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Fichier Edvige : plusieurs points contestés vont disparaître

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La forte mobilisation contre le fichier Edvige (1)- qui permet de répertorier et de suivre les individus suspectés de vouloir troubler l'ordre public, y compris lorsque ceux-ci sont des mineurs de 13 ans et plus - a en partie porté ses fruits. En effet, après plusieurs mois de polémique, une nouvelle version de l'ancien fichier des renseignements généraux, expurgée de ses éléments les plus sensibles, a été mise au point par le gouvernement... sans faire taire toutefois les plus farouches opposants au fichier (voir ce numéro, page 32). La ministre de l'Intérieur a déposé le 19 septembre à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) le projet de décret instituant la nouvelle mouture du fichier. L'instance devrait rendre son avis d'ici à un mois. Le texte sera ensuite soumis au Conseil d'Etat et ne devrait donc pas être publié au Journal officiel avant la fin du mois d'octobre.

La première modification touche les personnes concernées par le fichier, divisées en deux catégories (et non plus trois). Il devrait s'agir, en premier lieu, des personnes « dont l'activité individuelle ou collective indique qu'elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique » (ainsi que les personnes entretenant ou ayant entretenu des relations non fortuites avec elles). Une définition qui fait disparaître la notion de trouble à l'ordre public, présente dans le décret du 27 juin dernier. Devraient, par ailleurs, rester concernées les personnes travaillant dans des secteurs ou des domaines sensibles et faisant l'objet, à ce titre, d'enquêtes administratives. Les données les concernant devraient être conservées dans le fichier « cinq ans à compter de leur enregistrement ou à compter de la cessation des fonctions », a indiqué Michèle Alliot-Marie le 18 septembre devant la commission des lois de l'Assemblée nationale (2), précisant que ni les signes physiques particuliers, ni la photo ou l'immatriculation du véhicule de la personne concernée ne pourront être répertoriés.

Quant aux personnalités qui exercent un mandat ou jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux « significatif », elles ne seront plus dans le fichier policier mais dans un « répertoire administratif », tenu en préfecture. Les données contenues dans ces répertoires seront « très strictement encadrées », a assuré la ministre de l'Intérieur. Elles comprendront « l'état civil, la profession, l'objet ou le but de l'association [en cas d'association] et l'adresse » de la personne.

Autre nouveauté, de taille, touchant un des points les plus controversés : le futur décret devrait prévoir expressément qu'aucune donnée touchant à l'orientation sexuelle ou à la santé des personnes ne pourra être collectée pour le fichier, même à titre exceptionnel. En revanche, la possibilité de recueillir des informations à caractère personnel « faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques [3], les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale d'une personne » demeure dans le projet de texte.

Le recul du gouvernement est moins net sur la question du fichage des mineurs de 13 ans et plus. En effet, la possibilité de collecter des informations sur des jeunes de 13 ans et plus dont l'activité indique qu'ils peuvent porter atteinte à la sécurité publique est maintenue. Cela « afin de doter les services de police d'un outil efficace de prévention et de lutte contre les nouvelles formes de délinquance juvénile », a expliqué le 19 septembre le Premier ministre dans un communiqué. Toutefois, ces mineurs devraient bénéficier d'un « droit à l'oubli », avec l'effacement des données à leur majorité... sauf si un élément nouveau justifiant l'inscription du mineur au fichier est intervenu entre 16 et 18 ans. Auquel cas les informations devraient pouvoir être conservées jusqu'à ses 21 ans.

Ces modifications ne trouveront pas grâce aux yeux de la défenseure des enfants qui, le 19 septembre également, s'est déclarée hostile à « l'inscription dans des fichiers de mineurs à des fins uniquement administratives et pour des actes reposant sur une seule éventualité ». Dans un communiqué, Dominique Versini demande ainsi « instamment que les données relevant d'une appréciation subjective des actes d'un mineur ne puissent être inscrites dans le fichier Edvige compte tenu des conséquences possibles sur son avenir ». Elle invoque notamment la Convention internationale des droits de l'enfant, dont l'article 16 stipule que « nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation ». « L'enfant, indique encore l'article, a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

Notes

(1) Voir ASH n° 2566 du 11-07-08, p. 23 et 48 ou encore ASH n° 2572 du 12-09-08, p. 43.

(2) La veille de cette audition, la commission des lois a formulé neuf recommandations au gouvernement sur la modification du fichier Edvige. Michèle Alliot-Marie avait alors déjà corrigé sa copie et s'en est expliquée le 18 septembre auprès des députés, juste avant qu'elle ne remette à l'Elysée la nouvelle mouture du décret instituant le fichier policier.

(3) Ce point pourrait faire couler beaucoup d'encre. De nombreuses voix - dont celle des membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale - s'élèvent en effet contre la possibilité de recueillir des données sur les origines raciales des personnes fichées.

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