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Comptes sociaux : la Cour des comptes critique sévèrement la politique de l'Etat

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Le déficit de la sécurité sociale devrait s'élever à 10,5 milliards d'euros en 2007 et non pas à 9,5 milliards comme l'avait indiqué la commission des comptes de la sécurité sociale en début d'année (1). Les mauvais élèves : la branche maladie, dont le « trou » atteindrait 5,3 milliards d'euros (contre 4,6 annoncés en début d'année), et la branche vieillesse, qui devrait afficher un déficit de 4,9 milliards d'euros (au lieu de 4,6 milliards). C'est ce qui ressort du rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale rendu public le 10 septembre (2), dans lequel elle s'est attachée à mettre en lumière les causes du dérapage. En présentant le rapport, Philippe Seguin, premier président de la cour, a voulu mettre « en garde contre l'effet potentiel d'accoutumance et contre toute tentation de relativiser ce constat ». « Le retour à l'équilibre des comptes publics auquel la France s'est engagée d'ici 2012 suppose des efforts supplémentaires tant du côté des ressources que des dépenses sociales », a-t-il affirmé, ajoutant que, à court terme, il y a « urgence d'adopter des mesures de redressement volontaristes ».

Des dispositifs d'exonération de charges coûteux et aux effets incertains

Pour faire face à des besoins de financement croissants et défendre l'emploi, les gouvernements n'ont eu de cesse, depuis les années 80, d'instaurer des dispositifs d'exonérations fiscales ou d'allégements de cotisations, allégements ciblés ces dernières années sur des publics, des zones géographiques ou des secteurs d'activité particuliers. Selon le rapport, « au 1er septembre 2007, on comptait 51 dispositifs particuliers, pour un montant estimé à 6,4 milliards d'euros, dont seulement 60 % (3,8 milliards d'euros) [étaient] compensés par l'Etat à la sécurité sociale - sous formes de dotations budgétaires ». D'une manière générale, estime la cour, « ce système est rendu complexe par l'assignation à un même instrument de politique publique d'objectifs multiples et conflictuels. C'est le cas notamment des exonérations, utilisées successivement et souvent concomitamment pour favoriser les publics particuliers, la réduction du temps de travail, le temps partiel, la lutte contre la délocalisation des industries, la compétitivité, la lutte contre le chômage et finalement le pouvoir d'achat. » L'instance recommande donc de « réexaminer les dispositifs d'exonérations ciblées à la lumière de l'évaluation de leur efficacité et de leur efficience ». Au-delà, Philippe Seguin propose de « resserrer la plage de mise en oeuvre des exonérations générales, en abaissant le seuil de rémunération concernée [de 1,6 à 1,3 SMIC] et en le déconnectant de la référence du SMIC (pour éviter que les revalorisations du SMIC alourdissent automatiquement le poids des exonérations) » (3). Selon lui, cette mesure pourrait permettre de dégager sept milliards d'euros de ressources supplémentaires, une solution dont a pris acte Eric Woerth, ministre du Budget et des Comptes publics, dans un communiqué du 10 septembre.

L'ONDAM, un outil de régulation peu réaliste

La Cour des comptes déplore que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté chaque année par le Parlement soit systématiquement dépassé et dans des proportions de plus en plus importantes. Par exemple, en 2007, le dépassement de l'ONDAM a été beaucoup plus élevé que celui de 2006, passant de 1,2 à 3 milliards d'euros. Pourquoi ? « En raison du caractère irréaliste des bases retenues pour les soins de ville et de la progression élevée des dépenses de ce sous-objectif (4,6 %), supérieure à la fois au taux voté par le Parlement (2,6 %) et à l'évolution constatée en 2006 (3,1 %) », indique le rapport. Lequel souligne en outre que « les économies attendues, en particulier sur les produits de santé, n'ont été réalisées que très partiellement, ce qui amène à s'interroger sur la sincérité des objectifs affichés en la matière par le gouvernement ». Autre raison avancée : l'« intervention croissante du Parlement et du gouvernement » dans le champ des négociations conventionnelles depuis la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007. Tous deux ont adressé des « messages contradictoires à l'[Union nationale des caisses d'assurance maladie] et aux professions de santé, en les encourageant à octroyer des revalorisations tout en renforçant dans le même temps l'encadrement de leurs marges de manoeuvre ».

Par ailleurs, la Cour des comptes pointe l'« articulation insuffisante » entre la politique conventionnelle liant les professions de santé à l'assurance maladie, et la mise en en oeuvre de l'ONDAM, ce qui entraîne une « moindre opposabilité de ce dernier et nuit à sa fiabilité. Elle se traduit également par une efficacité amoindrie des négociations conventionnelles du point de vue de la maîtrise des dépenses. » En 2006 et 2007, le sous-objectif « soins de ville » a été délibérément sous-évalué, ce qui empêche l'ONDAM de jouer son rôle d'outil d'encadrement des négociations conventionnelles. Or, précise l'instance, pour que l'ONDAM soit crédible, « le sous-objectif « soins de ville » doit être fixé à un niveau réaliste au regard des économies prévues en LFSS ». Aussi, insiste-t-elle, « il conviendrait que l'Etat réexamine dans son ensemble le dispositif de régulation des soins de ville afin, d'une part, de fiabiliser l'ONDAM et de renforcer son caractère opposable et, d'autre part, de mieux lier à celui-ci le programme de négociations et d'encadrer les revalorisations tarifaires ainsi accordées aux professionnels de santé » (4).

Notes

(1) Voir ASH n° 2555 du 25-04-08, p. 6.

(2) Disponible sur www.ccomptes.fr.

(3) En l'exprimant par exemple en euros ou en pourcentage du plafond de la sécurité sociale en lieu et place du SMIC.

(4) Une suggestion semble-t-il entendue par la ministre de la Santé, qui a indiqué, dans une interview parue le 12 septembre dans l'hebdomadaire Le Généraliste , que la revalorisation tarifaire en faveur des médecins généralistes (de 22 à 23 € ) - les négociations devant reprendre le 25 septembre - « dépendrait du respect de leurs engagements en matière de maîtrise des dépenses ». Rappelons toutefois que la LFSS pour 2008 avait déjà instauré ce principe.

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