Mieux organiser les relations du secteur associatif avec les pouvoirs publics sans porter atteinte à son « incroyable vitalité » : c'est avec ce souci qu'une mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, présidée par le député (UMP) des Yvelines, Pierre Morange, a présenté, le 1er octobre, 20 propositions « pragmatiques et consensuelles » (1). A quelques semaines de la Conférence nationale de la vie associative prévue pour novembre, le sujet est décidément à l'ordre du jour.
Comme Jean-Louis Langlais, auteur d'un récent rapport sur le sujet (2), les parlementaires estiment que le rôle économique et social joué par les associations est « largement sous-estimé » par les pouvoirs publics. Constatant, travaux de la chercheuse Viviane Tchernonog à l'appui (3), l'extrême diversité des structures relevant de la loi de 1901, le rapporteur n'y voit pas, comme certains, le symptôme d'une crise mais le résultat d'une « grande souplesse » et d'une liberté à préserver. Pour lui, « la résolution des problèmes passe davantage par des solutions pragmatiques que par une révision législative ». Il se refuse également à suivre ceux qui voudraient créer un nouveau statut d'entreprise sociale pour mieux encadrer l'activité économique des associations, car « tous les outils juridiques existent déjà en droit français ».
En revanche, le rapport fait siennes les propositions visant à améliorer la connaissance du secteur. Il souhaite l'ouverture d'un répertoire national des associations, à partir du fichier Waldec du ministère de l'Intérieur, pour dématérialiser totalement, à terme, la procédure de déclaration, de modification et de dissolution des associations. La non-manifestation d'une structure pendant trois ans devrait conduire à constater sa dissolution de fait, ce qui permettrait une estimation sérieuse du nombre d'associations en activité. Il soutient également la demande de création d'un compte satellite de l'INSEE pour les institutions sans but lucratif, pour laquelle les travaux préparatoires sont déjà réalisés (4). Les parlementaires y ajoutent le souhait d'une révision du « jaune budgétaire », une liste « indigeste » de quelque 10 000 associations recevant des subventions, qui doit devenir un « document utilisable » pour évaluer les aides distribuées à la fois par l'Etat et par les collectivités territoriales, directement ou par le biais des dépenses fiscales. Un enregistrement des subventions avec le numéro SIRET de l'association suffirait à améliorer la transparence des opérations.
Une autre série de propositions vise à revoir les modalités « devenues obsolètes » de dialogue entre le monde associatif et les pouvoirs publics. Elles s'appuient en premier lieu sur une rénovation du Conseil national de la vie associative (CNVA) en une structure plus légère, mais avec des moyens renforcés et des missions élargies en matière d'observation du secteur et d'expertise. Pierre Morange suggère également de faire passer de 5 à 20 membres le groupe des associations au Conseil économique, social et environnemental (5). Il insiste, comme Jean-Louis Langlais, sur la création d'une véritable structure interministérielle rattachée au Premier ministre pour assurer le pilotage de la politique associative de l'Etat. Et propose, lui aussi, la tenue d'une conférence nationale de la vie associative tous les trois ans, accompagnée d'une évaluation de la mise en oeuvre de la charte d'engagements réciproques, signée en 2001 (6). Enfin, il suggère de réfléchir aux dispositions équivalentes à prendre aux plans régional et départemental pour tenir compte de la décentralisation.
La transposition de la directive « services » doit être saisie comme une occasion de « sécuriser le cadre juridique des associations » et de rénover leurs modes de reconnaissance, défend par ailleurs le rapporteur. Au plan européen, il souhaite à son tour que le projet d'une directive spécifique sur les services sociaux d'intérêt général soit relancé par la présidence française lors du Conseil européen de décembre prochain (7). Au plan national, il suggère, comme le rapport « Langlais », de retenir une gradation entre trois niveaux d'obligations et de contrôles pour les associations simplement déclarées, reconnues d'utilité sociale ou d'intérêt général, ou reconnues d'utilité publique. Pour les associations engagées dans une mission de service public, il demande non un statut à part, mais une obligation de contractualisation, comme elle existe déjà dans le secteur social et médico-social. Seules les associations para-administratives (ayant un financement public supérieur à 75 %) devraient évoluer vers un statut d'établissement public.
Au plan financier, les députés poussent, eux aussi, à la généralisation des contrats d'objectifs pluriannuels. Ils insistent sur la mise en place d'une gestion électronique des demandes de subvention, avec un outil commun à l'Etat et aux collectivités territoriales. Ils veulent raccourcir les délais de versement, promouvoir les systèmes d'avance et de garantie peu utilisés par les associations, valoriser les outils de financement innovants, notamment l'épargne solidaire. Ils souhaitent encore encourager l'engagement associatif en renforçant la formation des bénévoles, en reconnaissant leur intervention comme une contribution au co-financement de projet, en élargissant et surtout en simplifiant l'accès au congé de représentation (8). Les parlementaires reprennent aussi l'idée « d'accorder un trimestre d'allocation retraite par tranche de dix années d'engagement associatif ». Ils évoquent également, sans plus de précisions, la possibilité d'un contrat aidé spécifique aux associations.
Pour améliorer le contrôle des structures, le rapporteur souhaite encourager le contrôle interne, en particulier grâce à la mise au point, au sein du CNVA, d'un « code de bonne gouvernance », à l'élargissement du mandat des commissaires aux comptes, au développement de formes d'audit par les pairs (du type Comité de la charte ou label). Il veut aussi obtenir une présentation normée du compte d'emploi annuel des ressources et sa présentation unifiée sur un site public. Pierre Morange demande également une simplification et une graduation des contrôles externes, « plus nombreux qu'on ne le croit souvent », mais parfois trop paperassiers, et une extension du contrôle de la Cour des comptes aux établissements financés au moyen d'un prix de journée. Enfin, il insiste fortement sur le développement d'une culture de l'évaluation, telle qu'elle se met (difficilement) en place dans le secteur social et médico-social, ajoutant que les indicateurs doivent être adaptés pour chaque type d'activité et qu'ils ne peuvent être uniquement quantitatifs.
(1) Rapport d'information sur la gouvernance et le financement des structures associatives - Disponible sur
(3) Le paysage associatif français - Mesures et évolutions - Dalloz Juris associations - Décembre 2007.
(5) Le CESE compte actuellement 5 membres désignés par le CNVA, contre 10 pour l'Union nationale des associations familiales, 19 pour la coopération et la mutualité, 19 pour les organisations syndicales et 65 pour les organisations professionnelles.
(8) Ce congé permet aux salariés d'obtenir une autorisation d'absence indemnisée de deux jours afin de « représenter » leur association dans des instances instituées auprès d'une autorité de l'Etat, à l'échelon national, régional ou départemental.