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L'APF engagée dans une démarche continue d'amélioration de la qualité

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Faire entrer un réseau de plus de 400 établissements dans un plan permanent d'amélioration de la qualité, tel est le défi que s'est lancé l'Association des paralysés de France. Combinant référentiel national, conseil et audit conduit par des professionnels se déplaçant de structure en structure, ce chantier, voulu sans fin, vise à renforcer la cohérence de l'association, tout en évitant la standardisation.

« Le premier groupe de réflexion sur la qualité mis en place par l'APF s'est appelé «Valorisation des pratiques médico-sociales», ce qui n'est pas neutre », tient à préciser Emmanuel Bon, responsable de la direction qualité de l'Association des paralysés de France (APF) (1). De fait, dès le départ, lorsque l'organisation décide, à son congrès de 1997, de lancer l'ensemble de son réseau dans une dynamique d'amélioration de ses prestations, c'est avec l'idée d'éviter toute standardisation des pratiques. Objectif : proposer un référentiel « qualité » à l'ensemble de ses 440 établissements et services et fournir aux acteurs un outil permettant de mesurer leur adéquation avec les valeurs fondatrices de l'association, notamment la place et le rôle accordés aux usagers ou aux familles (voir encadré ci-contre). « Au départ, nous souhaitions aboutir à un manuel «qualité» adaptable dans les structures, mais nous avons abandonné cette idée, raconte Emmanuel Bon. Elle risquait de brouiller le message et de laisser penser que toute l'association allait marcher d'un seul pas. »

C'est au contraire vers une patiente démarche de co-construction avec son réseau que l'APF s'est orientée. En 1998, des sites pilotes sont chargés d'expérimenter une méthodologie d'amélioration de la qualité et de la roder dans les équipes. Alternant procédures d'amélioration des prestations, auto-évaluation, phases d'écriture puis de critiques par les équipes et les commissions d'usagers, la démarche va aboutir, en 2001, à un premier référentiel « qualité » consensuel déclinant les orientations politiques de l'association. « Ensuite, les différents acteurs qui avaient participé à sa construction se sont transformés en consultants : ils sont allés démultiplier la démarche dans d'autres structures, en transmettant en permanence les difficultés ou les impossibilités qu'ils pouvaient rencontrer. Ces consultants [qui peuvent être des directeurs, des cadres techniques ou des travailleurs sociaux] en sont aujourd'hui à leur troisième ou quatrième génération », explique Emmanuel Bon.

Directrice d'un institut d'éducation motrice à Villeneuve-d'Ascq (Nord), Patricia Boquet est l'une des « anciennes » qui ont participé à la phase expérimentale de rodage du référentiel. Elle supervise le suivi de l'installation de la démarche « qualité » du réseau APF dans la région Nord-Pas-de-Calais et observe à ce titre l'évolution des établissements. « Il y a deux ans encore, les directeurs ne connaissaient pas tous le référentiel. Il fallait parfois les rassurer en engageant une discussion tous azimuts sur la volonté de l'association, les fondamentaux du système «qualité» et la place accordée aux droits des usagers. Cela préparait le terrain aux consultants qui allaient ensuite accompagner les équipes », explique-t-elle. Mais sous la pression des échéances réglementaires, les demandes des directeurs de participer à cette démarche volontaire se sont accélérées, « à tel point que la quasi-totalité des structures de la région sont en chemin, précise Patricia Boquet. Du coup, l'accompagnement des établissements évolue. Certains, entrés parmi les premiers dans la démarche, peuvent voir leur dynamique s'essouffler ou se demander comment maintenir un plan continu d'amélioration de la qualité avec un processus d'évaluation permanent. Auquel cas, j'apporte un soutien aux équipes, là où elles sont bloquées. »

Ces questionnements sont ensuite débattus dans les directions régionales de l'APF et mutualisés au sein de la direction « qualité ». Des journées régionales sont également organisées deux ou trois fois par an avec les équipes des structures et les représentants des familles pour permettre le partage des expériences. Lorsqu'un problème se fait récurrent, sa résolution peut faire l'objet d'une recommandation nationale émanant de la direction de l'APF. « C'est sur la base de telles remontées de terrain qu'ont par exemple été émises des recommandations sur la maltraitance et la bientraitance utilisables par l'ensemble du réseau », explique Patricia Boquet.

En dépit de cette dimension collective, Jean-Louis Charpotier, directeur du service d'éducation et de soins spécialisés à domicile (SESSD) de l'APF à Clermont-Ferrand, rejette toute idée d'un nivellement des fonctionnements institutionnels. « La méthode et le référentiel permettent au contraire une valorisation du travail accompli par chaque équipe », observe-t-il. Durant la première année de l'entrée du SESSD dans le système « qualité », ce directeur a dû installer, comme le veut la démarche, un comité « qualité », composé de professionnels, d'adhérents et d'usagers, et nommer un référent « qualité » chargé de piloter le processus au sein de la structure. Chaque mois, un consultant interne est venu superviser des groupes travaillant sur les différents chapitres du référentiel de l'APF afin d'aboutir à un document d'évaluation interne et à des propositions d'amélioration. Au final, « alors que les professionnels sont souvent réticents face à ces démarches par crainte de devoir rentrer dans des cases, ils se sont aperçus que c'est leur outil de travail qu'ils étaient en train d'améliorer, simplement en posant des questions pratiques comme la qualité de l'accueil des familles », commente Jean-Louis Charpotier.

Illustration type de la logique d'amélioration continue de la qualité lancée par l'APF, le SESSD de Clermont-Ferrand est aujourd'hui en attente d'un audit interne, l'étape de vérité qui consiste à soumettre au regard d'autres directeurs l'avancée des processus d'amélioration déjà engagés, un an environ après la rédaction du document d'évaluation interne. « Il ne s'agit pas d'un audit de conformité, précise Jean-Louis Charpotier, mais plutôt de faire le point sur ce qui a été réalisé, ce qui est en cours, ou ce qui n'aurait pas été vu. Nous sommes bien dans le registre du conseil et de la méthode. » A la suite de cet audit, des correctifs pourront être demandés et un mémoire, comportant le diagnostic dressé par les directeurs-auditeurs ainsi que le plan d'amélioration qu'ils suggèrent, sera remis aux différentes autorités de tutelle. Le directeur du SESSD s'est lui-même porté volontaire pour faire partie d'un tandem de directeurs qui, après une formation à l'audit interne, iront à leur tour observer l'avancée de leurs confrères. Enfin, des garde-fous sont posés pour prévenir l'essoufflement de la démarche. « L'idée est que la qualité est un chantier qui doit rester permanent, même si cela peut apparaître parfois très lourd. Dans notre établissement, nous avons décidé que le référent «qualité» avait un adjoint qui l'épaulait dans toutes les démarches de coordination, explique Marie-José Machebeuf, psychomotricienne et référente « qualité » du SESSD de Cler-mont-Ferrand. Dans deux ans, cet adjoint deviendra à son tour référent «qualité» et choisira un autre adjoint, pour qu'il y ait toujours une continuité. » Convaincue, cette professionnelle ajoute suivre une formation de consultant interne qui bouclera la boucle en la conduisant à accompagner les équipes de nouveaux établissements.

Ce mouvement voulu sans fin vise, selon Emma-nuel Bon, à « responsabiliser » chaque acteur dans l'amélioration de la qualité. « Après, les recommandations extérieures émises notamment par l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux [ANESM] ne seront pas perçues comme des diktats, mais comme des repères communs qui vont faire évoluer nos pratiques. »

Lancé en 2001, le référentiel « qualité » de l'APF évolue lui-même à l'épreuve de la pratique de terrain. Après un premier remaniement en 2004, il fait l'objet d'une seconde révision pour intégrer les recommandations du guide de l'évaluation de l'ANESM. « On s'aperçoit que sur certains points nous sommes au-dessus des exigences de l'ANESM et du cahier des charges de l'évaluation fixé par le décret du 15 mai 2007, mais que sur d'autres nous sommes en deçà. A nous de combler l'écart. » Reste que, mue en premier lieu par une recherche de cohérence interne et d'adéquation des actions avec son projet associatif, l'APF scrute avec une grande attention les précisions que l'ANESM apportera sur l'évaluation externe, dont dépendra le renouvellement des autorisations de fonctionnement des structures sociales et médico-sociales. Présentée dans ses grandes lignes par le décret du 15 mai 2007 (2) comme recouvrant le même périmètre d'activités que l'évaluation interne, elle pose en effet le délicat problème de la compétence des évaluateurs et des outils de mesure avec lesquels ils jugeront du niveau de conformité aux exigences réglementaires. « Tout dépendra du cadrage des organismes d'évaluation externe que proposera l'ANESM, explique Emmanuel Bon. L'évaluation externe deviendrait inquiétante si elle se retrouvait réduite à des normes contenues dans un texte réglementaire. Va-t-on demander aux cabinets d'audit de fournir un schéma-type de résultats ou va-t-on ouvrir l'évaluation au qualitatif ? La réponse apportée montrera bien la direction vers laquelle on veut nous emmener. »

Plutôt favorable à un système de professionnel-visiteur mandaté par un organisme tiers, l'APF s'est donc engagée - « faute d'autre solution » - dans une politique d'audits croisés conduite avec trois associations nationales intervenant dans le champ du handicap (3). Chacune des associations forme à l'audit certains de ses personnels de terrain non qualiticiens, puis les délègue dans les établissements des réseaux partenaires. « Ces auditeurs externes se confrontent à un autre référentiel, à un autre projet politique que le leur. Ce qu'ils observent et ramènent ensuite dans leurs établissements est particulièrement riche. C'est cela qui va faire avancer le secteur. Si l'évaluation externe se passe sur ces modalités, elle ne fera que consolider les pratiques (4). » Pour l'heure, les rapports d'audit externes sont envoyés aux autorités ayant délivré l'autorisation de fonctionnement de la structure. Ils permettent également à certains directeurs de l'APF d'utiliser le travail mis en place pour leur argumentation budgétaire.

En dix ans, un peu plus de la moitié des 440 établissements de l'APF sont entrés dans cette dynamique. « Ce rythme pourrait paraître modéré, reconnaît Emmanuel Bon, mais c'est aussi celui du rodage d'une méthodologie et, surtout, de la recherche du volontariat, seule garantie de l'implication des équipes. »

UN RÉFÉRENTIEL CENTRÉ SUR L'USAGER

S'articulant sur des valeurs associatives, en particulier sur la réaffirmation de la citoyenneté de la personne handicapée, le référentiel « qualité » décliné par l'Association des paralysés de France (APF) dans les structures de son réseau constitue en soi un outil de cohérence interne. Il est divisé en deux parties distinctes : l'usager et la structure. Loin d'être symbolique, cette séparation permet de mettre l'accent sur les politiques d'accueil, d'accompagnement personnalisé ou de recueil du niveau de satisfaction des usagers et des familles, avant toute considération technique ou managériale. Commentant ce déroulé qui va de la personne à l'institution, l'APF explique que « les références et les critères [du référentiel] sont organisés pour répondre à l'enchaînement logique de l'accueil d'une personne, qu'elle soit adhérente ou usager, et à l'attention qu'il convient de lui donner dans l'organisation des structures ». L'association précise qu'un établissement reste libre d'adapter le référentiel selon les « caractéristiques de ses missions », pourvu qu'il en respecte l'esprit et que « la preuve en soit faite ».

Notes

(1) APF : 17, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris - Tél. 01 40 78 69 00.

(2) Voir ASH n° 2509 du 25-05-07, p. 15.

(3) L'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (L'ADAPT), l'association Agir, soigner, éduquer, insérer (ASEI), et l'OEuvre des villages d'enfants (OVE), qui représentent à elles trois environ 180 structures sociales et médico-sociales.

(4) Cette procédure a été installée avant le décret du 15 mai 2007. Celui-ci est venu préciser entre-temps que l'évaluation externe est réalisée par « un organisme ou professionnel habilité par l'ANESM » recruté après une « procédure ouverte et concurrentielle ».

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