La santé « est la deuxième préoccupation des Français après le pouvoir d'achat et le problème qui remonte le plus des permanences d'accueil ». Partant de ce constat, le Secours populaire a voulu porter un éclairage sur les inégalités de santé dans son deuxième « baromètre de la pauvreté », réalisé avec IPSOS et diffusé dans son magazine Alerte pauvreté du 25 septembre (1). « Il y a quelques années, les gens venaient chez nous avec une facture EDF. Aujourd'hui, ils viennent avec le montant de leur franchise médicale », illustre Christophe Auxerre, secrétaire national du Secours populaire. A côté des réalités dont elle peut directement témoigner, l'association livre, à partir de ce sondage, des résultats sur « le ressenti des Français ». Les réponses, classées selon le niveau de revenu des interrogés, en disent long sur les inégalités et l'aggravation de la situation pour les couches modestes de la population.
On le savait, la pauvreté monétaire relative (en deçà de 60 % du revenu médian selon l'INSEE, soit 817 € en 2005) n'est pas représentative des situations de précarité, et encore moins de la « pauvreté ressentie ». Les Français évaluent en moyenne le seuil de pauvreté à 1 006 € nets par mois pour une personne seule. Sans surprise, ce chiffre est plus élevé en Ile-de-France (1 197 € ), moins en province. Les estimations des personnes de plus de 60 ans sont également plus élevées que la moyenne (1 094 € ). Les « seniors », comme ceux qui gagnent moins de 1 200 € par mois, ressentent le plus la baisse de leur pouvoir d'achat. Depuis 2007, ces catégories d'interrogés ont respectivement revu à la hausse de 91 € et 123 € leur évaluation du seuil de pauvreté.
Avoir du mal à se « procurer une alimentation saine et équilibrée » est pour 92 % des Français un critère de situation de pauvreté, avant les difficultés d'accès aux loisirs ou à la culture et aux vacances pour les enfants. Cette proportion tombe à 52 % pour les personnes ayant de bas revenus.
La plus grande surprise du baromètre est sans doute le taux élevé de répondants déclarant avoir déjà retardé au moins un soin en raison de son coût ou y avoir renoncé : ils sont 39 % parmi l'ensemble de la population. Les prestations spécialisées (achat de prothèses dentaires, de lunettes, consultation chez un spécialiste) sont les plus touchées. S'il n'interroge pas les personnes sur la couverture maladie dont elles disposent, le sondage prouve, encore une fois, que l'accès aux soins est plus difficile pour les bas revenus : 38 % ont déjà retardé l'achat de prothèses dentaires ou y ont renoncé, contre 23 % pour les revenus les plus élevés (3 000 € et plus). Ce taux atteint 40 % pour les lunettes et lentilles de contact (20 % pour les plus hauts revenus).
Les inégalités sont aussi territoriales : 17 % des Français ont déjà renoncé à au moins un soin à cause de l'éloignement géographique de leur médecin. Ils sont 9 % dans ce cas lorsqu'il s'agit d'un médecin généraliste (+ 3 points en un an, selon une enquête Ipsos réalisée en 2007 pour le Collectif interassociatif sur la santé) et 13 % lorsque les soins concernent un spécialiste (+ 4 points). Les jeunes, les habitants des petites villes de province, surtout pour les spécialistes, et les personnes touchant moins de 1 200 € mensuels apparaissent comme les plus grandes victimes des déserts médicaux.
Enfin, 89 % des Français jugent leur état de santé satisfaisant. Mais parmi les plus bas revenus, 22 % estiment au contraire qu'il ne l'est pas, contre 3 % pour les plus hauts.
(1) Le baromètre Ipsos-Secours populaire de la pauvreté - Septembre 2008 - Réalisé les 22 et 23 août par téléphone auprès d'un échantillon de 1 002 personnes - Secours populaire : 9/11, rue Froissart - 75140 Paris cedex 03 - Tél. 01 44 78 21 00.