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« Le projet de loi généralisant le RSA comporte plusieurs dispositions revêtant un caractère discriminatoire », selon la HALDE

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Un pavé dans la mare. Saisie le 11 septembre dernier d'une réclamation du Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) visant différents aspects du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) (1), la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) a considéré, dans une délibération du 20 octobre, que ce texte, adopté par le Parlement en première lecture le 24 octobre (2), comportait « plusieurs dispositions revêtant un caractère discriminatoire » (3).

Une discrimination fondée sur la nationalité

La Haute Autorité s'est d'abord penchée sur les conditions d'attribution du RSA opposées aux étrangers, que le GISTI juge « exorbitantes et discriminatoires ». Selon le projet de loi, l'étranger non communautaire devra « être titulaire depuis au moins cinq ans d'un titre de séjour autorisant à travailler ». Sur le fondement de cette disposition - qui ne vise pas les réfugiés, ni les bénéficiaires de la protection subsidiaire ni les apatrides, ni les titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux et conférant des droits équivalents, ni encore les personnes qui répondent actuellement à la condition de régularité de séjour pour l'attribution de l'allocation de parent isolé -, seraient ainsi exclus du dispositif : les étrangers titulaires d'un titre de séjour n'autorisant pas à travailler et ceux disposant depuis moins de cinq ans d'un titre autorisant à travailler, malgré leur situation régulière depuis plus de cinq ans (du fait d'autres titres n'autorisant pas au travail). Selon le Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch, « le nouveau texte ne pose aucune condition de droit nouvelle pour l'accès au RSA des étrangers non communautaires, aujourd'hui d'ores et déjà soumis à une condition de résidence de cinq ans » pour l'octroi du revenu minimum d'insertion (RMI), que le RSA a vocation à remplacer. Mais pour le GISTI, cette condition de résidence préalable de cinq ans - également appelée « stage préalable » -, exigée uniquement des étrangers non communautaires, constitue une discrimination fondée sur la nationalité entre les ressortissants étrangers, mais aussi entre Français et étrangers. Ce que confirme la HALDE. Sur la discrimination entre étrangers, la Haute Autorité rappelle l'existence de conventions bilatérales et d'accords de coopération conclus entre l'Union européenne et des pays tiers (4). « Si, de toute évidence, ces conventions [...] tendent à assurer l'égalité de traitement entre Français et ressortissants des Etats parties, elles conduisent à l'inverse à multiplier les différences de traitement entre ressortissants étrangers, dont la nationalité détermine l'application d'un régime plus ou moins favorable en la matière », considère-t-elle. S'agissant de la discrimination entre Français et étrangers, la Haute Autorité se réfère notamment à la Convention n° 118 de l'Organisation internationale du travail sur l'égalité de traitement en matière de sécurité sociale, texte qui affirme que, « en ce qui concerne le bénéfice des prestations, l'égalité de traitement doit être assurée sans condition de résidence » entre nationaux et étrangers. A cette aune, elle estime que « l'exigence d'un stage préalable de cinq ans constitue une différence de traitement, prohibée par [ce texte], entre Français et étrangers fondée sur la nationalité ». Par ailleurs, la HALDE juge que « la condition de résidence préalable attestée par la possession d'un titre de séjour autorisant à travailler depuis au moins cinq ans et exigée des seuls étrangers non communautaires manque de justification objective et raisonnable, et n'est pas conforme à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme », selon lequel la jouissance des droits et libertés reconnus dans ce texte doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur l'origine nationale, sauf à justifier d'un motif raisonnable et objectif.

Prévue par le projet de loi, l'extension de l'exigence du stage préalable au conjoint, concubin ou partenaire « pacsé » du demandeur du RSA est également condamnée par la Haute Autorité. Martin Hirsch réfute l'idée d'une telle extension, expliquant qu'il ne s'agit que d'une clarification du texte en vigueur pour le RMI. Faux, selon le GISTI, qui soutient, au contraire, que ce dispositif étend la discrimination dans la mesure où, pour l'attribution du RMI, les conjoints n'étaient pas soumis à la condition de stage préalable. Pour la HALDE, « il est à craindre que, derrière l'argument d'une clarification du texte actuel, se cache, en réalité, une interprétation extensive du texte donnant naissance à une règle nouvelle revêtant le caractère d'une discrimination fondée sur la nationalité ». « Ayant constaté le caractère discriminatoire de la condition de stage pour les bénéficiaires du RSA, [elle] estime que, par analogie, la règle exigeant cette condition des conjoints, concubins ou partenaires pacsés [étrangers] revêt également un caractère identique. »

Quid des enfants étrangers ? Le projet de loi dispose que, pour être pris en compte au titre des droits d'un bénéficiaire étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, ils doivent remplir les conditions mentionnées à l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire être arrivés sur le territoire français dans le cadre de la procédure du regroupement familial. La Haute Autorité rappelle qu'elle a eu l'occasion de mettre en exergue le caractère discriminatoire de cet article, selon elle contraire aux stipulations de la convention européenne des droits de l'Homme et à la convention internationale des droits de l'enfant. Et souligne que « l'adoption du RSA pourrait être l'occasion de [le] mettre en conformité [...] avec les conventions internationales prohibant les discriminations ».

Une différence de traitement fondée sur l'âge

La HALDE a également recherché si, comme le soutient le GISTI, la condition d'âge fixée pour être éligible au RSA était de nature à constituer une discrimination. Rappelons que, selon le projet de loi, le bénéficiaire doit « être âgé de plus de 25 ans ou assumer la charge d'un ou plusieurs enfants nés ou à naître ». Une condition d'âge déjà requise pour le RMI. « Au regard de la nature [du RMI], [cette] condition [...] pouvait paraître adaptée au but visé, lequel consistait à éviter de faire [de cette prestation] une «trappe à inactivité» susceptible de dissuader les jeunes de moins de 25 ans de se former ou de travailler », souligne la Haute Autorité. « La finalité du RSA paraît sensiblement différente de celle du RMI », estime-t-elle, rappelant notamment qu'il s'agit, avec ce dispositif, de « faire des revenus du travail le socle des ressources des individus et le principal rempart contre la pauvreté ». In fine, elle constate « l'existence d'une différence de traitement fondée sur l'âge des personnes actives, seuls les salariés de plus de 25 ans pouvant bénéficier de l'accompagnement financier prévu par le nouveau dispositif ». « Or, poursuit-elle, une telle différence de traitement n'est licite que si elle est justifiée de façon objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle poursuit un but légitime et qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. » « Interrogé sur ce point, le Haut Commissaire aux solidarités actives [ne lui] a adressé aucune observation. » En conséquence, elle lui demande « que soit réalisée une étude sur les conséquences de la condition d'âge fixée pour les bénéficiaires du RSA, au regard en particulier des difficultés d'insertion sociale et professionnelle des jeunes âgés de moins de 25 ans ».

Notes

(1) Voir ASH n° 2573 du 19-09-08, p. 17.

(2) Le gouvernement ayant déclaré l'urgence sur ce texte, il doit à présent être prochainement soumis à une commission mixte paritaire - composée de sept députés et de sept sénateurs - qui a pour mission d'aboutir à l'accord des deux assemblées sur un texte commun.

(3) Délibération n° 2008-228 du 20 octobre 2008, disponible sur www.halde.fr.

(4) Ces conventions concernent en particulier trois Etats du Maghreb (l'Algérie, le Maroc et la Tunisie), mais aussi la Turquie.

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