Alors que la justice pénale des mineurs tend de plus en plus à perdre son caractère dérogatoire au droit commun, Patricia Benec'h-Le Roux met en regard cette évolution avec celle du rôle de l'avocat des jeunes délinquants. Longtemps personnage secondaire sur la scène pénale, ce dernier y a vu son entrée consacrée en 1993 : sa présence est devenue obligatoire à tous les stades de la procédure - et non plus uniquement à la phase du jugement. Les mineurs qui n'ont pas l'assistance d'un avocat choisi et rétribué par leurs représentants légaux bénéficient donc, ce qui est le cas le plus fréquent, d'un défenseur désigné d'office.
Déterminante dans la construction de la défense pénale, la relation qui unit l'avocat à son jeune client ne va pourtant pas de soi, relève la sociologue. Généralement, le mineur n'est pas intéressé par sa défense et il n'a pas répondu aux propositions de rendez-vous qui lui ont été adressées. Aussi la majorité des mineurs convoqués en justice ne rencontrent-ils leur défenseur que le jour de l'audience. D'emblée, le jeune délinquant est amené à se méfier de cet avocat qu'il n'a pas mandaté et que, la plupart du temps, il ne différencie pas des autres acteurs judiciaires - exception faite de « son » juge, lorsque l'intéressé a d'abord été un justiciable de l'assistance éducative. Du coup, la confiance nécessaire à la coopération émerge difficilement, ce qui rend le travail de défense extrêmement malaisé, souligne la chercheure, à partir des observations qu'elle a faites dans trois juridictions différentes, lors d'audiences pénales ayant eu lieu dans le cabinet du juge ou devant le tribunal pour enfants.
Globalement, le scénario d'une audience de cabinet - réservée aux affaires les plus simples et les moins graves - accorde peu de place à l'avocat : les enjeux de la défense y sont très limités car la liberté du mineur n'est pas en cause et les réponses pénales du juge des enfants sont des mesures éducatives. L'avocat a un rôle beaucoup plus important dans l'espace du procès, et deux principaux registres de plaidoiries. La plus classique et la plus répandue est « la plaidoirie socio-éducative », qui s'inscrit dans une « défense de totale connivence » avec le tribunal pour enfants. Dès le début, l'avocat et le juge sont d'accord sur le fond : « la défense des intérêts du client se confond avec la défense de l'intérêt de l'enfant dans la société telle que le juge des enfants la conçoit », explique Patricia Benec'h-Le Roux. Autrement dit, il s'agit d'une alliance de pédagogues et d'adultes face à un adolescent à remettre dans le droit chemin. Moins consensuelle, « la plaidoirie juridico-technique » est centrée sur l'évitement de la sanction pénale. Se distinguant du juge, renvoyé à sa position d'arbitre, l'avocat mobilise sa culture de juriste pour obtenir gain de cause. « Pour lui, la justice pénale des mineurs ne saurait être différente de celle des majeurs en ce qui concerne sa garantie fondamentale, le respect de la procédure et du contradictoire », souligne la sociologue. Aujourd'hui où le droit des mineurs se fait plus répressif, cette défense légaliste paraît de moins en moins choquante et se trouve en plein essor.
Au tribunal pour enfants. L'avocat, le juge, le procureur et l'éducateur - Patricia Benec'h-Le Roux - Ed. Presses universitaires de Rennes - 18 € .
Affirmer qu'il existe un lien de causalité entre les trauma-tismes relationnels répétés subis dans la plus tendre enfance et les comportements ultérieurs de violence pathologique, physique et/ou sexuelle, n'ira probablement pas sans susciter la polémique. L'admettre, pourtant, ne revient pas à enfer-mer toute jeune victime dans un destin d'agresseur, mais, précisément, à aider l'intéressé à préserver sa « liberté interne de ne pas frapper » par une prise en charge très rapide de sa souffrance. Telle est la conviction forte qui parcourt ce livre dans lequel le pédopsychiatre Maurice Berger témoigne de son expérience clinique auprès d'enfants en grande difficulté pour éclairer la complexité du fonctionnement psychique des sujets extrêmement violents. Mauvais traitements physiques, sexuels, et/ou psychologiques - négligences graves, exposition à des scènes de violence conjugale, implication dans la folie parentale... : il existe différents types de traumatismes relationnels. Tous provoquent chez le très jeune enfant des angoisses, des troubles et des mécanismes de défense spécifiques, ainsi qu'un stress chronique entravant le développement de son cerveau, explique l'auteur. L'impact de ces traumatismes répétés est d'autant plus important qu'ils ont lieu précocément, souligne-t-il. Les tout-petits, en effet, ne disposent pas du langage pour mettre en mots leur ressenti, et ils ne savent pas non plus si ce qui va mal vient d'eux-mêmes ou du monde extérieur. « Du fait de cette indifférenciation entre la pensée de l'enfant et celle de ses parents », précise le médecin, une séparation, lorsqu'elle est inévitable, ne fait souvent que protéger physiquement l'enfant, sans entraîner d'amélioration suffisante au plan psychique. C'est pourquoi les enfants traumatisés ont besoin de l'écoute empathique et intensive d'un « témoin impliqué », c'est-à-dire d'un adulte référent, lui-même supervisé - éducateur ou infirmier par exemple -, qui reconnaisse leur souffrance et lui donne sens.
Voulons-nous des enfants barbares ? Prévenir et traiter la violence extrême - Maurice Berger - Ed. Dunod - 21,50 € .
Soutien, témoin, facilitateur et amplificateur : l'intervenant en position d'« advocate » se place, à sa demande, aux côtés d'un usager de santé mentale pour l'aider à faire entendre son point de vue. Ce tiers n'est ni un médiateur patenté - avocat ou travailleur social -, ni un membre de la famille de l'intéressé, même si, à partir d'un travail réflexif sur leur expérience, professionnels et proches peuvent, à l'instar de pairs de l'usager, s'engager dans une démarche d'advocacy, explique Martine Dutoit, co-fondatrice et directrice de l'association Advocacy France, créée en 1996. En tant que fille d'un malade et en tant que professionnelle ayant exercé près de 20 ans comme assistante sociale en psychiatrie, Martine Dutoit explique avoir « été confrontée très tôt à la dialectique de la demande et du mandat, cherchant les limites entre le positionnement techniciste, l'accompagnement «paternalistique» [...] et l'alliance fraternelle ». Cette dernière caractéristique lui semble la mieux à même de qualifier la relation d'Advocacy et l'auteure présente, dans cet ouvrage, de nombreux témoignages susceptibles de faire comprendre comment des parents, des professionnels et des patients franchissent le pas vers cet « engagement fraternel ».
L'advocacy en France. Un mode de participation active des usagers en santé mentale - Martine Dutoit - Presses de l'EHESP - 22 € .
Educateur spécialisé aujourd'hui consultant dans le secteur social et médico-social, Francis Alföldi a mis au point, il y a une quinzaine d'années, une méthode d'évaluation des situations d'enfants en danger. Progressivement affinée par des allers et retours entre la réflexion théorique et l'expérimentation, la « méthode Alföldi » - marque déposée - peut avoir plusieurs sortes d'applications. Elles sont ici exposées par leurs utilisateurs, qui montrent, concrètement, ce que leur apporte l'outil. Ce dernier, malheureusement, ne fait lui-même l'objet que d'un trop succinct descriptif pour que les non-initiés puissent vraiment appréhender les débats autour de son appropriation.
18 cas pratiques d'évaluation en action sociale et médico-sociale - Sous la direction de Francis Alföldi - Ed. Dunod - 27 € .
« Pour compter (dans les politiques publiques), il faut commencer par être compté (dans les statistiques) », soulignent les auteurs. Et, pour intéresser les statisticiens, il faut souvent avoir déjà attiré l'attention de la presse. C'est ainsi qu'après avoir vu leurs difficultés largement médiatisées, les personnes sans domicile ont fait l'objet de plusieurs grandes enquêtes statistiques, dont les principaux résultats sont ici restitués et contextualisés.
Les sans-domicile - Cécile Brousse, Jean-Marie Firdion et Maryse Marpsat - Ed. La Découverte - 8,50 € .
Apparue outre-Atlantique au début des années 70 et en France 25 ans plus tard, l'expression « travailleurs pauvres » a beau associer deux mots antinomiques, elle ne suscite plus grand étonnement. La multiplication des « bad jobs » précaires et peu rémunérateurs a fait plonger sous le seuil de pauvreté nombre de travailleurs et leur famille. Mais « réduire fortement la pauvreté dans une société comme la nôtre est possible », affirme l'économiste Denis Clerc. A condition, notamment, que l'Etat ne subventionne pas les emplois indignes et décourage les emplois à temps partiel paupérisants.
La France des travailleurs pauvres - Denis Clerc - Ed. Grasset - 16,90 € .
Si l'autorité est souvent jugée « en crise », c'est qu'elle ne s'exerce plus selon les schémas anciens et qu'elle n'est plus corrélée au partage des rôles sexués, constatent les intervenants du colloque organisé par la Fédération nationale des écoles de parents et d'éducateurs les 23 et 24 novembre 2007. Au-delà des problèmes du « respect » à l'école, ils se sont interrogés sur l'autorité parentale partagée, sur la remise en cause que constitue l'homoparentalité, sur les idées reçues et les tiraillements propres aux familles populaires et aux familles immigrées...
L'Ecole des parents n° 570 - 11,50 € .
Dans l'univers de l'entreprise de plus en plus gouverné par des logiques gestionnaires, l'identité professionnelle des assistantes sociales du travail est parfois malmenée, leur expertise mise en cause, leur éthique bousculée... Quant aux partenariats et au travail en réseau, avec le médecin du travail, le psychologue, la DRH, les intervenants externes, ils sont indispensables mais à double tranchant dans un univers organisé selon des liens hiérarchiques. Ces questions existentielles ont alimenté les 55es journées d'éudes du travail, tenues les 7 et 8 juin 2007 (voir ASH n° 2520 du 31-08-07, page 7).
La revue française de service social n° 228-229 - ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79 - 13 € .
Les liens entre santé et territoires, santé et précarité, santé et lutte contre les exclusions étaient au coeur des rencontres programmées d'octobre 2005 à avril 2007 par Profession Banlieue. Avec le souci de produire, à partir des expériences concrètes et des interrogations méthodologiques, des outils efficaces pour tous les acteurs impliqués dans des projets de prévention et de santé au plan local.
Sous la direction de Chantal Mannoni - Profession Banlieue : 15, rue Catulienne - 93200 Saint-Denis - Tél. 01 48 09 26 36 - 20 € .
« Nous nous sommes aperçus que nos usagers avaient des compétences et nous nous sommes appuyés dessus. » Les participants au colloque des 29 et 30 novembre 2007 ont échangé réflexions de fond et « petits trucs très simples », issus de leur pratique auprès des consommateurs de substances psychoactives. Ils ont aussi discuté du sens des conduites à risque et de l'action possible à l'échelle des territoires.
Cahiers de Chaligny : 15, rue de Chaligny - 75012 Paris - Tél. 01 44 67 21 50 - Gratuit.