Recevoir la newsletter

Suicides en prison : l'OIP et les syndicats pénitentiaires dénoncent une prévention lacunaire

Article réservé aux abonnés

Le suicide d'un adolescent intervenu le 6 octobre à la prison de Metz-Queuleu met une nouvelle fois en débat la question de l'efficacité de la prévention du suicide des détenus. Quelles avancées en effet depuis les mesures adoptées par le gouvernement en 2003, à la suite du rapport du psychiatre Jean-Louis Terra (1) ? Le ministère s'était à l'époque fixé un objectif de réduction du suicide en milieu pénitentiaire de 20 % en cinq ans et avait décidé de plusieurs mesures, dont la formation des personnels (dispensée à 6 000 des 32 000 agents) et le repérage des comportements suicidaires.

Selon l'administration pénitentiaire, 115 suicides ont été recensés en 2004, 122 en 2005, 94 en 2006 et 96 en 2007. Des chiffres à relativiser néanmoins, précise-t-elle, car, si l'on tient compte de l'augmentation de la population carcérale, le taux de suicides a diminué. Mais malgré ces précautions statistiques, la tendance globale est bien à la hausse sur le long terme, a commenté à l'AFP le sociologue et démographe Nicolas Bourgoin, auteur en 2004 d'une étude sur le suicide en prison. Et depuis le début de l'année, 87 détenus se sont déjà donné la mort. Un taux de « 27 % supérieur à celui constaté à l'issue du premier semestre 2007 », indique la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP), qui demande que les rapports annuels de la commission centrale de suivi des actes suicidaires en milieu carcéral, ainsi que son bilan pour le premier semestre 2008, soient rendus publics.

L'Union générale des syndicats pénitentiaires (UGSP)-CGT relève que malgré les interventions des personnels qui permettent parfois de sauver in extremis des détenus, « le nombre de décès en prison reste excessif et cinq à six fois plus élevé qu'à l'extérieur ». La situation ne s'améliorera pas, estime-t-elle, tant que le gouvernement se contentera de prendre des mesures de repérage et de surveillance, sans agir sur les conditions de détention et enrayer la surpopulation carcérale. Le Syndicat national de l'ensemble des personnels de l'administration pénitentiaire (Snepap)-FSU partage cette analyse, tout en dénonçant la mise en cause par la garde des Sceaux des magistrats ayant décidé de l'incarcération du jeune décédé : « Les personnels de l'administration pénitentiaire, accablés par la survenue en chaîne de ces événements dramatiques, exigent du ministère de la Justice un examen lucide et objectif de la situation et de la politique pénale menée. » Sur la même ligne, le Syndicat de la magistrature refuse que des « boucs émissaires » endossent la responsabilité du durcissement des réponses judiciaires à l'égard des mineurs.

La politique de prévention des suicides d'adolescents, affichée place Vendôme comme une priorité (ces derniers, qui ont connu des pics en 2002 et 2005, ont reculé de 22 % entre 2002 et 2007), est par ailleurs jugée très insuffisante. Elle est même « indigente », a dénoncé l'OIP après l'annonce de nouvelles mesures par Rachida Dati. Celles-ci consisteront à expliquer à tout mineur devant être incarcéré les raisons de cette peine, à élaborer une grille d'évaluation des risques et à renforcer la formation des personnels (voir ce numéro, page 15). Aucune stratégie spécifique n'existe à ce jour, déplore l'OIP, alors que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme avait demandé, dès décembre 2004, qu'« une étude comparative soit réalisée pour mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus ».

Pour le Syndicat national des personnels de l'éducation et du social (SNPES)-PJJ-FSU, la vraie question est celle du recours à l'incarcération pour les mineurs, qui doit à ses yeux demeurer exceptionnel. Le suicide, en février dernier, d'un jeune incarcéré dans un établissement pénitentiaire pour mineurs, est bien la preuve, argumente -t-il, que même dans ces nouvelles structures, de tels actes ne peuvent être évités. Le quartier pour mineurs de la maison d'arrêt de Metz-Queuleu n'était d'ailleurs pas en situation de surpopulation : selon le secrétaire régional de la CGT-pénitentiaire, seules 11 places sur les 26 disponibles étaient occupées au moment du drame.

Certains syndicats, eux, avancent d'au-tres explications aux suicides de jeunes, en décrivant ce phénomène comme un « jeu », un moyen de chantage pour faire pression sur l'administration, notamment quand ils veulent changer de cellule. Explication inacceptable, répond le SNPES, car elle « participe d'une défense du système carcéral et produit une banalisation de l'incarcération des mineurs ». Pour les adolescents en grande difficulté, poursuit le syndicat, la prise de risque « vient colmater des souffrances non prises en compte ». La prison « ne peut qu'étouffer » cet appel adressé aux adultes, poussant les jeunes à des comportements extrêmes. Nicolas Bourgoin confirme : si les jeunes incarcérés se suicident moins que les adultes, ils sont davantage « auto-agressifs » et procèdent souvent à des automutilations ou des grèves de la faim pour se faire entendre. Ces constats plaident encore une fois, à quelques semaines des conclusions de la commission Varinard sur la réforme de l'ordonnance de 1945, pour une politique pénale soucieuse de la spécificité des mineurs.

Notes

(1) Voir ASH n° 2337 du 12-12-03, p. 13.

LE SOCIAL EN ACTION

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur