Quels vont être les effets du revenu de solidarité active (RSA) sur le retour à l'emploi des allocataires des minima sociaux ? Deux études se complètent sur cette question, utilisant des paramètres différents pour y répondre.
Deux chercheurs ont particulièrement mesuré les gains du retour à l'emploi avec le RSA en tenant compte de l'ensemble des transferts sociaux en fonction des différentes configurations familiales (1). Ils se sont pour cela appuyés sur une méthode de « cas-type » et sur un inventaire des prestations, des droits connexes nationaux (prime de Noël, exonération de la redevance télévision et de la taxe d'habitation, tarifs sociaux du téléphone et de l'électricité) et des droits connexes locaux proposés dans 13 villes, dont Paris, Lyon et Marseille. Les simulations ont été réalisées sur la base du scénario retenu dans le projet de loi (taux marginal de prélèvement de 38 %, c'est-à-dire qu'une hausse du revenu d'activité de 100 € fait diminuer le RSA de 38 € ), en supposant que les barèmes et les conditions d'attribution des droits connexes resteront les mêmes que pour les allocataires actuels du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de parent isolé (API).
Près d'une vingtaine de prestations connexes complètent les revenus des ménages défavorisés, souligne l'étude. Au total, elles augmentent les transferts nationaux et légaux de 15 à 20 %. Même « si leur montant est faible, ces multiples prestations très ciblées sur les ménages les plus défavorisés peuvent réduire fortement les gains du retour à l'emploi. » Ainsi, pour les allocataires du RMI, les différents calculs montrent que l'équivalent annuel d'un emploi à mi-temps au SMIC n'est pas suffisant pour compenser la perte des revenus d'assistance, quelle que soit la configuration familiale. Une activité à temps complet ne l'est pas non plus pour les ménages avec deux enfants.
La mise en oeuvre du RSA permettrait, selon les chercheurs, de changer la donne : en moyenne, le RSA « fait disparaître, pour toutes les configurations familiales, les zones pour lesquelles le revenu disponible du ménage type pouvait être inférieur à celui obtenu sans revenu d'activité ». Le barème choisi dans le projet de loi (38 %) « permet de faire en sorte que l'emploi rapporte tout en étant moins coûteux pour les finances publiques que le scénario central de 30 % initialement choisi ». Il est cependant proche de « la limite permettant d'atteindre localement les objectifs du RSA en termes de retour à l'emploi ». Reste que ces résultats, précisent les auteurs, ne préjugent pas des comportements des ménages concernés, mais se fondent simplement sur le salaire à partir duquel le revenu disponible est définitivement supérieur à celui obtenu lorsque les revenus d'activité sont nuls.
Or une autre étude, réalisée par l'Obser-vatoire des conjonctures économiques (OFCE) (2), met en exergue que « les problèmes de santé, de transport, de garde d'enfant, le manque de qualification sont des freins au retour à l'emploi au moins aussi importants que le manque d'incitation financière ». Des problèmes d'autant plus difficiles à résoudre pour les plus éloignés de l'emploi.
Si le RSA rend pour les couples le passage de l'inactivité à un SMIC plus rémunérateur, poursuit l'OFCE, il réduit les incitations financières des « travailleurs secondaires » dans les ménages, le plus souvent les femmes, particulièrement sensibles aux incitations financières au travail. Or le coût du retour à l'emploi peut être important quand il rend nécessaire de faire garder des enfants. « Au total, le RSA augmente les incitations financières à la reprise d'emploi pour ceux qui sont le moins susceptibles d'y répondre et les réduit pour les personnes qui y sont le plus sensibles ». Pour éviter un effet négatif sur les femmes en couple, qui se traduirait par une réduction de leurs heures travaillées, il faudrait une politique réduisant les frais de garde d'enfants, mais également les problèmes de mobilité, de santé au travail, de formation continue... « Soit un programme global de lutte contre la pauvreté », confirme l'étude.
(1) Les effets du revenu de solidarité active sur les gains du retour à l'emploi - Denis Anne et Yannick L'Horty - Centre d'étude des politiques économiques de l'université d'Evry-Val d'Essonne - Disponible sur
(2) RSA et emploi : où sont les femmes ? - Disponible sur