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« Ouvrir les formations sociales aux personnes sourdes »

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L'Ecole de formation psycho-pédagogique à Paris (1) a une longue expérience d'accueil des étudiants sourds et malentendants dans sa formation d'éducateurs spécialisés. Elle lance une vaste recherche sur le devenir de ces jeunes diplômés. Explications avec Laurent Ott, coordonnateur du projet.
Pourquoi cette recherche ?

Depuis 27 ans, l'Ecole de formation psycho-pédagogique (EFPP) a ouvert son cursus d'éducateur spécialisé (ES) aux étudiants sourds et malentendants (2). Or ce dispositif, original à sa création - depuis, l'IRTS de Montpellier leur a ouvert aussi ses formations d'ES et d'aide médico-psychologique -, n'a jamais été analysé et reste peu connu ! Il nous semble donc essentiel d'évaluer son impact sur le devenir professionnel des bénéficiaires : leur employabilité dépend-elle des publics qu'ils accompagnent (sourds ou présentant des handicaps proches) ou d'une nouvelle organisation de travail des établissements employeurs ? Nous attendons également de cette recherche (3) qu'elle nous permette d'améliorer notre dispositif de formation et, plus largement, d'examiner s'il est transférable à d'autres types de handicap ou à d'autres formations sociales, en particulier de niveau IV et V.

Comment allez-vous procéder ?

La recherche est financée par l'Uriopss Ile-de-France et le collecteur de la taxe d'apprentissage ASP (Au service de la profession). Elle est mise en oeuvre par un comité de pilotage animé par trois formateurs et comprenant des anciens élèves sourds et des membres du conseil scientifique de l'école. Elle est menée en plusieurs étapes : une pré-enquête par questionnaire auprès des anciens étudiants sourds, en cours actuellement, permettra d'affiner les hypothèses pertinentes. Les participants seront à nouveau sollicités pour une seconde enquête élargie à leurs collègues et aux établissements employeurs, qui s'effectuera sur la base d'entretiens. Les résultats sont attendus vers la fin 2010.

Comment est né ce dispositif de formation ?

C'est Jean Ughetto, alors directeur de l'EFPP, qui, en 1979, eut l'idée - voire l'audace, tant les résistances et les doutes sur la faisabilité de ce projet étaient grands ! - d'ouvrir la formation d'éducateur spécialisé aux sourds et malentendants. Au départ, ce fut sans moyens particuliers grâce au seul investissement des bénéficiaires, de leurs camarades et des formateurs. Puis, petit à petit, un dispositif spécifique, financé en grande partie par l'Agefiph, a vu le jour. Il accueille entre cinq et dix étudiants sourds (pour des promotions de 50 élèves), tous les deux ans. Auparavant, ceux-ci effectuent une année « préparatoire » dispensée par l'école. Ensuite, ils bénéficient d'un soutien particulier durant les trois années de formation. Tous les cours théoriques sont traduits par des interprètes en LSF (langue des signes française), qui peuvent aussi venir, à la demande des intéressés, participer aux réunions d'équipe sur les lieux de stages (4). En outre, des temps de mise en commun des difficultés ou d'approfondissement de certains sujets sont prévus tout au long du cursus. Une formatrice s'occupe spécifiquement de l'intégration de ces étudiants.

Comment se passe cette intégration ?

L'intégration d'un groupe d'étudiants sourds amène l'ensemble des éducateurs spécialisés en formation à réfléchir aux notions de tolérance et de respect des différences. Les élèves entendants sont très investis car ils découvrent une autre culture et une autre manière d'entrer en relation. Il leur faut, par exemple, faciliter la communication, la circulation et l'accès aux informations pour leurs collègues sourds. Chacun utilise, pour cela, tous les moyens à sa portée (y compris, s'il le souhaite, l'apprentissage de la LSF). Certes, au fil du temps, des baisses de vigilance et des difficultés peuvent apparaître, elles sont alors reprises lors des moments de mise en commun.

Quels sont les résultats ?

Depuis l'ouverture du cursus aux étudiants sourds et malentendants, 78 ont obtenu leur diplôme et leur taux de réussite est identique à celui de leurs collègues (plus de 90 % la plupart des années). Après l'école, les parcours sont très divers, même si ces jeunes professionnels se heurtent plus que les autres aux réticences ou aux frilosités des employeurs. Comme on pouvait s'y attendre, une forte proportion exerce plutôt dans des établissements accueillant des personnes sourdes ou présentant des handicaps proches, mais d'autres travaillent en action éducative en milieu ouvert, en maison d'enfants à caractère social ou en prévention spécialisée. Quelques-uns se dirigent vers d'autres secteurs tels la santé ou des activités de conseil, comme si la formation à l'école avait permis un déclic. Un déclic que la recherche aura à étudier et à évaluer...

Notes

(1) EFPP : 22, rue Cassette - 75006 Paris - Tél. 01 44 39 71 30.

(2) Ils doivent obligatoirement être inscrits à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.

(3) Intitulée « Ouvrir le travail social aux personnes sourdes ».

(4) En moyenne, 1 500 heures d'interprétariat par an sont assurées pour un coût horaire de 43 € .

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