ajoute Dominique Oisel.

L'un des objectifs du centre est également de réduire le coût des lourdes et longues prises en charge de familles devenues dépendantes de dispositifs d'assistance. Il n'empêche que, plus dehuit ans après son ouverture, le centre Mélia a encore du mal à pérenniser ses financements (voir encadré, page 27).

LE CASSE-TÊTE DU FINANCEMENT

« On n'entre dans aucune case. Ce qui faisait notre force au départ constitue aussi un peu notre faiblesse », concède Dominique Guin, directrice du centre. La spécificité du travail de Mélia, situé à l'interface du sanitaire et du social, débouche en effet sur un véritable casse-tête lorsqu'il s'agit de pérenniser les financements de la structure. Jusqu'à la fin de cette année, le fonctionnement du centre était assuré pour près de 276 000 € grâce à un montage réunissant le conseil général du Val-d'Oise (118 000 €), la CPAM (environ 90 000 €), la direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France (61 000 €) et la CAF (7 650 €). La CPAM, qui avait accepté jusqu'ici de financer, à titre d'expérimentation, des soins n'étant pas exclusivement médicaux a annoncé la fin de sa participation. Avec l'arrêt supplémentaire en 2006 d'une dotation (de 40 000 à 60 000 €) issue du Fonds social européen, l'équipe a dû se démener tout au long de l'année pour trouver une solution à une fermeture pure et simple. Le conseil général s'est engagé finalement à l'aider à boucler son budget 2008-2009, avant d'envisager la pérennisation du centre dans le cadre du schéma directeur départemental de l'enfance.

Notes

(1) Centre Mélia : 3, place de la Pergola - 95000 Cergy-Pontoise - Tél. 01 30 17 12 66 - centreMélia@wanadoo.fr.

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