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« Vendre » l'accompagnement des personnes handicapées comme une lessive ?

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Le besoin des associations oeuvrant dans le champ du handicap de donner une visibilité à leur action est-il compatible avec l'intérêt des usagers ? C'est la question que soulève Lionel Fraisse (1), éducateur spécialisé dans un service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS), au sein d'une association gestionnaire d'établissements et services destinés à des personnes handicapées mentales. Cette dernière a récemment décidé d'apposer de larges logos sur ses véhicules de service.

« Alors que les autocollants étaient déjà prêts, aucune consultation préalable n'avait été organisée : ni auprès des instances dans lesquelles les personnes handicapées sont largement représentées (conseils de la vie sociale, groupe d'expression du SAVS, commission «citoyenneté» de l'association), ni auprès des équipes éducatives, ni même semble-t-il auprès des cadres de direction... Les instances représentatives du personnel n'ont été informées qu'une fois la décision déjà prise. Le conseil d'administration (CA) a maintenu sa décision malgré de nombreuses remarques sur la discrétion nécessaire à l'intégration des usagers des services de milieu ouvert (SMO) et des Sessad. Plusieurs courriers - des professionnels des SMO, ou encore de la section syndicale SUD (à laquelle j'appartiens) - et des pétitions spontanées de salariés sont restés sans réponse. Certaines personnes accompagnées par les SMO ont demandé à leur éducateur référent de ne pas se garer près de chez eux ou même ont écrit à la direction ou aux instances représentatives des usagers. Lors de tables rondes citoyennes organisées par l'association, les représentants des personnes handicapées ont sévèrement critiqué les logos et l'absence totale de concertation.

« Le CA a justifié sa position par le fait que l'association n'a pas une visibilité suffisante, notamment vis-à-vis des financeurs. Cette campagne de communication, selon une note interne de la direction générale, devrait permettre «une meilleure identification de l'identité associative, et par suite, du travail effectué par les professionnels et les bénévoles». Ce choix est également à mettre en lien avec la création des enseignes nationales prévues par la loi Borloo pour les services à la personne, dans un secteur d'acti-vité de plus en plus concurrentiel. Mais peut-on «vendre» la place des personnes handicapées dans la société comme on vend une marque de lessive, en utilisant tous les supports et tous les lieux possibles ? Peut-on le faire surtout sans demander leur avis aux premiers intéressés et en utilisant des temps et des lieux appartenant à leur vie privée ? Peut-on se passer de leur consentement pour en faire les porte-drapeau d'une cause (même légitime), sous prétexte qu'elle les concerne au premier chef ?

« Si le CA est l'organe décisionnel légitime de l'association, il n'a pas, en prenant cette décision en «petit comité», respecté l'esprit des décrets relatifs aux conseils de la vie sociale, qui prévoient la consultation des usagers pour les décisions importantes qui les concernent. De plus, cette décision semble en totale contradiction avec la «charte de la participation et de l'accom-pagnement de la personne handicapée intellectuelle» (2) - adoptée conjointement par l'association «Nous aussi» (3) et l'Unapei, à laquelle adhère l'association qui m'emploie. Ce texte affirme, dans ses premières lignes, que «les personnes handicapées intellectuelles souhaitent changer leur regard sur elles-mêmes et faire changer le regard de la société, vers plus de tolérance et de respect. Elles souhaitent que soient mises en avant leurs capacités et leurs compétences, plutôt que leurs déficiences.» Or, lorsqu'un travailleur social vient chercher sur son lieu de travail en voiture non banalisée une personne qui travaille en milieu ordinaire sans que ses collègues de travail soient informés de son handicap, qu'est-ce qui est mis le plus en avant : son handicap ou ses compétences et richesses personnelles ?

« Une campagne de communication peut faire évoluer le regard sur le handicap. Mais la préoccupation de l'association semble être essentiellement gestionnaire (gagner du terrain sur les concurrents potentiels dans le grand marché de l'aide aux personnes handicapées). Pourquoi en revanche ne pas communiquer davantage (dans les médias locaux...) sur les difficultés croissantes des personnes handicapées à trouver un logement ou un travail en milieu ordinaire ? Ou encore sur les lenteurs administratives à l'oeuvre depuis la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées ? »

Notes

(1) Contact : fr.lionel@laposte.net.

(2) Consultable sur le site www.unapei.org.

(3) Association française des personnes handicapées intellectuelles.

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