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POLITIQUE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

Qui gouverne le social ?

Compte tenu de l'intrication des compétences et de la multiplicité des dispositifs et des acteurs, évaluer le poids des forces en présence dans le social n'est évidemment pas une mince affaire. Mais, alliant la pédagogie à l'expertise, les auteurs réunis dans cet ouvrage s'en sortent plutôt bien. Ainsi, le juriste Michel Borgetto expose méticuleusement la distribution des pouvoirs dans le champ de l'aide et de l'action sociales, à la fois telle qu'elle est conçue au plan formel et telle qu'elle se trouve mise en oeuvre sur le terrain où certains opérateurs disposent d'importantes capacités d'action. C'est par exemple le cas en matière d'aide sociale, domaine dans lequel les départements sont d'autant plus enclins à faire preuve de rigueur dans l'application des règles du jeu nationales qu'ils n'ont pas bénéficié de compensations financières à la hauteur des charges que leur a transférées la décentralisation. Cette dernière « a accéléré l'entrée du secteur social et médico-social dans le giron des politiques locales » cependant que l'administration centrale voyait son espace d'intervention se réduire comme peau de chagrin, déplore Michel Chauvière. « Visiblement, la direction générale de l'action sociale a perdu les marges de liberté, d'initiative pratique et d'appréciation politique construites en d'autres temps », souligne le sociologue. Avec les changements profonds introduits dans les politiques publiques par la décentralisation, les travailleurs sociaux, eux aussi, ont eu leur influence rognée, analyse le sociologue Jacques Ion. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, parallèlement, la contestation des professionnels a changé de cible, ajoute le chercheur. Alors que, dans les années 70, l'Etat était vilipendé comme « le vecteur de la domination des classes dirigeantes en même temps que l'instrument de l'aliénation des individus », le pouvoir central est aujourd'hui considéré comme la planche de salut de la solidarité face au local et au privé. L'Etat, garant du social ? Oui, répond en substance Jacques Chevallier dans la synthèse - très balancée - qu'il propose en conclusion de l'ouvrage. Affirmant que « le renforcement de l'encadrement du secteur par l'Etat est patent », le juriste estime qu'on peut aujourd'hui parler d'un gouvernement du social par l'Etat, le « gouvernement à distance » d'un « Etat régulateur » qui impose aux acteurs un certain nombre de normes et en contrôle l'application.

Qui gouverne le social ? - Sous la direction de Michel Borgetto et Michel Chauvière - Ed. Dalloz - 40 € .

ENFANCE - FAMILLE

Réussir la protection de l'enfance

Ce n'est pas politiquement très correct de l'affirmer, il n'empêche : dans nombre de cas, c'est la pauvreté de leurs parents qui constitue le premier danger pour les enfants. De fait, on imagine bien que vivre à six dans une chambre d'hôtel de 15 m2, sans eau ni électricité, ne représente pas des conditions idéales de développement, observe Marie-Cécile Renoux, déléguée d'ATD quart monde auprès de l'Union européenne. Pourtant, le lien entre précarité et placement fait débat. Pas pour l'auteure, ni pour les différents spécialistes qu'elle invoque à l'appui de sa révolte. Ainsi, Paul Durning, directeur de l'Observatoire national de l'enfance en danger, ou Xavier Bouchereau, éducateur spécialisé, dont sont repris plusieurs extraits des tribunes publiées par les ASH. Tous deux s'accordent à dénoncer le regard psychologisant des professionnels de la protection de l'enfance, qui pointent les carences des parents sans les relier au contexte socio-économique de la vie familiale. L'objectif n'est cependant pas, ici, de faire le procès des intervenants du social ni du judiciaire. Les intéressés ont d'ailleurs l'occasion d'exprimer leurs propres interrogations sur le sens des mesures qu'ils mettent en oeuvre. Pour l'essentiel, c'est la parole des familles qui est au coeur de l'ouvrage et en constitue le grand intérêt, ainsi que le souligne Pierre Naves, inspecteur général des affaires sociales, dans sa préface. En faisant entendre la voix de parents très démunis, qui expliquent comment ils vivent les interventions décidées dans l'intérêt de leurs enfants, Marie-Cécile Renoux brosse un tableau méthodique de procédures et de pratiques qui, « dans un trop grand nombre de situations, portent atteinte au droit de vivre en famille ». Le réquisitoire est sévère, le constat consternant. Cependant, il n'est pas impossible de protéger les enfants en travaillant autrement avec les familles en précarité, comme le montrent différentes initiatives présentées dans l'ouvrage.

Réussir la protection de l'enfance. Avec les familles en précarité - Marie-Cécile Renoux - Ed. de l'Atelier - 22 € .

L'évaluation des pratiques dans le champ de la protection de l'enfance

Primum non nocere [d'abord ne pas nuire], promettent les médecins, reconnaissant par là même qu'ils sont susceptibles de nuire à leurs patients. Les travailleurs sociaux, eux, imaginent mal que leur intervention puisse être préjudiciable aux usagers. Pourtant, des travaux américains ont montré que 30 ans après un programme de prévention de l'inadaptation et de la délinquance conduit auprès de jeunes garçons défavorisés, les intéressés s'en sortaient plutôt moins bien que d'autres n'ayant pas bénéficié de ce projet, expliquent les psychologues, Michel Boutanquoi et Jean-Pierre Minary, coordonnateurs de cet ouvrage collectif. L'évaluation des pratiques doit donc, à tout le moins, s'attacher à faire savoir si une action a eu, ou non, des effets positifs et permettre une régulation des modes d'agir, défendent-ils. Mais comment mener, concrètement, une démarche d'évaluation ? Plusieurs exemples, tenant souvent de la recherche-action, sont présentés par les contributeurs. Ainsi, le « livret de suivi », élaboré et mis en oeuvre dans des services d'action éducative en milieu ouvert par Michel Corbillon et Patrick Rousseau, chercheurs en sciences de l'éducation. Relevé chronologique de l'ensemble des actes envisagés et/ou réalisés dans une situation familiale donnée, ce livret a été perçu, par plusieurs éducateurs, comme une opportunité pour poser un regard différent sur leurs pratiques. Autre outil, le guide d'« entretien pour l'élaboration du projet », créé par des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui s'appuie sur 129 mots clés relatifs aux préoccupations des jeunes. Cette technique « modifie fortement les représentations classiques sur le travail d'entretien et la démarche d'accompagnement », soulignent Bernard Balzani, conseiller technique à la PJJ, Marie-Jeanne Collignon, formatrice en travail social, et Pierre-André Dupuis, professeur en sciences de l'éducation. Processus d'interrogation professionnelle, l'évaluation peut-elle inclure des bénéficiaires de l'action menée ? Présentant la recherche portant sur des mesures d'aide éducative à domicile qu'elle a réalisée au sein de l'équipe « Education familiale et interventions sociales auprès des familles » (université de Nanterre), Anne Rurka témoigne de l'intérêt d'associer les usagers à l'évaluation des interventions. Reste, cependant, à obtenir leur participation. Dans le cas relaté, 392 familles, dont les mesures éducatives étaient achevées, avaient été contactées. Seules 31 ont accepté de rencontrer la chercheure.

L'évaluation des pratiques dans le champ de la protection de l'enfance - Coordonné par Michel Boutanquoi et Jean-Pierre Minary - Ed. L'Harmattan - 14,50 € .

Adoption et parenté : questions actuelles

A l'heure où la France, en mal d'enfants adoptables, envisage d'en accroître le nombre en revoyant la procédure de déclaration judiciaire d'abandon prévue par l'article 350 du code civil (voir ASH n° 2570 du 29-08-08, page 5), c'est au versant qualitatif de l'adoption que Nazir Hamad, psychanalyste et directeur d'un centre médico-psycho-pédagogique, consacre de stimulantes réflexions. Etayant son propos sur plusieurs travaux de recherche et de nombreuses vignettes cliniques, l'auteur s'intéresse notamment au devenir des enfants adoptés. Sont-ils des enfants à risque ? Ils éprouvent, en tout cas, un fréquent sentiment de « mésestime de soi », répond le psychanalyste. Directement lié à l'acte d'abandon, celui-ci est doublement ressenti par les enfants adoptés à l'étranger : d'abord abandonnés par leurs géniteurs, ils le sont ensuite par leur pays de naissance qui consent à les donner en adoption à des personnes venant d'ailleurs. Cependant, plus que l'abandon lui-même, ce sont les conditions dans lesquelles celui-ci s'est déroulé et a été pris en charge qui peuvent faire difficulté. A cet égard, il y a autant de situations diverses que d'histoires familiales, explique l'auteur. Et de mettre en garde : si l'adolescence apparaît comme un moment difficile pour beaucoup de jeunes qui ont été adoptés, on aurait tort de rapporter à l'acte d'adoption tous les problèmes qui surviennent dans une famille adoptive. C'est d'ailleurs « quand il n'y a plus d'alibi pour excuser un comportement ou en souligner un autre » que l'adoption est effective, affirme Nazir Hamad.

Adoption et parenté : questions actuelles - Nazir Hamad - Ed. érès - 15 € .

À LIRE AUSSI

Le système des inégalités

Parce que les inégalités entre catégories sociales interfèrent entre elles, se renforçant par là même réciproquement, et que cette accumulation de handicaps - ou d'avantages - a tendance à se transmettre de génération en génération, on peut vraiment dire que ces inégalités forment un système, démontrent Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, étayant leur raisonnement sur de multiples exemples. Résultat de cette dynamique ? « Une forte polarisation entre la base et le sommet de la hiérarchie sociale », soulignent les sociologues, qui s'inscrivent en faux contre l'idée d'une « moyennisation » de la société c'est-à-dire sa transformation en une vaste classe moyenne.

Le système des inégalités - Alain Bihr et Roland Pfefferkorn - Ed. La Découverte, coll. Repères - 8,50 € .

- ACTES DE COLLOQUES -

Ethique et protection de l'enfance : un engagement collectif

L'éthique professionnelle - et personnelle - au quotidien : tel était la préoccupation du colloque tenu les 20 et 21 novembre 2007 à l'initiative d'Enfance et partage. Ont été évoquées, avec des partenaires très variés, les questions posées aux médias en matière de protection de l'enfance aussi bien que celles qui interpellent les professionnels lorsqu'ils sont confrontés aux défaillances parentales, au mineur à la fois agresseur et victime ou encore lorsqu'il faut concilier communication interdisciplinaire et secret professionnel.

Compte rendu téléchargeable sur le site www.enfance-et-partage.org ou disponible sur CD-Rom auprès d'Enfance et partage : 2-4, cité de l'Ameublement - 75011 Paris - Tél. 01 55 25 65 65.

Quel accueil demain pour la petite enfance ?

Comment concilier intérêt de l'enfant, besoin des familles, préoccupations des professionnels et impératifs gestionnaires ? La question a traversé les assises nationales de l'accueil de la petite enfance du réseau Idéal, qui se sont déroulées les 27 et 28 novembre 2006 (voir ASH n° 2494 du 16-02-07, page 4). Après une présentation des politiques publiques dans l'Hexagone, l'attention s'est portée sur les expériences étrangères, l'accueil en milieu familial, les modes d'accueil innovants, la prise en compte des besoins spécifiques (handicap, précarité, urgence) ou encore les dynamiques de développement local.

Sous la direction de Sylvie Rayna et Xavier Belan - Ed. érès - 23 € .

Le travail social face aux discriminations raciales

Face à la persistance des discriminations socio-ethniques et aux difficultés des différents modèles d'intégration en Europe, quelles peuvent être les réponses des intervenants sociaux ? Comment conjuguer reconnaissance des droits culturels et actions volontaristes pour maintenir le lien social ? Des débats au coeur de la conférence européenne organisée les 7 et 8 décembre 2006 par l'Institut du développement social, en partenariat avec de nombreux instituts de formation (voir ASH n° 2493 du 9-02-07, page 43).

Editions Aux lieux d'être : 32, boulevard Paul-Vaillant-Couturier - 93100 Montreuil - Tél. 01 48 57 68 16 - 25 € .

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