Côté hébergement, le plan 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes a prévu l'expérimentation de l'accueil familial des femmes victimes de violences au sein du couple (1). Un an après son annonce, cette expérimentation peut enfin être mise en oeuvre, la secrétaire d'Etat à la solidarité ayant récemment diffusé un cahier des charges national fixant « les principes et les exigences fondant le développement de ce nouveau dispositif, en référence notamment à l'accueil familial des personnes âgées et handicapées ». « A ce jour, a indiqué Valérie Létard, 44 familles sont prêtes à accueillir des femmes en difficulté ». Pour ce faire, un appel à projets - clos depuis le 15 septembre - a été lancé au niveau local et un comité de pilotage national doit être prochainement mis en place afin d'analyser les projets reçus et de proposer ceux qui pourraient être financés dès l'année 2008 (2).
Ce mode expérimental d'accueil des femmes victimes de violences, moyennant rémunération ou indemnisation des accueillants, se mettra en place selon « des modalités diverses correspondant aux besoins et contextes locaux ». Son objectif : favoriser, à terme, l'autonomie des victimes. En aucun cas, stipule l'administration, « il ne s'agit [...] pour les familles d'accueil de prendre en charge les femmes victimes, ni de les assister mais de les rassurer par une présence chaleureuse et des conditions d'accueil mieux adaptées pour certaines que celles offertes par une structure collective ou un logement isolé ».
Sont éligibles à ce dispositif les femmes victimes de violences, avec ou sans enfants, qui souhaitent quitter leur domicile et qui, ne pouvant accéder directement à un logement autonome, ont besoin d'un hébergement temporaire : soit dès le départ du domicile ; soit après un accueil en structure d'urgence, dans l'attente d'un logement ; soit pendant une période de réflexion afin de pouvoir prendre sereinement une décision sur leur avenir. « La durée du séjour peut être courte », précise la circulaire, « mais également se prolonger tant qu'une orientation adaptée à sa situation n'aura pas été déterminée en accord avec la femme accueillie ». Un bilan de la situation sera fait « régulièrement, au moins tous les trois mois » par la structure employeur de la famille d'accueil, avec cette dernière et la femme victime. Pour des raisons de sécurité, le placement de la femme peut se faire dans un autre département que celui où elle réside. Il peut être effectué notamment par un service social, une association spécialisée dans l'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences, une plate-forme de veille sociale ou un centre d'hébergement. Quoi qu'il en soit, cette orientation se fait sur la base d'une évaluation de la situation et des besoins de la femme victime de violences, en particulier en matière de soutien et d'accompagnement psychologique, social et professionnel.
La structure employeur peut être une personne morale de droit public (conseil général ou centre communal d'action sociale) ou de droit privé à but non lucratif (établissement social ou association spécialisée dans l'accompagnement des femmes victimes de violences). Elle doit justifier d'un certain nombre d'aptitudes, telles que : être en capacité de gérer du personnel et d'assurer ce soutien en direction des familles ; avoir une bonne connaissance de la problématique des violences conjugales ; avoir une expérience dans le domaine de l'écoute et de l'accompagnement des femmes vers l'autonomie (accès au logement, à la formation ou à l'emploi) et/ou la prise en charge des victimes.
Un contrat d'accueil devra être élaboré et signé entre la structure employeur, la famille d'accueil et la personne accueillie. Ce document précisera les conditions d'accueil, d'hébergement, de restauration et d'entretien de la victime, ainsi que les obligations matérielles et morales des trois signataires.
La structure employeur sera chargée du recrutement, sur la base d'un contrat de travail, et du suivi des familles d'accueil (3). Elle devra s'assurer que les actions nécessaires permettant un suivi social et médico-social soient mises en place. Pour ce faire, insiste la circulaire, « il importe qu'elle agisse en liens étroits et permanents avec l'ensemble des acteurs et professionnels de terrain susceptibles d'être concernés, en vue de définir des modalités de coopération et d'intervention ». Dans ce cadre, poursuit-elle, il convient aussi de pas omettre la situation des enfants qui peuvent être accueillis avec leur mère et d'organiser les actions en conséquence en lien avec les services de la protection de l'enfance.
La famille d'accueil devra, quant à elle, disposer de qualités et de compétences vérifiées par la structure employeur et recevoir au préalable - au-delà de l'agrément du conseil général - une formation initiale (sensibilisation aux violences conjugales, à leurs répercussions sur les enfants de la victime, description des acteurs et dispositifs locaux...). Ainsi, les personnes candidates devront « présenter des qualités humaines, d'accueil, de disponibilité, de neutralité, d'ouverture aux autres quelle que soit leur origine et leur situation, de discrétion, de respect des choix personnels », indique le ministère chargé de la solidarité. Précisant qu'elles doivent aussi « être en mesure d'offrir les garanties suffisantes pour que toutes les conditions de sécurité, tant matérielles que morales, soient assurées ». Dans ce cadre, les conditions de logement proposées seront examinées au regard des objectifs de retour à l'autonomie et de sécurité. Seront ainsi pris en compte la situation du domicile de la famille d'accueil, en termes de dessertes de transports en commun, et les besoins spécifiques liés à l'accueil du ou des enfants de la femme victime. Aussi, précise l'administration, « il ne sera de ce fait pas exigé que la femme victime accueillie soit hébergée dans le domicile de la famille d'accueil, ni qu'elle prenne systématiquement des repas en commun avec celle-ci, à condition que la femme puisse bénéficier de la convivialité familiale et ait la possibilité d'accéder aux commodités disponibles au domicile de la famille d'accueil ».
Leur rémunération et indemnisation pourront être fixées en référence à celles définies pour l'accueil familial à titre onéreux des personnes âgées et/ou handicapées. Une participation financière de la femme accueillie - correspondant à l'équivalent du versement de la part de loyer et de charges qui lui resteraient à assumer si elle avait un logement autonome - pourra être envisagée en fonction de la durée du séjour et de ses ressources financières. Versée à la structure employeur, cette contribution devra aussi tenir compte des repas éventuels assurés par la famille.
Le coût de ce mode d'accueil doit être déterminé en commun par les services de l'Etat, du conseil général, s'il contribue à son financement, et de la structure employeur (4). En tout état de cause, « le coût global annuel par place pour un adulte ne saurait excéder le coût moyen d'une place en structure d'hébergement, soit 14 000 € ». Et « un complément d'indemnisation est à prévoir dès lors qu'un ou des enfants sont accueillis avec leur mère ». Plus généralement, les coûts de gestion, de rémunération, d'indemnisation et de suivi des familles d'accueil seront principalement assurés par l'Etat, des cofinancements devant être toutefois recherchés au niveau local, notamment auprès des conseils généraux à qui incombe la prise en charge des femmes enceintes et/ou avec enfants de moins de 3 ans.
(2) Il est composé de représentants de la direction générale de l'action sociale, du service des droits des femmes et de l'égalité, de services déconcentrés de l'Etat, de l'Assemblée des départements de France et d'associations chargées de l'hébergement et de la prise en charge des femmes victimes de violences.
(3) L'appréciation du nombre de personnes pouvant être accueillies par la famille candidate doit être faite au regard de plusieurs critères dont, notamment, les conditions matérielles d'accueil, son expérience, l'environnement familial et social pouvant la soutenir dans sa démarche d'accueil.
(4) Ce coût comprendra notamment la rémunération de la famille d'accueil, sa formation et son suivi, ainsi que le coût de gestion pour la structure employeur.