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Un engagement citoyen et professionnel pour l'accès au logement des plus démunis

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Depuis 20 ans, Solidarités nouvelles pour le logement acquiert des appartements qu'elle sous-loue ensuite aux personnes en difficulté, le temps de les accompagner vers un habitat de droit commun. Ce projet citoyen, basé sur la collaboration entre les bénévoles et les travailleurs sociaux, doit néanmoins composer avec le manque de logements sociaux et l'aggravation de la situation des publics précaires.

« Agir ensemble pour le logement des personnes qui en sont privées », l'appel à l'origine de la création de Solidarités nouvelles pour le logement (SNL) remonte à la fin des années 80 alors que les regards commençaient à se focaliser sur les différentes formes de l'exclusion. En 1988, une poignée d'habitants d'un quartier du XIXe arrondissement de Paris, déjà impliqués dans l'association Solidarités nouvelles face au chômage, se mobilisent pour venir en aide à une personne sans domicile. Après avoir créé une association, ils réunissent des fonds pour acheter un appartement et accompagner leur locataire dans un nouveau départ. L'idée d'une action sur le logement des publics précaires, conduite par des citoyens constitués en groupes locaux de solidarité, est lancée.

Deux ans après, la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson », institue le droit au logement et permet aux associations agréées de bénéficier de subventions publiques pour le logement social. L'apport de fonds va permettre à SNL (1) de multiplier les projets en Ile-de-France. Aujourd'hui, cinq associations départementales (Paris, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Val-de-Marne) fédèrent une centaine de groupes locaux de solidarité et gèrent un parc de plus de 700 appartements locatifs.

« Le credo citoyen n'a pas varié depuis les origines : le groupe local de solidarité reste le lieu où se vit l'institution SNL, explique Denis Laurent, délégué général de SNL Paris (2). Chaque groupe local travaille en liaison avec l'équipe de professionnels [travailleurs sociaux et personnels de gestion] de l'association départementale à l'accompagnement des familles bénéficiaires d'un logement. Les bénévoles participent également à la collecte des dons nécessaire à l'acquisition ou à la réhabilitation d'autres logements, à la sensibilisation du public ainsi qu'au lien avec les municipalités concernées et le tissu associatif. »

Reconnue opérateur de logement social à part entière, l'association accueille des personnes en situation de précarité adressées par les différents services sociaux spécialisés (préfectures, communes, associations partenaires, services hospitaliers) ou venues d'elles-mêmes après avoir appris l'existence de SNL. Soit une majorité de femmes seules avec un ou deux enfants, des personnes isolées, dont beaucoup cumulent des difficultés diverses, telles que des problèmes de santé, familiaux ou d'insertion professionnelle. « Pour la plupart des ménages accueillis, il s'agit même de leur premier logement autonome ou d'un retour à celui-ci après des périodes de précarité plus ou moins longues », précise Denis Laurent. Dans ses statistiques, SNL Paris note ainsi que près de 30 % de ses locataires étaient hébergés chez des amis ou dans la famille, plus de la moitié sortaient de structures d'hébergement, et un quart avaient connu la rue par le passé. « L'accès à un logement est donc un événement pour toutes ces personnes », ajoute le délégué général.

Le montant moyen du loyer des logements mis à disposition par l'association avoisine 210 € par mois (pour une surface moyenne de 33 m2), hors charges et avant déduction des aides locatives. Seule condition requise pour en être bénéficiaire : être inscrit au fichier des demandeurs de logement et avoir des ressources inférieures au plafond fixé pour les logements très sociaux (de catégorie PLAI). « Nous ne sommes pas dans l'assistance, précise Anne Balannec, l'une des trois assistantes sociales travaillant à SNL Paris. Nous accueillons des ménages candidats à un logement ordinaire mais qui en sont exclus en raison de graves difficultés personnelles. C'est pourquoi nous leur demandons de s'engager à payer leur loyer et à accepter un accompagnement social régulier. En revanche, l'accès à un appartement n'est assorti d'aucun projet de réinsertion professionnelle, à l'inverse d'un CHRS par exemple. »

La méthode développée il y a 20 ans n'a pas varié. Les contrats de sous-location de un an sont renouvelables tant que le locataire n'est pas prêt à quitter l'association et qu'un logement de droit commun ne lui a pas été trouvé. A l'entrée dans le dispositif, deux bénévoles du groupe local accueillent le ménage et l'aident à s'installer et à s'intégrer dans l'immeuble ou le quartier. Parallèlement, une remise à plat des différentes aides auxquelles il peut prétendre est effectuée par l'assistante sociale. « Au cours de cette période, l'accompagnement des travailleurs sociaux va se centrer sur l'apprentissage des nouvelles responsabilités qu'entraîne la location. Le contrat de bail - qui comporte trois points principaux : paiement régulier du loyer mensuel, bon voisinage, bonne utilisation du logement - est un instrument pédagogique essentiel », explique Anne Balannec. Si le travailleur social est responsable de l'accompagnement, les différentes étapes sont menées avec les bénévoles et sont complétées par des actions collectives au sein du groupe de local de solidarité. Ainsi, la perception du loyer est assurée par un bénévole tout au long de la première année de location. « Ce qui se justifie par le fait que beaucoup de nos locataires n'ont jamais réglé de loyer ou ne possèdent plus les modes de paiement adaptés. Pour le bénévole, c'est aussi un support qui permet de reparler de l'association et des projets du locataire », ajoute Anne Balannec. De même, le locataire est convié aux réunions mensuelles du groupe local, où sont abordées les questions relatives à l'accès au logement. « Cette action collective est au centre du projet associatif. La démarche est de reconnaître les locataires comme des acteurs et de leur ouvrir un espace leur permettant d'être associés à un projet collectif dont ils bénéficient. Ce qui les valorise et concourt aussi à la restauration de leur autonomie », résume Denis Laurent.

De fait, en dépit de situations de grande précarité financière, l'objectif d'abou-tir à un règlement du loyer parvient généralement à être atteint. Les paiements irréguliers ne concernent que 20 % des ménages - le plus souvent lors des changements de situation professionnelle - et les situations de véritables impayés sont rares (4 %). Quand elles surviennent, celles-ci sont traitées à l'amiable sous forme de plan d'apurement.

Reste que SNL doit composer avec une conjoncture qui s'est durcie année après année. Les difficultés de tous ordres rencontrées par les ménages sont en augmentation. La plupart d'entre eux bénéficient d'un accompagnement social soutenu et 20 % d'un suivi sanitaire et social assuré par des tiers, en particulier par le réseau psychiatrie-précarité (3). De deux ans en moyenne, la durée des locations est ainsi passée à trois, voire à quatre ans, jusqu'à devenir pour certains un provisoire définitif. « Avec des personnes qui ont connu la rue, ce qui représentent le quart de nos usagers, on sait d'avance qu'il faudra au moins cinq ans avant d'envisager quelque chose. Il y a besoin de temps », précise Natacha Davidoff, autre assistante sociale à SNL Paris. Un alourdissement de l'accompagnement social qui met à mal l'équilibre de la collaboration entre travailleurs sociaux et bénévoles.

A cela s'ajoute le manque de filières de relogement. Tandis que le parc HLM est engorgé du fait de la lente résorption de l'habitat insalubre, chaque bailleur social possède ses critères de sélection des candidats à la location à travers les conditions de ressources ou le mode de garantie financière qu'il impose. « Or nous présentons des ménages qui sortent du PLAI [prêt locatif aidé d'intégration], le loyer le plus bas, et qui viennent tout juste de réussir la gageure d'être autonome tout en restant, pour la plupart, sous le seuil de pauvreté », explique Denis Laurent. C'est donc au cas par cas, en fonction des caractéristiques de chaque locataire, que l'association compose avec les préfectures, les communes ou les bailleurs sociaux les moins frileux vis-à-vis du public issu de l'insertion. Mais la spécialisation de ces filières fait que la probabilité d'obtenir en retour des propositions est très faible. En 2006, SNL Paris n'a pu reloger qu'à peine 15 % des candidats qu'elle présentait. Résultat : alors même que les travailleurs sociaux estiment qu'un ménage est prêt à entrer dans la location de droit commun, c'est bien souvent un long statu quo qui s'installe. « Faute de proposition en temps opportun, on court alors le risque que les personnes se démotivent et s'installent dans une certaine passivité, obérant d'autant l'utilité sociale de SNL dans un parcours résidentiel et mettant à mal l'engagement bénévole, déplore Denis Laurent. Il faut impérativement que l'Etat et les partenaires institutionnels augmentent le nombre de leurs propositions pour permettre la libération des logements. Et que place soit faite à ceux qui sont dans une totale détresse. »

Pour mieux répondre aux attentes, SNL doit donc conduire une politique d'acquisition permanente. A raison d'une cinquantaine de nouveaux logements par an dans toute l'Ile-de-France, la croissance de son parc est liée aujourd'hui aux différents partenariats qu'elle noue avec les villes, via notamment des opérations de réhabilitation (voir encadré, page 35). SNL bénéficie à ce titre de subventions publiques (Etat, région, communes, départements) jusqu'à hauteur de 70 % de son budget. Mais les dons collectés par les bénévoles continuent de couvrir une part importante des investissements et les actions de solidarité de propriétaires désintéressés (qui vendent leur appartement à bas prix ou le mettent à disposition) ne sont pas rares. Une solidarité qui révèle en creux la quasi-absence du logement très social dans le paysage locatif. « Quand on sait que les grands bailleurs sociaux préfèrent se tourner vers les classes moyennes pour récupérer des marges d'exploitation, toutes les images sur le logement social s'avèrent complètement déformées. En réalité, la demande et les besoins sont ailleurs », commente Denis Laurent.

En atteste cette femme passée directement de la rue dans un appartement de l'association, et qui, les premiers temps, brisait les interphones des immeubles alentours, comme si ce symbole de la sédentarité lui était insupportable. « Trois ans après, elle travaille, paie son loyer, et est intégrée au quartier », raconte Anne Balannec. La métamorphose n'a rien de surprenant. SNL déplore tout au plus un taux d'échec de 1 % dans ses accompagnements, tant il est vrai que retrouver un chez-soi est la base de toute reconstruction.

DU LOGEMENT TRÈS SOCIAL AU SEIN DU PARC PRIVÉ

Les logements-passerelle sous-loués par Solidarités nouvelles pour le logement (SNL) sont des petites surfaces situées dans des immeubles résidentiels ordinaires. En dehors d'une politique d'achat de logements, le développement de la capacité d'accueil de l'association prend également d'autres voies. Deux formules de solidarité sont ainsi proposées à des propriétaires. D'une part, la mise à disposition gracieuse, qui consiste à prêter à l'association un logement vacant pour une période de trois ans renouvelables. Dans ce cas, le montant des loyers que ne perçoit pas le propriétaire est considéré comme un don déductible de ses impôts. D'autre part, le bail à réhabilitation, qui consiste pour le propriétaire d'un bien immobilier à proposer à SNL un bail de longue durée (12 ans au minimum), à charge pour l'association de refaire à neuf le logement. Les opérations de réhabilitation ainsi menées sont reconnues comme des créations de logements sociaux et bénéficient à ce titre de financements publics. De même, les collectivités peuvent confier à l'association des immeubles dont elles sont propriétaires, qui sont en déshérence ou dont elles n'ont pas d'utilité, en vue d'une transformation en logements sociaux. A Paris, une troisième formule, le dispositif « Louez solidaire », existe. Le propriétaire loue son logement sur la base de 17 € par m2 à SNL, qui le sous-loue ensuite à un loyer très modique, et reçoit de la Ville de Paris le complément.

Notes

(1) Dont le fonctionnement est calqué en tout point sur celui de Solidarités nouvelles face au chômage.

(2) SNL Paris : 23, rue de Fontarabie - 75020 Paris - Tél. 01 58 30 73 31.

(3) Voir ASH n° 2503 du 13-04-07, p. 33.

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