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La Bretagne installe le premier comité régional du travail social

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Contribuer à l'analyse de l'évolution des métiers et des formations du travail social, c'est la mission du « comité régional du travail social » bientôt installé en Bretagne, appelé à rassembler, notamment, les départements, les syndicats de salariés et d'employeurs, les fédérations associatives et les centres de formation.

Le premier comité régional du travail social devrait être installé en Bretagne le 15 octobre. Si, depuis l'acte II de la décentralisation, les partenariats locaux se multiplient dans le domaine des formations sociales (1), cette initiative originale est le fruit d'une volonté ancienne de tous les acteurs locaux - écoles, employeurs, financeurs - de se mettre autour d'une même table pour prendre à bras le corps les nouveaux enjeux du secteur.

Dans cette région, qui traditionnellement cultive la pratique des groupements coopératifs, les centres de formation ont réussi depuis longtemps à faire sauter les clivages des réseaux : une Coordi-nation régionale des centres de formation en travail social a vu le jour au début des années 90, rassemblant les établissements fédérés par l'Aforts (Association française des organismes de formation et de recherche en travail social) et le GNI (Groupement national des instituts régionaux du travail social), avec l'objectif initial de dialoguer collectivement avec l'Etat sur les clés de répartition des enveloppes de financement. Cette plate-forme commune de concertation, qui s'est progressivement donné pour mission de réfléchir à l'offre de formation en lien avec les partenaires concernés, regroupe aujourd'hui cinq établissements : l'IRTS de Bretagne, l'AFPE (Association pour les formations aux professions éducatives et sociales), l'ITES (Institut pour le travail éducatif et social), GRIMES (centre de formation d'aides médico-psychologiques) et Arcades formation (centre de formation en travail social dans le champ de l'aide à domicile).

Lors du transfert des formations initiales du secteur sanitaire et social aux conseils régionaux, dans le cadre de la loi du 13 août 2004, cet espace d'échanges a permis aux écoles de ne pas être prises de court. La coordination régionale des centres de formation et le bureau régional de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale ont en effet décidé de consulter l'ensemble des professionnels pour apporter une pierre à l'édifice du schéma régional des formations sociales, désormais intégré à la « stratégie régionale emploi formation » (SREF) de Bretagne. « Au vu du travail de concertation déjà engagé, nous avons souhaité être particulièrement actifs. Nous ne voulions pas laisser le schéma s'élaborer sans les acteurs concernés », explique Jean-Vincent Trellu, directeur général de l'IRTS de Bretagne. « J'étais convaincu que, comme dans les autres secteurs, la décentralisation des formations sociales allait être une chose positive et que nous aurions des résultats si l'on travaillait ensemble », poursuit celui qui fut président de l'Andass (Association nationale des directeurs d'action sociale et de santé des conseils généraux). Autre moteur de la démarche, Jacky Desdoigts, directeur de l'Adapei (Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés) des Côtes-d'Armor, secrétaire régional de l'Unifed : « A partir du moment où l'on considérait que les centres de formation sont les bras armés qui permettent d'avoir des salariés performants, ce projet correspondait à un réel besoin, explique-t-il. L'idée est née d'une maturation commune, à un moment où se menait une vraie réflexion entre l'Unifed et la coordination des centres de formation. »

Dès 2005, les partenaires proposent à la DRASS et au conseil régional de lancer un travail d'analyse prospective en vue de la préparation du schéma régional des formations sociales. Comment évoluent les pratiques sociales régionales, les pratiques professionnelles, quelles conséquences sur les compétences, la diversification des voies d'accès à la qualification pour la période 2006-2010 ? Un groupe de concertation s'empare de ces questions. Il rassemble pas moins d'une trentaine de partenaires du champ sanitaire et social, mais aussi de l'animation et de l'aide à domicile : centres de formation, employeurs publics et associatifs (conseils généraux, Unifed, Union des syndicats et groupements employeurs représentatifs dans l'économie sociale, Urcass...), syndicats de salariés, organismes paritaires collecteurs agréés en matière de formation professionnelle, fédérations d'établissements et services publics et associatifs (Uriopss, CREAI, GEPSo, comité régional de l'ADMR...). Cette commission élargie élabore une trentaine de « pistes prospectives » sur l'évolution du travail social et de ses formations, débattues lors de quatre séminaires départementaux organisés en janvier 2006. Professionnels, élus, employeurs, formateurs, étudiants, usagers... au total, 500 personnes participent à cette « conférence de consensus ». Une première dans le secteur. La synthèse de cette vaste expertise collective permet au groupe de concertation de présenter le 3 février 2006 au conseil régional une contribution à la « stratégie régionale emploi formation » qui sera adoptée en juin 2006.

L'étude prospective a le mérite de dépasser le seul reflet des grandes tendances pour passer en revue, de façon détaillée, toutes les questions remontées du terrain. Elle souligne notamment le fort vieillissement de la population bretonne d'ici à 2015 (les plus de 80 ans passeront de 3,9 % à 6,6 % de la popula-tion), mais émet la crainte que ce phéno-mène « n'occulte l'ensemble de la question sociale ». Autre évolution préoccupante : celle des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés. Ils représentent 18 % de la population, contre 16 % sur l'ensemble du territoire. En fonction des taux de prévalence des handicaps sévères et de l'évolution des orientations vers les établissements et services, l'étude tire des enseignements sur l'évolution des prises en charge des enfants et adultes handicapés. La tendance à la hausse du nombre de bénéficiaires de RMI depuis 2002 en Bretagne, l'urbanisation de la pauvreté et l'isolement rural sont également mis en exergue, de même que la progression des conduites addictives et l'acuité des problèmes liés à la souffrance psychique. Au total, face aux mutations qui viennent « questionner, voir déstabiliser, les dispositifs classiques de prise en charge », la coordination des centres de formation liste une série de propositions concrètes autour de trois enjeux majeurs : « renforcer la transversalité des interventions et des formations et promouvoir les démarches d'intervention collective » ; « développer l'innovation, l'évaluation et encourager la réflexion éthique » ; « promouvoir les échanges à l'international et assurer un rapprochement avec les universités ». L'objectif est bien, pour les porteurs de la démarche, de définir « le travail social de demain », sans chercher à « régionaliser » les qualifications. « Nous délivrons avant tout des diplômes nationaux, souligne Jérôme Wenz, directeur de l'AFPE. Il faut tenir compte de la coloration régionale et locale des problématiques sociales, par exemple en développant davantage certains contenus de cours ou en sensibilisant les formateurs à des questions particulièrement présentes en Bretagne pour les travailleurs sociaux. Mais, pour autant, en aucun cas il ne saurait s'agir de chercher à former des travailleurs sociaux exclusivement pour la Bretagne. Tout diplômé du secteur social doit pouvoir travailler partout en Europe. D'ailleurs, la loi ne prévoit pas de condition de résidence pour les étudiants ! La région partage tout à fait cette position. »

Le conseil régional, qui par ailleurs devrait signer avant la fin de l'année un contrat d'objectifs avec les centres de formation pour 2009-2011, reprend plusieurs de ces propositions à son compte. « Ce travail qualitatif a alimenté les fiches-actions du schéma régional », confirme Henri Simorre, directeur des solidarités au conseil régional de Bretagne. Le schéma prévoit notamment d'augmenter les capacités d'accueil pour les cadres, les éducateurs spécialisés, les assistants de service social et de créer des places de formation initiale pour les aides médico-psychologiques. Il innove également en prévoyant la création, comme l'a suggéré la coordination, d'un comité régional du travail social. Une manière de reconnaître officiellement les « interdépendances » et les responsabilités de chaque acteur social en matière de formation, et de consolider une fois pour toute les coopérations.

Des réponses concrètes sont attendues

Dès avril 2007, le conseil régional et la DRASS confient à la coordination des centres de formation une « mission de préfiguration » pour mettre en oeuvre le comité régional du travail social (CRTS) - « instance consultative pour l'Etat et la région, dans le cadre de leurs compétences respectives en matière de formation aux carrières sociales ». La région soutient fortement l'initiative : « Nous attendons d'une telle instance qu'elle apporte des réponses à des questions posées par la DRASS et la région, dont les missions sont très imbriquées : on ne peut pas déconnecter les orientations pédagogiques des orientations financières », argumente Henri Simorre. Un outil d'autant plus attendu que les conseils régionaux ne savent pas qui, demain, seront leurs interlocuteurs locaux pour l'Etat : « Les formations sociales risquent de ne pas peser lourd dans les futures agences régionales de santé, s'inquiète Henri Simorre. C'est dans cet environnement incertain que nous constituons des outils qui nous donnent une méthode et les moyens de travailler. »

Les conseils généraux sont également partie prenante : « Le CRTS a vocation à être un espace de propositions pour contribuer à des politiques qui souvent naissent à Paris sans tenir compte de ce qui existe localement », pointe Pierre Le Guédard, directeur de la prévention et de l'insertion au conseil général des Côtes-d'Armor. Il est dès le départ décidé que le CRTS n'analysera pas quantitativement les besoins. En effet, le conseil régional dispose en la matière d'autres outils : le « contrat d'objectifs » pour la filière sanitaire et sociale - signé entre le conseil régional, l'Etat et les fédérations d'employeurs -, et les études du groupement d'intérêt public « Relation-emploi-formation », qui recueillent des éléments démographiques sur l'insertion professionnelle des anciens étudiants. « Nous disposerons début octobre des premiers résultats d'une enquête de suivi de diplômés sur 18 mois, explique Henri Simorre. Ces éléments seront précieux pour compléter le schéma, car dans le champ social il est plus difficile d'obtenir des données quantitatives précises que dans le champ sanitaire. »

Après un mois de travail et une cinquantaine d'entretiens, la coordination régionale des centres de formation a proposé le 7 mai à la DRASS, au conseil régional, et à une vingtaine d'acteurs publics et privés, un protocole de mise en oeuvre du CRTS, amendé sur plusieurs points au cours des discussions. Le document final énumère les missions et les fonctions de la nouvelle instance, qui devra participer « à la démarche globale d'observation, d'analyse et de prospective sur l'évolution des politiques sociales, des métiers du travail social et des formations qui s'y rapportent ». En cohérence avec son rôle consultatif, le conseil régional et la DRASS ne sont pas membres de droit mais invités au comité, qu'ils peuvent saisir de questions spécifiques. Sont en revanche sollicités pour y siéger les conseils généraux, les représentants du secteur hospitalier et les centres communaux d'action sociale, les syndicats de salariés et d'employeurs, les branches professionnelles, les organismes paritaires collecteurs agréés, les fédérations associatives, les centres de formation (dont ceux de l'Education nationale), les organismes de recherche et les universités concernés. Une vingtaine d'acteurs ont d'ores et déjà répondu favorablement. La liste mériterait néanmoins d'être complétée, plaide Pierre Le Guédard, au conseil général des Côtes-d'Armor : « Les usagers, ainsi que les représentants des étudiants, devraient avoir également leur place dans le comité. »

Le protocole liste aussi les axes de travail du CRTS pour 2009-2010. « Nous souhaitons notamment réfléchir à la façon dont les formations vont se positionner dans les secteurs à but lucratif qui se développent, indique Marc Rouzeau. Quelle est par exemple la surface du travail social dans les services à la personne ? » Autre thème : l'enrichissement des pratiques au travers d'échanges avec d'autres pays d'Europe. Figurent au programme deux autres questions jugées prioritaires : « Quelles passerelles entre les métiers du social et du sanitaire et quelles conséquences sur les formations ? », « Comment accompagner le développement des démarches d'évaluation interne dans les établissements et services ? » Le comité planchera sur ces sujets au sein de groupes d'experts thématiques. Autre élément, loin d'être subalterne : le conseil régional et la DRASS ont accepté de financer cette structure. Le montant alloué, qui devrait s'élever à quelques dizaines de milliers d'euros, pourra lui permettre de se doter d'un chargé de mission à mi-temps et d'un secrétariat. Le CRTS ne devrait donc être ni un gadget, ni un outil artisanal, ni un groupe de pression. C'est que la région, comme l'Etat, sont avides de réponses concrètes. « Cette instance relativement autonome a pour objet d'émettre des préconisations ciblées chaque année. Il ne s'agit pas de se don-ner cinq ans pour mener une recherche ! », insiste Henri Simorre. « Nous voulions une instance qui travaille le plus librement possible, mais avec une visée opérationnelle et des résultats », abonde Jean-Julien L'Azou, responsable des professions sociales à la DRASS de Bretagne.

Les positions des différents acteurs promettent néanmoins de profonds débats. La mutualisation des pratiques, notamment, et l'ouverture des formations à l'Education nationale, font partie des premières attentes du conseil régional. « Il faut sortir d'une approche trop spécialisée des formations sociales en développant les liens avec les lycées et les universités, argumente Henri Simorre. Ces dernières pourraient par exemple davantage participer à la formation de cadres, dont beaucoup vont partir à la retraite. » Comment par ailleurs mieux répondre aux besoins dans le champ des diplômes nationaux ?, s'interroge de son côté la DRASS : « Nous avions par exemple, en particulier dans le cadre de la formation continue, anticipé le rapprochement entre les formations d'aide médico-psychologique, d'auxiliaire de vie sociale et d'aide-soignant, avant que ces passerelles ne soient prises en compte dans les diplômes, explique Jean-Julien L'Azou. Nous pourrions poursuivre cette réflexion pour les métiers de l'intervention auprès de la personne à domicile. »

L'évolution des publics elle-même a des incidences sur les pratiques professionnelles. « Nous n'avons pas du tout anticipé le vieillissement des personnes déficientes intellectuelles, note par exemple Jacky Desdoigts. En maison d'accueil spécialisée, l'amplitude d'âge va de 20 à 70 ans. » Pour autant, ajoute le directeur de l'Adapei des Côtes-d'Armor, le CRTS devra établir ses préconisations selon un double objectif : être pertinent dans sa réponse aux personnes et être pertinent sur le plan économique, surtout dans un contexte budgétaire étriqué. « En cas de redéploiements budgétaires dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, certaines associations n'ont aucune marge de manoeuvre. Il peut arriver que deux éducateurs à la retraite soient remplacés par un éducateur et un aide médico-psychologique », illustre-t-il, tout en soulignant qu'il ne s'agit pas de déqualifier le personnel, « mais de mener une réflexion honnête et intelligente sur l'ajustement des métiers et des moyens par rapport aux besoins des personnes ».

On le voit, le comité devra relever le défi d'émettre des propositions négociées et opérationnelles, sans se départir de son objectif de promouvoir le travail social. S'il ne sera pas une copie régionale du Conseil supérieur du travail social (CSTS), des interactions avec l'instance nationale ne sont pour autant pas exclues. « Les analyses du CRTS pourraient être diffusées au-delà du seul cadre régional », envisage Jean-Julien L'Azou, à la DRASS. De même, les acteurs locaux proposent que certains travaux du CRTS puissent alimenter la démarche initiée par l'Observatoire national de la branche sanitaire, sociale et médico-sociale. Mais si les expériences régionales méritent d'être utilisées à bon escient, il ne faudrait pas qu'elles précipitent la disparition du CSTS, seul endroit où se mènent encore des réflexions nationales sur le travail social, et dont l'existence n'est pas garantie après 2009. « S'il survit, il devra s'appuyer sur les initiatives régionales de ce type. Cela pourrait créer une dynamique », espère pour sa part Brigitte Bouquet, vice-présidente du CSTS. Il faudra cependant attendre un peu pour connaître la portée des préconisations de l'instance bretonne. Une conférence régionale du travail social pourrait présenter ses travaux en 2010.

L'AMBITION D'UNE « COMMUNAUTÉ PÉDAGOGIQUE LOCALE »

Héritière du Groupement régional des centres de formation aux fonctions éducatives créé en 1980, la Coordination régionale des centres de formation en travail social a été un temps fragilisée, notamment en raison de divergences, avant d'être relancée en 2002 dans le cadre de la « charte régionale de qualification de l'aide à domicile ». Le 1er juillet 2004, les cinq centres de formation qui la composent ont signé un accord fixant des objectifs pluriannuels sur cinq ans autour de huit axes : les relations avec les branches professionnelles, la mise en oeuvre des dispositifs d'accompagnement à la validation des acquis de l'expérience, la mise en réseau des centres de ressources documentaires, les dispositions européennes en matière de formation supérieure, le financement des formations, les relations avec les universités, les sélections d'entrée dans les formations préparatoires aux métiers éducatifs et sociaux et la gestion des ressources humaines. Cette coopération a été renforcée par l'organisation des séminaires qui ont permis d'alimenter le schéma régional des formations sociales : en plus de la mutualisation des ressources humaines et documentaires, la coordination a eu, pour la première fois, à gérer un budget, issu de subventions du conseil régional, de la DRASS, les conseils généraux et les organismes paritaires collecteurs agréés Unifaf et Uniformation.

Notes

(1) Les actions « animations et partenariats locaux » pilotées par les DRASS (directions régionales des affaires sanitaires et sociales) sont notamment inscrites dans les axes prioritaires des orientations pour les formations sociales 2007-2009 définis par la direction générale de l'action sociale et ont fait l'objet d'un appel à projets en 2008 - Voir ASH n° 2550 du 21-03-08, p. 15.

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