Recevoir la newsletter

Soutien à la parentalité : travailler autrement avec les parents en difficulté

Article réservé aux abonnés

Alternatives au placement ou placement alternatif : une gamme diversifiée de pratiques se développe, depuis plusieurs années, pour aider les parents à remplir leur rôle et éviter les séparations familiales ou en limiter les effets négatifs. Ce travail avec l'intimité des familles demande aux professionnels, une grande disponibilité et beaucoup de subtilité : ils doivent « faire avec » les parents, dans tous les sens de cette expression, sans s'ériger en experts ni en donneurs de leçons.

On le sait maintenant depuis plusieurs décennies : le bébé est une personne dotée, dès sa naissance, de nombreuses compétences. Ce sont aujourd'hui celles de ses parents qui sont sur la sellette. Des compétences qu'il peut être nécessaire d'étayer afin de permettre aux enfants de grandir dans de bonnes conditions. Sans être une spécialité hexagonale (1), ce soutien à la parentalité a vu son importance récemment consacrée en France. La loi du 5 mars 2007 l'affirme d'emblée : « La protection de l'enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs » (2). Avant même que ces ambitions aient été ainsi affirmées, différentes initiatives, à même d'y répondre, se sont développées au cours des dernières années, avec l'appui des conseils généraux. Inscrivant leur action sur le terrain d'une prévention empathique, ces dispositifs innovants mettent en oeuvre un travail intensif avec les familles, pour les conforter dans leur rôle et les aider à prendre confiance dans leurs capacités.

Un lieu de proximité, où accueillir les enfants dans leurs moments de liberté et travailler avec leur famille sur le « mieux-être parent » : tel est le principe de deux accueils de jour ouverts par l'association La Providence, dans l'Isère, pour aider les parents qui rencontrent des difficultés éducatives (3). Celles-ci n'ont pas besoin d'être estampillées par un travailleur social pour que commence la prise en charge de l'enfant. Les familles peuvent directement s'adresser à la structure avant de formaliser leur demande d'accueil provisoire séquentiel avec un professionnel - de la PMI, du service social scolaire ou de secteur, ou de l'aide sociale à l'enfance -, qui la transmet au responsable territorial d'action sociale. « Notre idée est bien d'intervenir dans le champ de la prévention primaire, pour des situations qui ne sont pas forcément connues des services sociaux », explique Joëlle Rabilloud, directrice de « La Clef », à Saint-Clair-de-la-Tour, et de « La Clef des Alpes », à Bourgoin-Jallieu, des accueils ayant respectivement commencé à fonctionner en 2003 et 2006. « L'essen-tiel est que la famille soit demandeuse », insiste la responsable, qui dirige également « La Clef des champs », maison d'enfants à caractère social (MECS), implantée depuis plus d'un siècle à quelques encablures de ces nouveaux équipements.

C'est l'expérience acquise par l'équipe éducative de la MECS, notamment en matière de maintien du lien parents-enfants, qui a poussé l'association à mettre en place cette formule intermédiaire entre le tout-domicile et le tout-institution. Elle semble correspondre aux besoins des parents. « Des familles de tous milieux sociaux se tournent vers ces accueils, assure Joëlle Rabilloud, aussi bien des parents socialement fragilisés que d'autres favorisés, qui piétinent à un moment donné dans l'éducation de leurs enfants et ont besoin d'un coup de pouce. »

Chaque structure est animée par une équipe pluridisciplinaire de sept professionnels, parmi lesquels deux éducateurs/trices spécialisé(e)s à plein temps et une conseillère en économie sociale et familiale à mi-temps. A « La Clef », comme à « La Clef des Alpes », dix enfants de 4 à 11 ans peuvent être accueillis en dehors de leurs heures d'école : au moment du déjeuner, en fin d'après-midi, le mercredi toute la journée, le samedi après-midi et les jours de vacances (sauf 15 jours en août et la semaine entre Noël et le jour de l'An). Il arrive aussi que des camps de courte durée soient proposés aux écoliers pendant les congés. Au fil d'un accompagnement de deux ans au maximum - pour éviter un trop grand engorgement -, chaque enfant bénéficie d'un planning d'accueil à la carte. Celui-ci est, en général, de 12 à 15 heures par semaine, au cours desquelles les jeunes ont l'occasion de participer à différentes activités d'expression destinées à développer leur curiosité, leur goût pour apprendre et leur envie de grandir.

En fonction des difficultés et des attentes de la famille, réexaminées avec elle toutes les trois semaines, le projet d'accueil de l'enfant peut prévoir des moments où ses parents restent avec lui dans la structure. Les intéressés ont ainsi l'occasion de faire ensemble la cuisine, les devoirs, un puzzle, du jardinage, une sortie... Ce qui est partagé, « c'est du concret, du pratico-pratique, qui part de la demande de l'enfant et/ou des parents et leur permet de voir comment se passe, dans un lieu tiers, telle ou telle activité problématique chez eux », souligne Joëlle Rabilloud. C'est aussi autour d'un thème de préoccupation très quotidien, comme l'alimentation, l'argent de poche ou les punitions, que les parents se retrouvent tous les deux mois pour échanger entre pairs.

Désobéissance, instabilité, manque de concentration à l'école, disputes importantes avec les frères et soeurs, sont les motifs les plus fréquents des demandes d'admission. Il en est aussi de moins classiques, comme les problèmes alimentaires d'une fillette de 5 ans se nourrissant exclusivement au biberon, ou l'impossibilité pour une maman d'accepter que son enfant monte dans une autre voiture que la sienne. Dans tous les cas, le principe est de prendre les parents là où ils en sont et avec ce qu'ils sont, leurs compétences comme leurs faiblesses. « Ce sont eux qui font le chemin », explique Joëlle Rabilloud. « Nous, nous sommes à leur écoute pour leur permettre de réfléchir et d'évoluer. »

Ce cheminement, la plupart des familles le poursuivent seules au terme d'une prise en charge, en moyenne, d'une année. Quitte, par la suite, à être aidées à s'organiser chez elles par une technicienne de l'intervention sociale et familiale (TISF) - et peut-être bientôt, par le service d'accompagnement à domicile que l'association projette de créer. Parfois, l'accueil débouche sur un placement de l'enfant, qui est généralement non judiciarisé. Cette situation s'est présentée cinq fois depuis l'ouverture des structures qui reçoivent, chacune, 12-13 enfants par an. « Préparé et parlé avec l'enfant et ses parents, ce placement n'est pas alors vécu comme une séparation, mais plus comme la poursuite et un étayage accru de ce qui a été mis en place à l'accueil de jour », commente Joëlle Rabilloud. Estimant que cette formule constitue un outil de prévention efficace et ce, d'autant plus que les parents peuvent y recourir précocement, l'association a étendu l'âge des enfants pouvant être admis à l'accueil de Saint-Clair-de-la-Tour. Ouverte en mars 2008, « La Clef des petits » dispose de quatre places pour des enfants de 0 à 3 ans. A la différence de leurs aînés, ces tout-petits ne fréquentent la structure qu'en compagnie de leur(s) parent(s).

Accès gratuit et confidentiel

C'est également toujours auprès de l'ensemble du groupe familial qu'interviennent les professionnels du service Reliance, dans le Nord (4). Et ce, quel que soit l'âge des enfants - de 0 à 18 ans. Créé en 2003 par l'association Home des Flandres, ce dispositif expérimental a pour autre particularité de combiner temps de vie collectifs dans ses deux lieux d'accueil, situés à Roubaix et à Tourcoing, ainsi que lors de sorties et de petites vacances familiales à la campagne, et travail individuel avec chaque famille à son domicile. L'accès à Reliance se fait de façon gratuite et confidentielle, en dehors de toute mesure administrative ou judiciaire de protection de l'enfance (5), et l'aide proposée n'est pas limitée dans le temps. Au total, 30 familles peuvent simultanément recourir au service - et 39, en 2007, se sont vu opposer un refus d'accompagnement faute de places disponibles.

Pour Anne-Marie Capon, directrice de Reliance, cette totale liberté des parents - et aussi leur non-stigmatisation - constitue la condition sine qua non de la mise en confiance des intéressés et, partant, de leur implication dans une démarche de renforcement et de développement de leurs capacités éducatives. « Les familles qui viennent sur le désir d'autrui abandonnent très vite », commente-t-elle. L'association s'emploie donc à faire largement connaître l'existence de Reliance aux services sociaux, crèches, écoles, maisons de quartier, associations caritatives... Mais aucun projet d'accompagnement familial n'est établi sans que les parents en fassent eux-mêmes la demande, puis la confirment après un délai de réflexion.

En 2007, 42 familles - regroupant 108 enfants - ont bénéficié du soutien de Reliance. La moitié d'entre elles était inscrite dans le dispositif depuis plus d'un an, un quart depuis plus de 24 mois. « On a le sentiment d'avoir bien commencé à travailler au bout de un an, un an et demi », estime Anne-Marie Capon, évoquant une fréquente période initiale d'« apprivoisement » d'environ six mois. « Avec des adultes dont l'enfance a souvent été meurtrie et qui n'ont pas toujours fait l'expérience de repères cadrant les relations parents-enfants - raison principale de leur venue à Reliance -, un assez long cheminement peut être nécessaire pour que les intéressés parviennent à mettre des mots sur leurs émotions et à prendre conscience des problèmes existant au niveau du fonctionnement intrafamilial », souligne la directrice du service.

La plupart des familles accompagnées - des foyers monoparentaux dans les deux tiers des cas, en 2007 - sont en grande, voire en très grande difficulté sociale : moins de 30 % des usagers, cette même année, avaient une activité professionnelle pour principale source de revenus et près de la moitié d'entre eux, le RMI. Quand une famille se trouve dans une situation particulièrement épineuse, l'urgence, pour elle, est d'avoir un toit, de quoi manger, une sécurité relative par rapport au lendemain. C'est aussi la priorité du service, qui conduit les parents à se mobiliser et mobilise, avec eux, le réseau partenarial efficient pour régler leurs problèmes de survie. « Il faut quelquefois aider la famille à retisser des liens avec les services sociaux, en cherchant à savoir, avec elle, pour quelles raisons elle s'en est éloignée », explique Anne-Marie Capon. Prendre en compte les conditions objectives d'existence des familles permet aussi de comprendre pourquoi, par exemple, les enfants se trouvent dehors le soir : leur mère peut avoir envie de souffler. « Sans faire de misérabilisme, nous devons savoir nous décentrer de nos fonctionnements et de nos cultures pour nous mettre un peu en homologie avec les usagers », résume la responsable. Et, « en même temps, il ne faut pas avoir une trop grande oreille qui accueillerait tout ce que les gens veulent y déverser - en le prenant pour argent comptant ».

Treize personnes contribuent à mettre en oeuvre cette déclaration de principes. Chacun des deux lieux d'accueil, ouverts toute la journée pendant la semaine et, le week-end, lors d'activités programmées avec les familles, dispose d'un(e) éducateur/trice spécialisé(e), d'une éducatrice de jeunes enfants et d'une maîtresse de maison. Sept autres professionnels se partagent entre Roubaix et Tourcoing. Le travail effectué avec les familles demande à l'équipe un investissement personnel important - et une grande disponibilité. Qu'il s'agisse de se rendre, le soir, chez les X, parce que c'est le coucher des enfants qui leur pose problème, ou bien de passer chercher les Y, pour les aider à se familiariser avec l'usage des transports en commun, « on est beaucoup sur le terrain », commente Marylène Stoops, chef de service.

« Etre avec » et « faire avec » les familles constituent les principaux ingrédients au menu de ce programme intensif. For-tement ancré dans le concret, celui-ci se décline au moins une fois par semaine, avec chaque groupe familial, sous ses deux modalités, individuelle et collective. D'une part, un accompagnement de la famille dans sa vie quotidienne, chez elle ou dans son quartier - conduite à l'école, courses, démarches administratives, loisirs, services de soins pour les enfants comme pour les parents « que l'on «soigne» particulièrement, car quand ils vont bien, leurs enfants aussi... », note Anne-Marie Capon. D'autre part, des sorties regroupant les usagers, petits et grands, ou des activités diversifiées qui leur sont proposées dans le lieu d'accueil, dont certains ateliers techniques plus spécialement destinés à attirer les papas.

Si l'agir est privilégié, le « dire » est loin d'être absent. Non seulement parce que, bien sûr, on parle en faisant, mais aussi parce que des temps réguliers de parole sont organisés. Certains, réunissant la famille avec son éducateur/trice référent(e) et la psychologue du service, visent à aider parents et enfants à verbaliser leurs difficultés. Les autres sont des rencontres entre parents, conviés à partager problèmes et pistes de solution sur un thème de préoccupation fréquent - comme le coucher des enfants. « Il ne s'agit pas de jouer les «super nanny», commente Anne-Marie Capon, mais de réfléchir ensemble sur des sujets très basiques, sans hésiter, lorsqu'on est à la fois professionnel et parent, à mettre en avant ses propres questionnements et éléments de réponse. »

Beaucoup d'empathie donc, et un minimum de surplomb, pour un travail nourri de proximité et de vécu commun, qui comporte une certaine prise de risques. « Quand on voit poindre des clignotants, qu'on sent une tension qui monte, on propose aux parents de mettre en mots ce qu'ils ressentent », explique la directrice de Reliance, jugeant préférable d'aider les intéressés à « éviter l'incendie plutôt que d'appeler les pompiers, c'est-à-dire faire une information préoccupante » - même si cela a déjà été le cas, toujours au su de la famille concernée. « Le but est de soutenir le parent sans mettre l'enfant en danger », ajoute Marylène Stoops. Aussi « pouvons-nous proposer aux parents, qui s'autorisent à aborder leurs difficultés avec nous, de demander l'accueil provisoire de leur(s) enfant(s) et les aider à préparer leur rencontre avec le service social départemental ». Cette mesure de placement n'empêche pas que puisse se poursuivre l'accompagnement de la famille au travers d'entretiens et de moments partagés, au service et/ou à son domicile.

Entre placement et milieu ouvert

Intervenir à la fois dans les murs de l'institution et au sein de la cellule familiale constitue aussi une spécificité du dispositif parisien « Phare » (6). Mais, comme l'explicite le développé de cet acronyme : « Placement avec hébergement aménagé et relais éducatif », il est moins question, ici, de prévenir la séparation que d'en assouplir la mise en oeuvre. Partie intégrante de l'établissement Jenner, internat éducatif de l'association Jean-Cotxet, où un étage lui a été attribué en septembre 2004 (7), ce service dispose de 22 places pour accueillir des garçons de 6 à 16 ans et des filles de 6 à18 ans. Confiés au Phare sur décision administrative ou judiciaire, ces jeunes ont tous leur lit dans l'institution. Mais certains n'y dorment jamais et, en principe, aucun d'entre eux plus de trois fois par semaine (8). A l'instar des pionniers du Gard, qui ont conçu le service d'adaptation progressive en milieu naturel (9), les promoteurs du Phare ne pensent pas que placer un enfant signifie forcément le déplacer physiquement. « L'hébergement ne constitue qu'un de nos outils de travail auprès des jeunes, au même titre que le fait de les accueillir en journée dans le service et d'intervenir auprès d'eux dans les familles », explique Elisabeth Dumas, jeune retraitée du Phare, dont elle assurait la responsabilité depuis son expérimentation. Qui dit placement modulé ne dit pas, pour autant, placement à la carte, précise Pascal Grotto, directeur de l'établissement Jenner. « Cette modulation, déterminée par l'équipe, s'effectue dans un cadre formalisé, avec information tous les six mois au juge des enfants ou à l'inspecteur de l'aide sociale à l'enfance. Nous sommes très clairs avec les parents : il ne s'agit pas, ici, d'une garderie où l'on met son enfant quand on veut. »

La proposition faite aux parents est celle d'une alliance. Tablant sur l'existence de compétences parentales, tant effectives que potentielles, l'institution, à qui a été déléguée la responsabilité éducative du jeune, fait suffisamment confiance à la famille pour l'autoriser à héberger son enfant. Cela suppose que cette dernière soit prête à s'impliquer activement dans un dispositif qui l'engage, notamment, à accepter de régulières interventions chez elle. Il est également indispensable que le domicile familial ne soit pas situé trop loin du service, parce que l'enfant reste scolarisé dans son établissement d'origine et qu'il s'agit d'éviter de longs trajets aux différents protagonistes. « Le fait que tout le monde dispose d'un lit permet, un soir où l'on ne sent pas la maman bien, de ramener l'enfant au foyer », commente Elisabeth Dumas. Ou bien d'y voir débarquer une adolescente en pyjama, après un « clash » avec ses parents. D'être lui-même adossé à un internat, susceptible de répondre rapidement aux besoins d'accueil qui se présentent, donne également la possibilité au Phare, le cas échéant, de réajuster son intervention. Certains projets doivent ainsi être révisés quand la pathologie familiale s'avère faire courir à l'enfant un danger plus important que ce que l'équipe avait pu initialement penser, ou lorsque le jeune vit mal cet entre-deux entre maison et institution.

Une trentaine d'enfants ou d'adolescents de milieux sociaux diversifiés sont pris en charge chaque année, souvent pour des raisons de carences éducatives, de troubles psychiatriques de leur(s) parent(s) et/ou d'addiction(s) parentale(s). Le séjour de ces jeunes au Phare est en moyenne de deux ans. Après quoi, environ deux tiers d'entre eux sont dirigés vers un placement traditionnel, familial ou collectif et un tiers retourne vivre en famille, avec levée de la mesure de placement. Il y a, parmi ces derniers, certains adolescents à qui le Phare, tel un sas, aura permis de réintégrer progressivement le domicile familial après de nombreuses années passées en institution ou en famille d'accueil. « Alors que, dans l'établissement, les enfants peuvent nous raconter ce qu'on a envie d'entendre, nous en savons plus sur les difficultés éducatives des familles en deux ou trois rencontres à leur domicile qu'après trois ans d'internat », fait observer Dominique Dubray, éducatrice spéciali-sée, membre d'une équipe de huit travail-leurs sociaux (éducateurs spécialisés, assistants de service social, éducateurs de jeunes enfants, moniteurs-éducateurs), qui tous assurent les mêmes fonctions : intervention au domicile et dans l'institution.

Une partie, seulement, de l'action éducative a lieu dans l'établissement : le jeune vient y prendre un repas, faire ses devoirs, passer une soirée, un mercredi ou la nuit, participer à un groupe de parole ou une sortie... De leur côté, les parents ont des entretiens réguliers, au Phare, avec l'un des deux référents de la famille et la psychologue du service. L'essentiel du travail se fait dans le cadre familial : au domicile et dans l'accompagnement des relations qu'ont parents et enfants avec leur environnement (institution scolaire, administrations, loisirs, consultations médicales pour les enfants et/ou les adultes...). La famille reçoit au moins une visite par semaine de l'un de ses référents, plus si l'enfant ne bénéficie pas d'hébergement régulier dans la structure. Lors de ces rencontres, « nous déclinons le concept de «prendre soin de son enfant» », résume Pascal Grotto. Cette notion se traduit de multiples façons, au travers de faits et gestes du quotidien choisis en fonction des besoins du jeune, des compétences parentales à soutenir, des éventuelles défaillances des parents à suppléer. Ce-pendant, même dans ce cas, « il ne s'agit pas de faire «à la place de», mais bien «avec» les parents », souligne Elisabeth Dumas. Organisation des devoirs, préparation du goûter, gestion de la douche ou du coucher... : quelle que soit l'activité, « l'éducateur n'intervient jamais auprès de l'enfant sans impliquer activement le parent », explique Dominique Dubray. De la même manière, les sorties du week-end, qui réunissent toute la famille - enfant(s) placé(s) ou pas -, et les courts séjours qui peuvent rassembler deux ou trois familles et deux éducateurs dans une ferme pédagogique tourangelle, constituent, pour l'équipe, d'autres outils de travail et d'observation des relations familiales, pour les pères et les mères, d'autres occasions de se frotter à leur métier de parents.

NON PAS CONTRÔLER MAIS ACCOMPAGNER

On ne naît pas parent, on le devient. A partir de ce constat, les chercheurs réunis il y a une quinzaine d'années autour du psychanalyste Didier Houzel ont défini la parentalité selon trois axes : son « exercice » juridique, son « expérience » subjective et sa « pratique » concrète (10). Ce découpage a, notamment, pour intérêt d'éviter de dessaisir totalement un parent de sa fonction quand il peut en assumer certains aspects. L'approche proposée ouvre aussi un large champ d'action aux professionnels : celui d'un soutien et d'un accompagnement des parents « qui visent à préserver le lien parental et ses diverses expressions, et non plus à contrôler et recadrer les familles au regard d'une norme unique et immuable », estime le sociologue Gérard Neyrand (11).

L'ART ET LA MANIÈRE

Victor Hugo a mis en vers l'art d'être grand-père. Plus prosaïque, celui des professionnels qui travaillent avec l'intimité des familles n'exige pas moins de subtilité. Soutenir, encourager, valoriser le potentiel éducatif des parents et les aider à s'approprier des comportements nouveaux supposent, chez les intervenants, beaucoup d'empathie et pas mal de modestie. Il s'agit d'établir avec la famille une relation de confiance pour lui permettre de révéler ses compétences, pas de jouer les donneurs de recettes ni de leçons. Les travailleurs sociaux en sont bien conscients, qui ne proposent pas de « manuel du parent compétent », souligne Pascale Breugnot, chargée d'étude à l'Observatoire national de l'enfance en danger (12). « Ils essaient de se placer non plus dans une fonction d'expert s'adressant à des personnes en manque de savoir, mais de «facilitateur» qui, sans juger ni envahir, va les amener à s'autoriser à faire autrement. » L'idée est que la famille puisse construire ses réponses dans l'échange et le dialogue avec les intervenants et souvent, aussi, avec ses pairs, ou bien apprenne en observant les pratiques des professionnels avec ses enfants, ainsi qu'éventuellement celles d'autres parents.

Impliqué et impliquant, ce travail qui s'effectue dans une grande proximité avec les usagers fait courir aux professionnels le risque de « coller » aux situations. C'est pourquoi les responsables interviewés des services de l'Isère, du Nord et de Paris soulignent l'importance des outils permettant de réintroduire la distance nécessaire à la réflexion - et de tenir en bride ses propres représentations du modèle de « bon parent » : réunions d'équipe, supervision ou analyse des pratiques, et formations.

Notes

(1) « Quelles politiques d'accompagnement des parents pour le bien-être de leurs enfants ? Une perspective internationale » - Marine Boisson - Centre d'analyse stratégique - La note de veille n° 85 - Décembre 2007.

(2) Article premier de la loi du 5 mars 2007, qui crée l'article L.112-3 du code de l'action sociale et des familles - Voir ASH n° 2502 du 6-05-07, p. 23.

(3) La Clef : Le Mouillat - 895, route Saint-Didier - 38110 Saint-Clair-de-la-Tour - Tél. 04 74 33 37 18 ; La Clef des Alpes : 42, avenue des Alpes - 38300 Bourgoin-Jallieu - Tél. 04 74 93 50 58.

(4) Service Reliance, Home des Flandres : 108, rue du Coq-Français - 59100 Roubaix - Tél. 03 28 33 80 81 ; 47, rue de Lille - 59200 Tourcoing.

(5) A la demande du département, qui finance le dispositif par le biais d'une dotation globale, les familles qui bénéficient déjà d'une aide administrative ou judiciaire ne peuvent pas être accompagnées par Reliance. C'est également le cas de celles dont l'enfant, présumé en situation de danger, relève d'une protection judiciaire (CASF, art. L. 226-4). En revanche, lorsqu'une mesure de placement de l'enfant intervient en cours d'accompagnement, les familles ont la possibilité de rester dans le dispositif.

(6) Phare, établissement Jenner : 37, rue Jenner - 75013 Paris - Tél. 01 44 24 10 70.

(7) Avant de constituer un service en tant que tel, le dispositif était expérimenté, depuis 2002, avec un nombre réduit de situations.

(8) Il n'y a aucun hébergement au Phare les nuits du vendredi et du samedi. En cas d'urgence, l'internat dispose de deux lits d'accueil temporaire.

(9) Voir ASH n° 2204 du 2-03-01, p. 27.

(10) Dans le cadre d'un groupe de travail mis en place par le ministère chargé des affaires sociales et qui a donné lieu à la publication d'un livre : Les enjeux de la parentalité - Ed. érès - Voir ASH n° 2130 du 27-08-99, p. 29 .(2) Dans le Nouveau dictionnaire critique de l'action sociale - Ed. Bayard, 2006 - Article « parentalité ».

(11) Voir ASH n° 2544 du 8-02-08, p. 44.

LES ACTEURS

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur