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La Cour des comptes pointe l'échec des dispositifs d'aides à la petite enfance

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Dans le cadre de son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (voir ce numéro, page 9), la Cour des comptes présente les résultats d'une enquête sur les aides à la garde des jeunes enfants - dont l'efficience est « particulièrement insatisfaisante », selon elle - et sur le coût « beaucoup plus important que prévu » de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) (1). Une situation d'autant plus regrettable si l'on considère que, en 2007, la branche famille a consacré près de 13 milliards d'euros aux aides à la petite enfance (2), dont la quasi-totalité des dépenses concernent la PAJE (3). « Des marges d'efficience existent donc », affirme l'instance... Ajoutant que, dans ce cadre, les constats qui suivent devraient aussi permettre de nourrir les réflexions en cours sur la « mise en place maîtrisée d'un éventuel «droit de garde opposable» ».

La PAJE n'a pas atteint ses objectifs

En 2004, l'instauration de la PAJE devait, d'une part, simplifier le dispositif d'aides à la garde des jeunes enfants grâce à une prestation unique et à un allégement de la gestion et, d'autre part, permettre aux parents de choisir librement de garder eux-mêmes leur enfant ou de le confier à des tiers en diminuant leurs contraintes financières. Or, relève le rapport, quatre ans après sa création, le bilan n'est pas satisfaisant. Les juges de la rue Cambon estiment en effet que le dispositif est en fait « peu simplifié » puisque la PAJE « n'est pas une prestation unique mais une appellation qui regroupe des prestations de même nature que celles existant précédemment ». En outre, les modalités de liquidation et de paiement des prestations ont été simplifiées et les formalités liées au paiement des assistantes maternelles et des gardes à domicile allégées, mais la réglementation « reste complexe » dans la mesure où chacune de ces prestations continue à être régie par ses règles propres, « souvent plus complexes que les règles applicables aux prestations antérieures », soulignent-ils (4).

Par ailleurs, note la Cour des comptes, le dispositif est « plus coûteux que prévu », la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ayant estimé le surcoût de la PAJE par rapport aux anciennes prestations à 1,77 milliard d'euros pour 2007 et à 2,021 milliards en 2009 à l'issue de sa montée en charge (5), contre les 800 millions d'euros annoncés lors de sa création. Cet écart s'explique notamment par le « défaut de réalisme des évaluations initiales » : les prévisions ont notamment été faites en prenant pour hypothèse un comportement constant des familles, c'est-à-dire sans anticiper les évolutions que la revalorisation des prestations allait susciter, et en supposant inchangé le taux de natalité, ce qui n'a pas été le cas.

Le maintien des difficultés de retour à l'emploi

Le complément optionnel du libre choix d'activité (COLCA) (6) devait permettre aux familles, sous certaines conditions, de bénéficier d'un congé plus court que le complément de libre choix d'activité (CLCA) - un an au lieu de trois - mais mieux rémunéré. Objectif : inciter les femmes à se retirer moins longtemps du marché du travail. Cependant, signale la Cour des comptes, le dispositif n'a pas eu le succès escompté : au 30 septembre 2007, on dénombrait seulement 2 407 bénéficiaires du COLCA, alors que les prévisions tablaient sur 50 000 bénéficiaires. Selon elle, « cet échec est vraisemblablement dû au fait que la durée du COLCA est jugée trop courte (du congé de un an doivent en effet être déduits le congé maternité et les éventuels congés payés) et qu'il est réservé aux familles de trois enfants ». En pratique, conclut l'instance, « l'échec du COLCA et la non-diminution de la cessation totale d'activité au profit d'une activité réduite plaident pour une réduction de la durée du CLCA et le resserrement des conditions d'activité [y] ouvrant droit afin d'éviter l'éloignement durable des mères du marché du travail. Ces mesures prendraient tout leur sens si elles se couplaient à une plus grande facilité pour les familles les moins aisées de disposer d'une offre de garde disponible à un coût abordable. » Dans cette optique, elle suggère également de « revenir sur la revalorisation du CLCA à temps partiel ».

Le retard des « plans crèches », un obstacle au libre choix du mode de garde

Même constat d'échec pour le libre choix du mode de garde, « qui se heurte à l'insuffisance de l'offre de garde », déplore le rapport, le déséquilibre entre l'offre de garde et la demande ayant été aggravé par le dynamisme de la natalité observé depuis 2003 et la baisse de la scolarisation des enfants de 2-3 ans, dont le taux a diminué de 27 % entre 2003 et 2007. Plus précisément, bien que le mode de garde par les assistantes maternelles soit peu coûteux pour la collectivité, le nombre d'assistantes maternelles agréées plafonne depuis 2004, tout comme le taux d'exercice de la profession : il est passé de 54 % en 1990 à 69,8 % en 2003 et enfin à 70,2 % en 2005. Selon Philippe Seguin, premier président de la cour, plusieurs raisons expliquent cette situation : les « délais administratifs pour l'obtention d'un agrément et les normes de logement exigeantes qui sont imposées [...] ou le caractère plus rémunérateur des indemnités chômage par rapport à la rémunération d'assistante maternelle ». Dans ce contexte, « des solutions pérennes devraient être envisagées telles que l'augmentation des aides à la mise aux normes des habitations ou la réforme du cadre juridique des crèches familiales pour permettre la mise à disposition de locaux à des assistantes maternelles ».

En revanche, concernant la garde à domicile - solution la plus onéreuse par enfant gardé -, les aides directes versées ont augmenté en euros constants de 75 % entre 2003 et 2006 (passant de 119 millions d'euros à 208 millions) et les sommes moyennes versées à chaque famille par les caisses d'allocations familiales ont crû de 17 % par an (de 2 245 € en 2003 à 3 558 € en 2006). Ces chiffres démontrent que les quatre plans crèches (7), qui devaient permettre de créer au moins 75 000 nouvelles places entre 2000 et 2007, n'ont pas atteint leurs objectifs. En effet, seules 37 800 nouvelles places ont été créées sur cette période, soit environ 2 % par an, c'est-à-dire à peine le taux d'augmentation de la natalité. Le « retard des plans crèches » apparaît alors comme l'une des causes de la pénurie de places. Les 32 280 places restant à créer ne le seront qu'entre 2007 et 2011. Le délai moyen d'ouverture au public après la décision de financement étant de 27 mois, et le dernier plan datant de mi-2005, le nombre de places créées aurait dû être plus important. En outre, souligne-t-il, « des places dites «nouvelles» sont en fait des places anciennes rénovées ou «relabellisées», c'est-à-dire appelées places de multi-accueil au lieu de places en crèches ou haltes-garderies ». Enfin, l'instance relève un « nombre important de fermetures de places en crèches, de l'ordre de 2 000 à 3 000 par an, en particulier pour non-respect des normes ». Viennent s'ajouter à cela « le manque d'encadrement et de personnels [et] la difficulté pour les communes ou les associations de gérer ces personnels dont les horaires sont souvent morcelés ». Au final, note la Cour des comptes, « le nombre d'enfants gardés par leurs parents ou utilisant des modes de garde non aidés a progressé de plus de 7 % sur la même période ». Aussi juge-t-elle « nécessaire d'approfondir les raisons des difficultés de recrutement rencontrées par un grand nombre d'établissements (formation des personnels, règles d'accès à la profession, manque de passerelles, rémunération...) dans un secteur qui constitue pourtant un important gisement d'emplois ». Ou encore de « mieux corréler le taux d'effort des familles en fonction de leurs revenus pour chaque mode de garde », une « réorientation des aides au bénéfice des plus modestes [étant] dès lors souhaitable ». Enfin, indique-t-elle, « quelles que soient les motivations, pédagogiques ou financières, ayant conduit le ministère de l'Education nationale à se désengager de la scolarisation des enfants de 2 ans, il conviendrait que les objectifs de l'Etat soient clairement explicités et que les différents acteurs concernés par la garde des jeunes enfants (Education nationale, CNAF, collectivités territoriales) déterminent conjointement, sous la coordination de l'Etat, les besoins pour l'avenir et des réponses à apporter ».

Notes

(1) Document disponible sur www.ccomptes.fr.

(2) Environ 11 milliards d'euros de prestations (soit 28 % du montant total des prestations légales attribuées) et 2 milliards de dépenses d'action sociale.

(3) Voir ASH n° 2562 du 13-06-08, p. 23 et n° 2563 du 20-06-08, p. 21.

(4) Selon une enquête téléphonique du Crédoc réalisée auprès de 3 000 bénéficiaires de la PAJE entre septembre et octobre 2005, il ressort que si ce dispositif est considéré comme « plus simple pour beaucoup, pour 21 % c'est plus compliqué ». Ce sont principalement les bénéficiaires du complément de libre choix d'activité qui la trouvent plus complexe que l'allocation parentale d'éducation.

(5) Ces chiffres sont exprimés en euros constants, c'est-à-dire hors effet de revalorisation des barèmes.

(6) Voir ASH n° 2473 du 13-10-06, p. 13.

(7) Depuis 2000, quatre dotations spécifiques visant à soutenir l'investissement dans les structures d'accueil des jeunes enfants ont été mises en place : le fonds d'investissement à la petite enfance, l'aide exceptionnelle à l'investissement, le dispositif d'aide à l'investissement petite enfance, le dispositif d'investissement petite enfance.

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