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Conditions de détention des personnes souffrant de troubles psychiques : la France à nouveau condamnée par la Cour européenne des droits de l'Homme

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Alors que les suicides se multiplient ces dernières semaines dans les prisons françaises, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a, dans un arrêt du 16 octobre, condamné la France pour avoir détenu une personne souffrant de troubles psychiques dans des conditions inappropriées à son état de santé et ne pas avoir réussi à protéger sa vie. En 2006, elle avait déjà sanctionné les autorités françaises pour avoir maintenu en détention pendant de nombreuses années une personne atteinte de troubles mentaux sans lui offrir un encadrement médical approprié à son état (1).

Dans cette affaire, un homme, placé en détention provisoire en avril 2000, a tenté de se suicider moins de trois mois après son incarcération. Pris en charge par le service médico-psychologique régional présent dans l'établissement, il a reçu un traitement antipsychotique et a été placé en cellule individuelle. Puis, après avoir agressé une surveillante, il a été sanctionné par 45 jours de cellule disciplinaire. Il s'est suicidé 15 jours après. Invoquant les principes du « droit à la vie » et de « l'interdiction de traitements inhumains ou dégradants », inscrits aux articles 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la soeur du détenu a demandé la condamnation des autorités françaises (2).

Sur la protection du droit à la vie, la Cour rappelle, en premier lieu, que l'article 2 de la convention astreint l'Etat non seulement à s'abstenir de provoquer la mort volontaire, mais aussi « dans certaines circonstances bien définies, [à] prendre préventivement des mesures d'ordre pratique pour protéger l'individu contre autrui ou contre lui-même ». Puis elle énonce que, si l'administration pénitentiaire a fait des efforts indéniables pour protéger la vie du prisonnier, plusieurs négligences ont toutefois été commises. Ainsi, les juges s'étonnent que « malgré la tentative de suicide [du détenu] et le diagnostic porté sur son état de santé mental, l'opportunité de son hospitalisation dans un établissement [de santé] ne semble jamais avoir été discutée ». Pourtant, souligne la Cour, tant le droit français (3) que le droit européen (4) prévoient que les détenus souffrant de troubles mentaux graves doivent pouvoir être placés et soignés dans un service hospitalier. Dans le même sens, les juges relèvent que l'absence de surveillance lors de la prise quotidienne de son traitement par le personnel pénitentiaire a pu favoriser le passage à l'acte suicidaire. En effet, le rapport d'expertise constate que, à la date de son décès, le prisonnier n'avait pas pris son traitement depuis plus de trois jours.

La CEDH conclut que les autorités françaises ont manqué à leur obligation de protéger « le droit à la vie » et ont ainsi violé l'article 2 de la Convention.

Sur le traitement inhumain et dégradant, la Cour estime tout d'abord que, en dépit des difficultés auxquelles se heurtent les autorités pénitentiaires, le détenu s'est vu infliger la sanction maximale, à savoir 45 jours de cellule disciplinaire, pour une faute de premier degré, sans aucune prise en compte de son état psychique. Or ce type de mesure qui entraîne la privation de toute activité et visite, mais aussi tout contact avec les autres détenus, est susceptible d'ébranler la « résistance physique et morale ». Les juges européens relèvent ainsi que le prisonnier a éprouvé « angoisse et détresse », comme en témoigne la lettre écrite à sa soeur où il disait être « à bout » et comparait sa cellule à une tombe.

La CEDH rappelle que « l'état d'un prisonnier dont il est avéré qu'il souffre de graves problèmes mentaux et présente des risques suicidaires appelle des mesures particulièrement adaptées, en vue d'assurer la compatibilité de cet état avec les exigences d'un traitement humain ». Et en conclut que la sanction infligée à l'intéressé « n'est pas compatible avec le niveau de traitement exigé à l'égard d'un malade mental et qu'elle constitue un traitement et une peine inhumains et dégradants », au sens de l'article 3 de la convention.

(CEDH, 16 octobre 2008, Renolde c/France, n° 5608/05)
Notes

(1) CEDH, 11 juillet 2006, Rivière c. France n° 33834/03 - Voir ASH n° 2464 du 14-07-06, p. 17.

(2) Elle n'a toutefois pas demandé d'indemnisation.

(3) Art. D. 398 du code de procédure pénale qui stipule que les détenus atteints de troubles mentaux ne peuvent être maintenus dans un établissement pénitentiaire.

(4) Recommandation n°R (98) 7 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe.

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