Alerter sur les situations qui risquent de réduire l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans les prochaines années. C'est l'objet du rapport rendu public le 29 octobre par la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale, qui est chargée du suivi de l'application de la loi du 4 juillet 2001 relative à l'IVG et à la contraception (1). Certes, les modalités d'accès à l'IVG ont été diversifiées et facilitées, relève sa rapporteure, la députée (UMP) des Ardennes, Bérengère Poletti. Toutefois, les échecs contraceptifs ainsi que les restructurations hospitalières et les évolutions des équipes requièrent une vigilance particulière sur les garanties d'accès à l'IVG pour les périodes à venir.
Le nombre des IVG en France est globalement stable depuis une vingtaine d'années, à hauteur d'un peu plus de 200 000 par an, et relativement élevé par rapport aux autres pays européens, constate la députée. Néanmoins, le taux d'IVG augmente de façon régulière chez les jeunes femmes de moins de 20 ans, et en particulier chez les mineures de 15 à 17 ans, la situation dans les départements d'outre-mer étant la plus préoccupante. La rapporteure souligne par ailleurs un paradoxe : cette situation s'accompagne d'un taux d'utilisation de contraceptifs parmi les plus élevés d'Europe. « En effet, près de deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes qui déclarent utiliser une contraception au moment de la survenue de cette grossesse », explique-t-elle. C'est pourquoi elle recommande de poursuivre les campagnes d'information sur la contraception à intervalles réguliers et d'amplifier les actions tendant à diversifier les modes de contraception (2). Elle préconise également de mieux rembourser certains contraceptifs ainsi que de rendre anonyme et gratuite la délivrance de la contraception orale pour les mineures (3).
La loi du 4 juillet 2001 a facilité l'accès à l'IVG par le développement de la pratique des IVG médicamenteuses, l'augmentation de la durée du délai légal et la suppression de l'accord parental pour les mineures. Ces mesures ont eu des « effets certains », reconnaît la députée mais trop souvent freinés par l'organisation du système de santé. Ainsi, d'une part, les restructurations hospitalières se traduisent par la fermeture des cliniques qui effectuaient des IVG et, d'autre part, le secteur privé se désengage progressivement de la pratique d'un acte qui n'est pas considéré comme rentable en raison de sa tarification et des coûts spécifiques liés à l'accompagnement des femmes. La question de la revalorisation du forfait rémunérant l'IVG étant « essentielle », Bérengère Poletti demande une réflexion sur le mode de tarification des actes d'IVG et leur éventuelle intégration dans le système de la tarification à l'activité des établissements de santé.
Par ailleurs, alors que la réalisation des IVG médicamenteuses en ville est encore limitée dans le secteur libéral, le décret autorisant cette pratique par les médecins des centres de planification familiale et des centres de santé n'est toujours pas paru (4), signale la députée en réclamant sa publication au Journal officiel. Estimant en outre que « la question de l'élargissement à d'autres professionnels de santé se pose », elle souhaite que le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », qui devrait être discuté début 2009 au Parlement, soit amendé pour autoriser les sages-femmes à prescrire des IVG médicamenteuses dans les établissements de santé, les centres de planification et de santé. Enfin, elle plaide en faveur du renouvellement des générations « militantes » de médecins. En effet, celle « qui a mis en oeuvre la loi Veil et qui est à l'origine de la création des centres autonomes d'IVG va prochainement partir à la retraite [et la relève] n'est pas assurée ». Elle recommande donc de mieux former les médecins à la pratique des IVG, que ce soit en formation initiale ou continue.
(1) Rapport disponible sur
(2) Des initiatives d'ores et déjà annoncées par la ministre de la Santé dans le cadre du plan « santé des jeunes » - Voir ASH n° 2547 du 29-02-08, p. 9.
(3) En effet, en dehors des centres de planification familiale, les mineures ne bénéficient pas de la confidentialité nécessaire à la délivrance de la contraception puisque son remboursement passe par la sécurité sociale de leurs parents.
(4) Pour mémoire, cette mesure est prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 - Voir ASH n° 2548 du 7-03-08, p. 29.