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Les associations, acteurs d'utilité publique ou opérateurs de services publics ?

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Comment mettre au service des usagers les nouveaux modes de gouvernance qui s'imposent aux associations gestionnaires du secteur social et médico-social (futures agences régionales de santé, groupements de coopération, contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens...) ? Comment faire en sorte qu'ils favorisent l'individualisation des réponses et l'amélioration de la qualité du service rendu ? Pour Claude Meunier, directeur général de l'Association des paralysés de France (APF), c'est bien le projet associatif qui fait la différence.

« L'Association des paralysés de France évolue, comme toutes les associations agissant dans le secteur social et médico-social, dans un paysage en profonde mutation sur le plan de la gouvernance associative et sur le plan des moyens financiers et humains : il s'agit de passer d'une culture de moyens à une culture de résultats, d'être plus «performant», pour mieux répondre aux besoins légitimes des personnes en situation de handicap. Que recouvre ce terme de «performance» pour l'APF ? Comment éviter le risque de passer d'une standardisation des coûts à une standardisation des réponses apportées ? A tous niveaux, adhérents, directeurs et équipes professionnelles, usagers, nous nous posons la question de savoir si nous sommes des acteurs d'utilité publique ou des opérateurs de services publics...

Les changements que l'on observe à l'heure actuelle sous le vocable de «nouvelle gouvernance» résultent, dans une certaine mesure, de l'affirmation des droits individuels et de la participation de tous à la citoyenneté. Des lois - celles du 2 janvier 2002 et du 11 février 2005 notamment -, des combats d'idées, que l'APF a portés, ont abouti à l'affirmation des droits des personnes en situation de handicap, avec des structures et des services dont on dit avec justesse aujourd'hui qu'ils «accompagnent» ces personnes. Nous sommes ainsi passés d'une logique de structure à une logique de parcours de la personne accompagnée.

En outre, la France s'est engagée à répondre au défi de l'aide à l'autonomie par la création prochaine d'un nouveau champ de protection sociale. Ce chantier «cinquième risque» témoigne d'une réelle prise de conscience de la nécessité pour les politiques publiques de développer l'aide à l'autonomie à l'égard des personnes en situation de handicap ou âgées et de leur famille.

Valoriser l'expertise du secteur médico-social

Face à ces évolutions de société et ces chantiers réglementaires et législatifs, l'Etat se modernise pour davantage de cohérence et de réactivité : arrivée prévue en 2010 des agences régionales de santé (ARS), regroupant le sanitaire et une part du secteur médico-social, et conjointement disparition ou redéfinition substantielle des rôles des directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales, redéfinition des missions de la direction générale de l'action sociale qui devient direction générale de la cohésion sociale.

Pour l'APF, s'il y a effectivement un intérêt à faire travailler plus étroitement ensemble les secteurs sanitaire et médico-social, il est indispensable de reconnaître également les spécificités de leurs approches, distinctes.

Tout d'abord en tant que mouvement représentatif de personnes en situation de handicap et de leur famille, il nous paraît essentiel que les usagers de la santé et des établissements et services médico-sociaux puissent exprimer leurs attentes sur une réforme qui les concerne directement. Nous pensons qu'il est essentiel qu'une représentativité des personnes directement concernées soit intégrée à la gouvernance de ces futures ARS.

Par ailleurs, le secteur médico-social possède une expertise concrète en matière d'accompagnement de proximité des personnes en situation de handicap, au plus près de leurs besoins exprimés. Ce savoir-faire, qui est notre coeur de métier, nous conduit à penser qu'il serait important qu'une place privilégiée soit prévue pour les structures médico-sociales dans le nouveau dispositif envisagé, en matière de pilotage et de coordination des projets de la personne malade et/ou en situation de handicap.

Sur le plan des évolutions du secteur, l'Etat a la volonté de responsabiliser encore davantage les associations gestionnaires. Il s'agit de passer d'une culture de moyens à une culture de résultats. Les enjeux économiques des groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) et des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sont considérables. Mais quel peut être l'impact de cette logique de performance sur la relation des associations et des professionnels aux usagers ? Pour l'APF, ce terme de «performance» ne peut avoir de sens qu'en s'appuyant sur les valeurs associatives et sur la qualité du service rendu. Notre réflexion a conduit à repérer quatre axes indissociables qui confèrent à la performance tout son sens et son potentiel d'innovation : qualité perçue par les usagers ; qualité «objectivée», à partir de référentiels, guides de bonnes pratiques, normes ; respect des principes d'utilité sociale, d'intérêt général et de développement durable ; et enfin recherche d'efficience économique ou encore du juste coût.

Il s'agit bien pour nous, tout en nous appuyant sur les outils de la nouvelle gouvernance - CPOM, GCSMS, notamment -, de poursuivre une logique d'amélioration de la prestation. Le risque de passer d'une standardisation des coûts à une standardisation des réponses apportées ne peut être en effet occulté... Et quel peut être l'impact du passage programmé de 30 000 à 4 000 entités budgétaires sur l'organisation associative dans laquelle s'ancre historiquement l'action sociale ? Quelles conséquences sur l'innovation, l'individualisation de la réponse que les usagers réclament à juste titre, et qui est au coeur de notre projet associatif ?

« Donner vie aux valeurs »

Face à ces évolutions, qui dessinent autant d'enjeux que d'écueils, c'est bien le projet de chaque association engagée dans cette réforme qui fait la différence. Le projet associatif incarne en effet la nécessité de définir la stratégie politique globale des associations et de donner vie aux valeurs qui les animent. Il permet de réfléchir ensemble et d'agir sur des projets fédérateurs. Il nous revient d'être attentifs, porteurs d'un discours responsable qui place la logique économique, réglementaire et de sécurité au service des personnes accompagnées et de l'innovation.

En ce qui concerne le champ de l'économie sociale et solidaire, nous devons nous positionner entre le privé lucratif (marché porté par la concurrence et la recherche de bénéfices) et l'action publique (portée par des principes de redistribution de l'impôt pour des actions relevant des fonctions régaliennes de l'Etat). La question de la confrontation ou pas à la concurrence, de la logique d'appel d'offres, de la possibilité d'une alternative réglementaire statuant sur la spécificité des services sociaux d'intérêt général est aujourd'hui au coeur de nos débats.

Infléchir les politiques publiques

Concernant le projet de création du cinquième risque, l'APF s'appuie sur les orientations du conseil de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) adoptées à la quasi-unanimité en 2007 pour un nouveau champ de protection sociale d'aide à l'autonomie (1). Le principe du droit à compensation universel (personnes handicapées/personnes âgées) doit en être la base. Les critères d'éligibilité à ce droit, le panier de biens et services, les outils d'évaluation, la démarche d'élaboration du plan personnalisé de compensation doivent être communs tout en préservant les projets de chacun et la spécificité des populations (enfants, adultes, personnes âgées) et en évitant toute confusion dans les modes de réponse et d'accompagnement. De plus, la place des associations représentatives, c'est-à-dire la voix des personnes directement concernées, doit être réaffirmée avec force, en prenant appui sur la gouvernance de la CNSA qui a fait les preuves de son efficacité. Enfin, les modalités de financement de ce cinquième risque sont éminemment politiques... Recours à la solidarité nationale ou assurances privées ? La réponse à cette question implique un positionnement sur les termes du contrat social, et les éventuelles limites budgétaires que l'Etat souhaiterait opposer au principe de solidarité, que l'APF revendique...

A l'aube de ces défis que les associations d'utilité publique et du secteur de l'économie sociale et solidaire doivent relever, il est de notre responsabilité d'agir collectivement et de participer au changement en étant force de proposition et d'inflexion des politiques publiques locales, nationales et européennes... »

APF : 17, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris - Tél. 01 40 78 69 00.

Notes

(1) Voir ASH n° 2527 du 19-10-07, p. 5.

TRIBUNE LIBRE

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