Comment boucler son budget quand les temps sont difficiles ? En allant piquer dans la caisse d'à côté. C'est du moins ce que fait l'Etat cette année, en ponctionnant le 1 % logement, les mutuelles (pour l'assurance maladie) et maintenant l'Agefiph (Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées) (1).
Ironie de l'histoire, c'est le jour où l'Elysée recevait les athlètes des Jeux paralympiques à leur retour de Pékin, le 18 octobre, que le conseil d'administration de l'Agefiph - qui finance aussi des stages de reconversion pour les athlètes handisport - est informé d'un prélèvement de 50 millions d'euros dans son budget. Décidée unilatéralement par le gouvernement, cette mesure servira, lui assure-t-on, au financement de la rémunération de stagiaires handicapés en CRP (convention de reclassement personnalisé)... assumée jusque-là par le budget de l'Etat. Unanime, le conseil d'administration (composé des partenaires sociaux, de représentants d'associations et de personnalités qualifiées) proteste au moyen d'une lettre ouverte au gouvernement. Il demande le retrait de cette disposition, inscrite dans l'avant-projet de loi de finances pour 2009.
Le président de l'Agefiph, Tanguy du Chéné (Medef), parle d'un « budget détourné de son objectif initial ». La FNATH (l'association des accidentés de la vie), titulaire d'une vice-présidence, crie au « rapt organisé ». L'Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis) juge la décision « totalement incohérente », trois mois après la conférence nationale du handicap où le gouvernement s'était engagé à lancer un pacte pour l'emploi des personnes handicapées (2). L'APF (Association des paralysés de France) épingle également, avec ce « désengagement », un « Etat pris en flagrant délit de contradiction ».
Tandis que Bercy justifie un prélèvement « à caractère exceptionnel », sur des « surplus inutilisés », l'Agefiph trouve la mesure vraiment malvenue. C'est, pour Tanguy du Chéné, l'injuste sanction d'« une gestion responsable ». En effet, explique Pierre Blanc, directeur général, dans les années antérieures, l'Agefiph n'enregistrait que des « petits reliquats » budgétaires. Certes, la modification du barème de contribution des entreprises intervenue avec la loi « handicap » du 11 février 2005 a fait faire un bond spectaculaire de 42 % à la collecte en 2007 (604 millions d'euros), et cette année-là le reliquat a gonflé (3). Mais le conseil d'administration, « anticipant » aussi sur les recettes à venir, a adopté, dans la foulée, un programme d'action complémentaire pour la période 2008-2010, d'un coût de 455 millions d'euros (qui s'ajoute aux 480 millions de dépenses annuelles). Ses engagements ont été repris dans la cinquième convention triennale d'objectifs passée avec l'Etat le 20 février dernier. Ils portent notamment sur une amplification de l'effort de qualification des demandeurs d'emploi handicapés de 80 millions d'euros et sur l'augmentation de 180 millions des aides directes à l'emploi pour compenser la suppression de contrats aidés, qui doit permettre le recrutement de 30 000 personnes. « L'Agefiph est ainsi déjà mise largement à contribution » pour prendre le relais de mesures auparavant financées par la solidarité nationale, juge son conseil d'administration. Or l'encre de la convention est à peine sèche que l'Etat y « manque gravement » en opérant, sans la moindre concertation, cette ponction, qui représente à peu près 8 % du budget 2008. « Une somme qui n'apportera pas une formation ni un emploi de plus, qui n'aura aucun effet de levier et qui sert juste à boucher un trou », s'indigne Pierre Blanc.
« Toute la politique de programmation pluriannuelle du fonds se trouve compromise. L'incertitude est incompatible avec une programmation à moyen terme », ajoute le conseil de l'Agefiph, qui glisse au passage que cela l'empêchera d'examiner de nouveaux besoins portés par les associations... et les ministères.
(1) Agefiph : 192, avenue Aristide-Briand - 92226 Bagneux cedex - Tél. 01 46 11 00 11.