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« Il faut chiffrer l'utilité sociale de l'économie sociale et solidaire »

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L'Association des régions de France (ARF) a lancé, le 8 octobre, un manifeste « pour une économie sociale et solidaire ». Objectif : appréhender ce secteur, y compris budgétairement, comme une dimension essentielle du développement économique régional. Retour sur la démarche avec Philippe Chesneau, président de la commission « économie sociale et solidaire » de l'ARF (1).
Alors qu'on imagine plutôt les régions avant tout préoccupées par le développement économique, ce manifeste signifie-t-il un changement de cap ?

Il y a plus de 15 ans que le Nord-Pas-de-Calais a une stratégie de développement de l'économie sociale et solidaire (ESS) et cela fait dix ans qu'en PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur), nous y travaillons. Dès 2004, l'ESS est apparue dans les programmes électoraux, puis dans les politiques des 22 régions. Ce secteur représente 12 % de l'économie régionale et 13,5 % des postes offerts. Une dose qui peut paraître homéopathique, mais qui, en région PACA, pèse autant que l'activité industrielle ou touristique (2) ! C'est beaucoup également si l'on considère que l'ESS a vécu très longtemps cachée. Ses acteurs n'osaient pas affirmer leur identité, car seule comptait la « Grande » économie, celle des multinationales. On considérait les entreprises d'insertion comme une activité de « bras cassés ». Mais les choses sont en train de changer et le moment est venu, pour les régions, en s'appuyant sur leurs convergences, de développer des politiques harmonisées d'ESS.

Quel panorama peut-on avoir des initiatives menées par les régions ?

Clarifions déjà la définition de l'ESS. A 90 %, c'est le champ des associations, des mutuelles et des coopératives. A côté, on trouve aussi des SARL, comme certaines entreprises d'insertion, et des entrepreneurs qui font de l'ESS sans le savoir, défendant ses valeurs de solidarité, de coopération et de démocratie. C'est un champ très large sur lequel les actions des régions sont très diverses. Cela va de plans de développement de l'ESS, d'appuis à la structuration du secteur, d'aides à la création d'activités dans les quartiers en difficulté, au financement des structures d'insertion par l'activité économique... La Franche-Comté a ainsi mené une action exemplaire de soutien des associations prestataires d'aide à domicile, qui, en retour, s'engagent à améliorer l'accueil des stagiaires du secteur sanitaire et social, à mettre en place des accords d'annualisation du temps de travail et à qualifier les salariés... En PACA, nous avons fait rentrer les acteurs de l'ESS dans notre schéma régional de développement économique et nous avons modifié notre politique d'aide aux entreprises, quelles qu'elles soient. Nous ne leur accordons plus de subventions, souvent données à l'aveugle, mais des prêts en fonction d'objectifs négociés. Par contre, pour tenir compte des spécificités des entreprises de l'ESS, nous prenons également en charge leur surcoût social ou sociétal (dépenses d'insertion, de formation...). Nous sortons d'une logique de mendicité en reconnaissant qu'il s'agit d'une économie vivante constamment sur le fil du rasoir entre la recherche de bénéfices et sa vocation d'utilité sociale.

Les régions arrivent-elles à mobiliser les conseils généraux, qui ont des compétences d'action sociale ?

C'est très variable, signe hélas que les cloisonnements entre l'économique et le social sont bien vivaces. En PACA, nous avons élaboré une politique publique de soutien de l'ESS, qui a remporté l'adhésion du conseil général du Vaucluse. Ce dernier s'est dit prêt à s'engager financièrement sur certains dispositifs. Mais c'est difficile, beaucoup de conseils généraux considèrent encore qu'il s'agit d'un secteur marginal qui ne les concerne pas.

L'effort des régions n'est pas suffisant à lui seul pour permettre la reconnaissance de l'ESS. Comment passer à l'échelle supérieure ?

Une étude menée dans les Pays-de-la-Loire sur l'ESS montre qu'un euro d'argent public dépensé dans ce secteur en rapporte trois ! C'est une économie rentable d'abord parce que ses acteurs, très impliqués dans la gestion, ont des taux exemplaires de remboursement des prêts bancaires. Ensuite, elle génère des bénéfices induits considérables : réduction du chômage, des hospitalisations psychiatriques, de la violence et de l'économie souterraine dans les quartiers... Il faut chiffrer cette utilité sociale, ce qu'on commence d'ailleurs à faire au sein de l'ARF. La crise nous montre les limites du capitalisme financier, c'est le moment pour l'Etat de donner toute sa place à une économie qui n'est pas aux mains des spéculateurs et dont les emplois ne sont pas délocalisables.

Notes

(1) Egalement vice-président (Verts) du conseil régional PACA, délégué à l'emploi et aux politiques territoriales.

(2) Cette région dépense 15 millions d'euros par an pour l'ESS (sans compter les sommes attribuées par le biais d'autres directions comme l'environnement, l'agriculture, le transport...) sur un budget total de 1,7 milliard d'euros.

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