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La modification du décret sur les bourses pénaliserait de nombreux étudiants, selon certaines régions

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Certains conseils régionaux ne décolèrent pas. Le gouvernement a publié le 27 août un décret modifiant les conditions d'appréciation des plafonds de ressources pour l'octroi des bourses dans le secteur social et sanitaire (1). Alors que le texte précédent (décret du 4 mai 2005 pour le secteur social) faisait référence, pour la prise en compte des ressources de l'étudiant et de sa famille, à « l'indépendance fiscale », il ajoute la notion d'« indépendance financière ». Les candidats établissant des déclarations fiscales séparées doivent désormais justifier de cette indépendance financière.

Une décision « brutale »

Cette modification fait réagir le conseil régional de Lorraine. « Plus de la moitié des 2 800 boursiers lorrains dans le secteur social et sanitaire risquent de se voir privée de ce coup de pouce financier », s'irrite Hélène Benabent, la vice-présidente (PS), qui juge cette décision, « intervenue à quelques jours de la rentrée, scandaleuse ». Dans cinq autres régions (Midi-Pyrénées, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Haute-Normandie et Corse), des étudiants pourraient également en faire les frais. « Dans celles justement qui, en bonnes élèves, ont appliqué strictement le décret [de mai 2005] », observe Pierre Renaudin, directeur de la santé et des formations sanitaires et sociales au conseil régional de Lorraine. Car les 16 autres auraient continué à se référer à la notion d'indépendance financière, suivant en cela la pratique antérieure des DDASS, même si elles avaient pu l'assortir de mesures plus favorables. « On peut d'ailleurs s'interroger sur la cohérence de l'Etat dans tout cela. Après avoir changé les règles d'attribution des bourses lors du transfert des compétences, le voilà qui, brusquement, fait marche arrière », ironise Pierre Renaudin. « En plus, lors de la publication du décret du 4 mai 2005, l'Association des régions de France avait attiré l'attention de l'Etat sur le fait que ce texte plus favorable aurait un coût qu'il faudrait prendre en compte dans la compensation financière liée au transfert des compétences », s'agace Monique Iborra, vice-présidente (PS) de la région Midi-Pyrénées et présidente de la commission des formations sanitaires et sociales à l'Association des régions de France.

Mais quand certains parlent de volte-face, voire d'inconstance de l'Etat, d'autres défendent au contraire la continuité de sa politique. « Le décret du 4 mai 2005 n'a fait que reprendre celui du 12 novembre 2002 relatif aux bourses dans le secteur social, explique-t-on à la DGAS (direction générale de l'action sociale). S'il ne faisait pas référence à l'indépendance financière, cette notion avait été précisée dans la circulaire d'application adressée aux DDASS. » Par contre, dans le cadre de la décentralisation, l'Etat n'exerçant plus la compétence d'attribution des bourses, il n'a fait que fixer les règles minimales de taux et de barème, sans les accompagner d'éléments plus précis. « Ce qui nous a d'ailleurs été reproché, notamment par les régions », ajoute-t-on à la DGAS. Et d'expliquer que le nouveau décret, applicable immédiatement, ne fait que « clarifier la question de la situation et des revenus des étudiants demandeurs d'une bourse en définissant les conditions d'indépendance de logement et de revenus ».

Le gouvernement a, sur ce point, suivi les conclusions du rapport d'évaluation réalisé en janvier 2008 par trois inspections générales (2). Celui-ci soulevait les difficultés d'application du décret du 4 mai 2005 (et du 3 mai 2005 pour certaines formations sanitaires) et observait que, si le texte « était inchangé, le complément de compensation à verser à partir de 2009 aux régions serait très élevé ». Il recommandait donc de « consolider la position juridique de la majorité des régions, qui ne versent des bourses aux étudiants sur la base d'une déclaration fiscale indépendante que lorsqu'ils sont en situation d'indépendance financière ». Il ajoutait en outre que cette modification pourrait « favoriser la cohérence » avec les conditions d'attribution des bourses de l'enseignement supérieur, dans le cadre de la préparation des réformes LMD (licence, master, doctorat).

Des aides en Lorraine

Un raisonnement qui ne convainc guère le conseil régional de Lorraine, où l'on explique que, de toutes façons, les barèmes des bourses en travail social sont inférieurs à ceux de l'enseignement supérieur et que les étudiants, contrairement à ceux de l'université, sont en cours ou en stage 35 heures par semaine, ce qui ne leur permet pas de prendre un emploi à côté.

« Il est hors de question de faire des économies sur le dos des étudiants », s'exclame Hélène Benabent. C'est ainsi que le conseil régional de Lorraine a décidé de réagir en mettant en place, dès cette année, des mesures d'aides pour les étudiants pénalisés. Il crée un fonds social d'intervention doté de 500 000 € pour les plus démunis d'entre eux. Et s'engage, dans le cadre de cette enveloppe, à verser, sur deux ans et sous certaines conditions, l'équivalent de la bourse allouée l'année dernière à ceux qui en seraient privés et dont les parents ne pourraient subvenir à leurs besoins. Le conseil régional aligne également les bourses sur le barème de celles de l'enseignement supérieur, ce qui entraîne une augmentation de leurs montants et la création de deux échelons supplémentaires. Par ailleurs, il sera désormais possible, sous certaines conditions, de cumuler l'aide régionale et l'allocation de chômage. Le paiement de la première sera maintenu même en cas de cessation de la seconde de façon à ce que l'étudiant puisse aller au bout de sa formation. De son côté, le conseil régional de Midi-Pyrénées - suivi en cela par deux autres régions - est décidé à ne pas prendre en compte le nouveau décret et « à continuer comme avant » afin de ne pas pénaliser les 30 % d'étudiants des formations sanitaires et sociales concernés. « Et l'année prochaine, nous définirons une politique propre à notre région », promet Monique Iborra.

Plusieurs élus veulent encore aller plus loin. Ceux de Lorraine ont l'intention de poursuivre l'Etat devant le tribunal administratif afin d'obtenir la compensation intégrale des bourses versées de 2005 à 2008, « dans le cadre de la stricte application de la loi », précise Pierre Renaudin. Quant au conseil régional de Midi-Pyrénées, il compte attaquer la légalité du décret devant le tribunal administratif au motif que l'Etat vient réglementer une compétence dévolue aux régions.

Notes

(1) Voir ASH n° 2571 du 5-09-08, p. 23.

(2) Evaluation des transferts de charges liés à la décentralisation aux régions du financement des écoles paramédicales et de sages-femmes et des aides aux étudiants - Inspections générales des finances, de l'administration et des affaires sociales - Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

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