Le projet de loi pénitentiaire présenté par la garde des Sceaux le 28 juillet en conseil des ministres reprend certaines propositions du comité d'orientation restreint chargé de plancher sur le sujet (1). Son ambition : « doter la France d'une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire », « cadre juridique dont elle est aujourd'hui partiellement dépourvue ». En effet, explique l'exposé des motifs, à l'heure actuelle, « les normes régissant les droits et obligations des personnes placées sous main de justice, les établissements pénitentiaires et les services pénitentiaires d'insertion et de probation sont très majoritairement issues de dispositions réglementaires, de circulaires et de notes administratives. » Or « la privation de libertés entraîne des restrictions aux droits fondamentaux de l'individu qui doivent être impérativement fixées par le législateur ». Une loi est d'autant plus nécessaire, explique encore le gouvernement, que la superposition de très nombreuses normes de nature réglementaire a fait perdre en lisibilité le droit pénitentiaire, qui « n'offre pas de cadre suffisamment clair pour définir et harmoniser les pratiques professionnelles ».
Il s'agit également, avec ce texte, de proposer une loi « reflétant la prison d'aujourd'hui », explique encore l'exposé des motifs. « Le service public pénitentiaire s'est considérablement transformé ces dernières années. L'accroissement et le vieillissement de la population pénale, l'allongement des peines, la diversification des mesures d'aménagement de peines, la judiciarisation de l'application des peines sont autant de bouleversements auxquels il a dû s'adapter. »
Concrètement, le projet de loi actualise et clarifie les missions du service public pénitentiaire et les conditions de son exercice, en distinguant celles relevant de la compétence propre de l'administration pénitentiaire de celles nécessitant le concours d'autres partenaires publics. Il prévoit également d'élaborer un code de déontologie des agents de l'administration pénitentiaire et des collaborateurs de service public, de valoriser les fonctions des personnels, de renforcer leur autorité ou encore de leur apporter une meilleure protection juridique.
Le texte consacre par ailleurs le principe selon lequel la personne détenue conserve le bénéfice de ses droits fondamentaux. Objectif affiché : « garantir la protection des droits des personnes détenues et [...] encadrer par une norme législative les restrictions apportées à l'exercice de ceux-ci pour des raisons de sécurité, de bon ordre au sein des établissements pénitentiaires, de prévention des infractions et de protection de l'intérêt des victimes ».
Le projet de loi comporte aussi tout un ensemble de dispositions visant à développer les aménagements de peine dans l'objectif de prévenir la récidive. Il tend également à favoriser les alternatives à l'incarcération en prévoyant notamment qu'une personne mise en examen pourra, sous certaines conditions, être assignée à résidence avec surveillance électronique au lieu d'être placée en détention provisoire.
Enfin, la future loi pénitentiaire élève au niveau législatif les principes fondamentaux relatifs aux régimes de détention. Elle exige ainsi que les détenus soient affectés en fonction de leur personnalité et de leur dangerosité et que les cellules collectives soient spécialement adaptées à la vie à plusieurs. Et aménage également le principe de l'encellulement individuel.
Si les professionnels du secteur pénitentiaire reconnaissent que ce texte contient quelques avancées, ils n'en déplorent pas moins son manque de « réelle ambition », au regard notamment des règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l'Europe (2).
Le projet de loi entend clarifier les missions du service public pénitentiaire et les conditions de son exercice, en distinguant celles relevant de la compétence propre de l'administration pénitentiaire de celles nécessitant le concours d'autres partenaires. Il reprend, en les actualisant et en les complétant, les missions définies par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire.
L'article 1er du texte stipule que le service public pénitentiaire participe à la préparation et à l'exécution des décisions pénales et des mesures de détention. Il exerce aussi une mission d'insertion et de probation. Dans ce cadre, il contribue à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, ainsi qu'à la prévention de la récidive et à la sécurité publique.
Cet article modifie donc la liste des missions du service public pénitentiaire qui résulte de la loi du 22 juin 1987 en y incluant la prévention de la récidive. « En effet, il convient de consacrer le rôle du service public pénitentiaire en la matière, l'ensemble des mesures [qu'il exécute] sur mandat judiciaire étant de nature à contribuer à lutter contre la récidive », explique l'exposé des motifs du projet de loi. Au-delà, « en affirmant que le service public pénitentiaire comprend à la fois les missions de surveillance et de réinsertion des personnes placées sous main de justice, la loi permet de dépasser l'opposition largement artificielle entre milieu fermé et milieu ouvert », estime le gouvernement.
Le service public pénitentiaire est organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines dans le respect des intérêts de la société et des droits des personnes détenues, stipule le projet de loi.
Il est assuré par l'administration pénitentiaire, sous l'autorité du garde des Sceaux. Le texte réaffirme que les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements pénitentiaires sont obligatoirement assurées par l'administration pénitentiaire. Les autres fonctions, dont celle d'insertion et de probation, peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé bénéficiant d'une habilitation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Dans ce cadre, le service public pénitentiaire reçoit le concours des autres services de l'Etat et des collectivités territoriales, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé, de la formation professionnelle et des activités culturelles et sportives. Les associations et autres personnes publiques ou privées contribuent également à son exécution. Avec cette disposition, le gouvernement entend « prendre acte de la politique de décloisonnement et d'ouverture menée depuis plus de 20 ans par l'administration pénitentiaire et de conforter, vis-à-vis de ses partenaires, son rôle de mobilisation et de coordination des acteurs publics et privés pour l'exécution des peines et la réinsertion des condamnés ». En outre, poursuit l'exposé des motifs, « elle rejoint la règle pénitentiaire européenne n° 7 [1] aux termes de laquelle la coopération avec les services sociaux externes et, autant que possible, la participation de la société civile à la vie pénitentiaire doivent être encouragées, soulignant l'importance d'impliquer les services sociaux externes dans les prisons ».
Le projet de loi précise également que les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus de communiquer au garde des Sceaux les éléments utiles au suivi de l'exécution des décisions pénales
Le projet de loi pénitentiaire consacre le principe selon lequel la personne détenue conserve le bénéfice de ses droits, conformément aux voeux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale présidée par Louis Mermaz qui, dans son rapport de 2000, estimait qu'« on ne peut imaginer qu'il y ait 2 qualités de normes selon qu'il s'agit d'un citoyen libre ou d'un citoyen détenu » (3). « La garantie des droits est la même, le détenu n'étant privé que de sa liberté d'aller et venir », expliquait le député.
Toutefois, souligne aujourd'hui l'exposé des motifs, « dès lors que l'on considère que le détenu, prévenu ou condamné, ne perd pas sa qualité de citoyen, la loi doit adapter la contrainte étatique fondée sur les nécessités de l'ordre public ». C'est la raison pour laquelle, tout en dressant l'inventaire des droits reconnus aux personnes incarcérées, le projet de texte en définit les limites, élevant au passage au niveau législatif plusieurs dispositions du code de procédure pénale aujourd'hui réglementaires. Ces limites, précise l'article 10 du projet de loi, résultent « des contraintes inhérentes à leur détention, des impératifs de bon ordre de l'établissement pénitentiaire et de sécurité, de la prévention des infractions et de la protection de l'intérêt des victimes ». En outre, elles tiennent compte de l'âge, de la personnalité et de la dangerosité des intéressés.
Le projet de loi pose le principe selon lequel les détenus qui ne disposent pas d'un domicile personnel élisent domicile auprès de l'établissement pénitentiaire pour l'exercice de leurs droits civiques.
Il s'agit notamment, explique l'exposé des motifs, de mettre un terme aux difficultés rencontrées par les personnes détenues ayant perdu leur domicile pour s'inscrire sur les listes électorales. En effet, si certaines communes sur lesquelles se situent des établissements pénitentiaires acceptent d'inscrire des détenus sur leurs listes au titre de la domiciliation, d'autres exigent en revanche qu'ils soient résidents de la commune au moins 6 mois et refusent donc l'inscription de détenus incarcérés dans l'établissement pénitentiaire depuis moins de 6 mois. Avec le texte, la possibilité pour les détenus de s'inscrire au titre du domicile sur les listes électorales des communes de leur lieu de détention devrait donc être garantie par la loi.
Le projet défendu par Rachida Dati prévoit par ailleurs que les détenus sans domicile de secours (4)au moment de leur incarcération ou qui ne peuvent en justifier élisent domicile auprès de l'établissement pénitentiaire pour prétendre au bénéfice des prestations légales d'aide sociale.
« La question de la domiciliation est actuellement le principal obstacle à l'accès des détenus aux droits et politiques d'insertion de droit commun, conditionnés par l'existence d'un domicile », explique l'exposé des motifs. « Un très grand nombre de détenus sont sans domicile. » Or, « si le code de l'action sociale et des familles prévoit qu'ils peuvent se prévaloir de leur domicile antérieur à l'incarcération pour faire valoir leurs droits à certaines prestations, en pratique, les détenus se heurtent souvent au refus des collectivités territoriales au motif qu'ils ont quitté, parfois depuis plusieurs années, leur domicile ». De surcroît, précise encore le gouvernement, « les conditions actuellement exigées pour obtenir une domiciliation auprès d'une association ne permettent qu'à une infime minorité de détenus d'en bénéficier ». « La mesure proposée devrait ainsi faciliter aux détenus tant l'obtention de prestations sociales au cours de l'incarcération que les démarches qu'ils peuvent entreprendre en vue de leur réinsertion. »
L'article 13 du projet de loi instaure en faveur des détenus les plus démunis une « aide en nature » destinée à « améliorer leurs conditions matérielles d'existence ». Le niveau de ressources en dessous duquel les intéressés pourront en bénéficier devrait être fixé par voie réglementaire.
A l'heure actuelle, on considère comme « indigents » les détenus ayant des rentrées financières inférieures à 45 € par mois, explique l'exposé des motifs. Environ 35 % de la population carcérale seraient concernés par cette situation. Pour ces personnes, un dispositif d'aide existe déjà. Institué simplement par circulaire, il prévoit la mise en place d'une commission au sein de chaque établissement pénitentiaire chargée d'étudier la situation des détenus concernés et de proposer des solutions, telles que l'accès prioritaire aux activités rémunérées, le signalement aux associations d'aide aux détenus ou la mise à disposition gratuite d'une télévision.
Avec la mesure proposée, l'idée est donc d'ériger en véritable droit ce qui n'est actuellement qu'une pratique, en étendant au passage les prestations fournies aux détenus se trouvant dans le besoin, indique le gouvernement.
Le projet de loi fixe les conditions dans lesquelles les détenus peuvent participer à une activité professionnelle organisée par les établissements pénitentiaires. Il prévoit plus précisément que leur participation donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire, acte par lequel le détenu est mis à disposition de celle-ci ou de l'entreprise concessionnaire pour exercer l'activité en question. Cet acte énonce les conditions de travail et de rémunération du détenu et précise les droits et obligations professionnelles qu'il doit respecter sous peine de suspension ou d'interruption de l'activité de travail.
Dans l'exposé des motifs, le gouvernement explique pourquoi il n'a pas opté pour la mise en place d'un contrat de travail. Selon lui, « les obligations nées de l'état de détention, régies par le code de procédure pénale, priment sur toutes les autres et en l'espèce sur les relations de travail en milieu pénitentiaire ». A titre d'exemple, les transferts ou les décisions judiciaires sont susceptibles de mettre un terme à la relation de travail. L'organisation du travail en détention est donc incompatible avec la mise en oeuvre de contrats de travail de droit commun.
Autre explication : « l'application des règles de droit commun en matière de contrat de travail et la reconnaissance d'un statut individuel et collectif de droit privé des détenus créeraient des droits au profit des détenus, tels que congés payés, rémunération au moins égale au SMIC, droits à indemnisation en cas de rupture du contrat ou encore droits collectifs. Il en résulterait des charges financières fortement dissuasives pour les entreprises qui perdraient tout intérêt à contracter avec l'administration pénitentiaire. Elle constituerait en conséquence un obstacle majeur à l'objectif de développement du travail en détention. »
Le principe d'un contrat de travail de droit privé appliqué aux personnes détenues a, au demeurant, soulevé une forte opposition du monde de l'entreprise, indique encore l'exposé des motifs, citant le rapport du Conseil économique et social de 2006 relatif aux conditions de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France (5).
Le projet de loi prévoit également que les détenus peuvent, dans des conditions adaptées à leur situation, bénéficier des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique (IAE) prévues aux articles L. 5132-1 et suivants du code du travail. Plus précisément, le contrat de travail n'étant pas applicable aux relations de travail des détenus, le texte propose que les intéressés puissent être embauchés sur des postes d'insertion par le biais de l'« acte d'engagement » nouvellement défini.
Parmi les 4 types de structures d'IAE - les entreprises d'insertion, les entreprises de travail temporaire d'insertion, les associations intermédiaires et les ateliers et chantiers d'insertion - « le gouvernement souhaite dans un premier temps prioritairement favoriser l'intervention, dans les établissements pénitentiaires, des entreprises d'insertion et des ateliers et chantiers d'insertion », précise l'exposé des motifs.
Pour le gouvernement, l'implantation dans les établissements pénitentiaires d'ateliers et de chantiers d'insertion ainsi que d'entreprises d'insertion « serait de nature à permettre aux détenus d'acquérir une expérience et des compétences par l'exercice d'une activité professionnelle, de lever les freins sociaux à leur insertion professionnelle par un accompagnement de professionnels de l'insertion, d'élaborer un projet professionnel réaliste vers l'extérieur et de le mener à bien. » En outre, « l'exercice d'une activité professionnelle dans ces structures constituera un facteur de stabilisation et l'amorce d'une insertion véritable, et contribuera de façon significative à la lutte contre la récidive », affirme encore l'exposé des motifs.
Le droit au respect de la vie privée et familiale de la personne détenue est protégé, comme pour toute autre personne, par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Le projet de loi pénitentiaire propose toutefois d'élever ce droit, ainsi que les conditions de son exercice dans les établissements pénitentiaires, au niveau législatif. « L'élévation au niveau de la loi des principes relatifs aux relations des détenus avec l'extérieur permet de clarifier leur contenu tout en améliorant la sécurité juridique par une réduction du contentieux né de divergences d'interprétation des textes actuels », explique l'exposé des motifs.
Le projet de texte vient encadrer les relations des détenus avec l'extérieur en fixant les limites de 4 droits qui leur sont reconnus : le droit au maintien des relations avec les membres de la famille, le droit d'accéder au téléphone, le droit à une correspondance écrite et le droit à l'image.
A noter : la future loi pose également le principe de la libre communication des condamnés avec leurs avocats, et ce dans les mêmes conditions que les prévenus, pour l'exercice de leur défense.
Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l'autorise, par les permissions de sortir des établissements pénitentiaires, indique le projet de loi.
Autre principe posé par le texte : l'administration ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné que pour des motifs liés à la sécurité ou à l'ordre de l'établissement et à la prévention des infractions. De la même manière, ces seuls motifs peuvent justifier la suspension ou le retrait du permis de visite des membres de la famille. Pour toute autre personne, les visites sont également autorisées sous les mêmes réserves, et à condition qu'elles ne fassent pas obstacle à la réinsertion du détenu.
Le projet de loi généralise l'accès au téléphone des détenus, quelle que soit leur situation pénale (prévenu ou condamné). Concernant les prévenus, il prévoit que le magistrat saisi du dossier de l'information fixera les conditions d'accès au téléphone ainsi que les modalités de contrôle des communications.
Le principe posé est plus précisément celui du droit de téléphoner à sa famille ou à ses proches. Les détenus peuvent également téléphoner à d'autres personnes en vue de préparer leur réinsertion. Ce droit peut être refusé, suspendu ou retiré pour des motifs tenant au maintien de l'ordre ou à la sécurité de l'établissement, à la prévention des infractions pénales ou, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information.
Cette généralisation de l'accès au téléphone est la suite logique d'un mouvement amorcé par un décret du 3 mai 2007 pris en application de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance (6), explique l'exposé des motifs. Décret qui prévoit l'accès au téléphone de tous les condamnés quel que soit leur lieu d'incarcération, là où, préalablement, seuls les condamnés incarcérés en établissement pour peines avaient accès au téléphone. Le gouvernement envisage une mise en place progressive de cette disposition « en raison du grand nombre d'emplois nécessaires pour contrôler l'accès au téléphone des prévenus et appliquer les prescriptions émises par les magistrats instructeurs ».
Les règles relatives à la correspondance écrite des détenus ne figurent actuellement que dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Le texte défendu par la garde des Sceaux vient inscrire dans la loi le principe selon lequel les détenus peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix et, pour les prévenus, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas.
Concernant les limites posées à l'exercice de ce droit, le texte précise que le courrier adressé ou reçu par les détenus peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou bien encore, c'est une nouveauté par rapport aux règles existantes, à la prévention des infractions.
Autre règle élevée au niveau législatif : le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.
Le projet de loi pénitentiaire pose les conditions dans lesquelles l'image d'un détenu peut être utilisée et celles dans lesquelles l'administration pénitentiaire peut s'opposer à une telle utilisation.
Il prévoit ainsi, d'une part, que les détenus doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification.
Il dispose, d'autre part, que l'administration pénitentiaire peut s'opposer à la diffusion ou à l'utilisation de l'image ou de la voix d'un détenu pour les mêmes motifs, mais aussi dès lors que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion des détenus. Pour les prévenus, la diffusion ou l'utilisation de l'image ou de la voix sont autorisées par l'autorité judiciaire, précise encore le texte.
Le projet de loi pose encore le principe de l'accès des détenus à l'information écrite et audiovisuelle. Néanmoins, pourra être interdite toute publication contenant des menaces contre la sécurité des personnes ou des établissements, ou des propos injurieux ou outrageants à l'encontre des agents ou des collaborateurs du service public pénitentiaire.
« Ainsi rédigée, cette disposition comble un vide législatif et dote l'administration pénitentiaire d'un outil qui lui faisait défaut, l'actuel article D. 444 du code de procédure pénale étant inadapté », explique l'exposé des motifs. « La mesure permettra d'interdire certaines publications contenant des propos injurieux ou diffamants ou désignant nominativement des personnels de l'administration pénitentiaire, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. » « De la même manière, pourra désormais être interdite une publication exposant de manière outrageante l'affaire judiciaire d'un détenu, toujours susceptible d'entraîner des réactions négatives de certains codétenus », indique encore le gouvernement.
Le projet de loi pénitentiaire consacre le droit, pour les détenus, de voir leur santé prise en charge par le service public hospitalier, dans les conditions fixées par le code de la santé publique. « Le gouvernement entend toutefois également prévoir des aménagements destinés à concilier les dispositions de droit commun relevant du code de la santé publique applicables aux détenus et les impératifs de sécurité que commande la situation carcérale », explique l'exposé des motifs.
L'article 20 du texte prévoit ainsi une restriction à l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui dispose notamment que, en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s'oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou une « personne de confiance » (7) reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. A l'avenir, dans cette hypothèse, le médecin ne devrait pas pouvoir délivrer à la famille du détenu, à ses proches ou à sa personne de confiance des informations susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes et au bon ordre des établissements pénitentiaires et de santé.
Autre aménagement proposé : l'accompagnement d'un détenu par une tierce personne prévu par le code de la santé publique ne devrait être possible qu'à la condition que cette dernière bénéficie d'un permis de visite spécifique prévoyant la possibilité de s'entretenir avec le détenu dans des conditions préservant la confidentialité, c'est-à-dire en dehors de la présence du personnel pénitentiaire. Devraient plus précisément être concernées les personnes bénévoles intervenant auprès des personnes malades en fin de vie, les personnes majeures accompagnant les personnes malades mineures, les personnes de confiance accompagnant et assistant les personnes malades, les personnes présentes lors de la consultation des informations du dossier médical des personnes malades et celles accompagnant les détenues mineures à l'occasion d'une interruption volontaire de grossesse.
La dernière restriction introduite concerne l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique, qui prévoit que, lorsqu'un détenu malade est durablement empêché d'accomplir lui-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, il peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant de son choix pour les réaliser. Dans cette situation, la désignation de l'aidant sera subordonnée à une autorisation de l'administration pénitentiaire, indique le projet de loi.
Le gouvernement propose également d'élever au niveau législatif les dispositions relatives au devenir des biens abandonnés par les détenus à leur libération et non réclamés, qu'ils s'agissent de valeurs pécuniaires ou d'effets matériels.
Le projet de loi pénitentiaire indique ainsi que les valeurs pécuniaires et les biens des personnes libérées sont conservés par l'établissement pénitentiaire pendant une durée de un an. Cela « afin de permettre à leur propriétaire de les réclamer », explique l'exposé des motifs.
Au terme de ce délai, les sommes d'argent seront versées à la Caisse des dépôts et les biens remis à l'autorité compétente de l'Etat pour être mis en vente (étant précisé que ceux qui n'ont pu l'être sont détruits). La personne libérée, ses représentants ou ses créanciers disposeront alors d'un nouveau délai de 5 ans pour réclamer le montant des valeurs pécuniaires remises à la Caisse des dépôts ainsi que le produit de la vente des biens qu'il a abandonnés. Au-delà, ces sommes seront acquises de plein droit au profit de l'Etat.
« Compte tenu de leur nature attentatoire aux libertés individuelles, à l'intimité de la personne et à sa dignité, les critères au vu desquels les fouilles peuvent être pratiquées doivent être déterminées par la loi », indique l'exposé des motifs.
L'article 24 du projet de loi énonce donc la nécessité d'adapter la nature de la fouille et sa fréquence aux circonstances de la vie en détention, à la personnalité des détenus ainsi qu'aux risques que leur comportement fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans les établissements. Il s'agit « d'écarter tout risque d'arbitraire et le recours systématique aux fouilles approfondies quelle que soit la situation », précise le gouvernement.
Autre principe posé par le texte : la fouille des détenus doit être effectuée dans le respect de la dignité de la personne humaine.
Enfin, le projet de loi rend obligatoire le recours à un médecin pour toute investigation corporelle interne.
Le projet de loi pénitentiaire rappelle que les détenus mineurs bénéficient des droits fondamentaux reconnus à l'enfant par les dispositions internationales et internes.
Autre principe posé : sauf dispositions spécifiques, les mineurs se voient garantir l'exercice de leurs droits fondamentaux dans les mêmes conditions que les majeurs.
Le texte impose par ailleurs aux mineurs de suivre une activité à caractère éducatif lorsqu'ils ne sont plus soumis à l'obligation scolaire. « L'accès des mineurs à une activité éducative pendant le temps d'incarcération constitue un enjeu particulièrement important en termes d'éducation, de réinsertion et de lutte contre la récidive », explique l'exposé des motifs. « Il est également de nature à prévenir les tensions découlant de la situation d'oisiveté et donc à apaiser le climat dans les établissements pénitentiaires accueillant des mineurs, lesquels connaissent plus d'actes de violences que ceux accueillant des majeurs. »
À SUIVRE...
Dans ce numéro :
I - Les missions et l'organisation du service public pénitentiaire
A - Des missions actualisées
B - Une organisation clarifiée
II - La consécration des droits des détenus
A - Les droits civiques et sociaux
B - Les relations des détenus avec l'extérieur
C - L'accès à l'information
D - La santé des détenus
E - Les biens et valeurs pécuniaires des détenus
F - La surveillance des détenus
G - Les droits des détenus mineurs
Dans un prochain numéro :
III - Le développement des aménagements de peine et des alternatives à la détention
IV - Les aménagements apportés aux régimes de détention
Un des objectifs du projet de loi est aussi d'améliorer la reconnaissance des personnels pénitentiaires « au contact d'une population de plus en plus dépourvue de repères » et qui, du fait de l'ouverture de l'institution pénitentiaire sur l'extérieur, traversent « une crise d'identité [...], confrontés à des exigences, parfois perçues comme contradictoires, de sécurité et de réinsertion sociale des personnes placées sous main de justice » (exposé des motifs). Plusieurs articles du texte visent donc à enrichir et valoriser leurs fonctions, et à renforcer leur autorité tout en élargissant leur protection. Ainsi, au-delà de la création d'une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la Justice, sont prévues l'élaboration d'un code de déontologie des personnels et l'extension de la protection fonctionnelle.
La création d'un code de déontologie
Parce que « l'administration pénitentiaire se doit d'être irréprochable dans l'exercice d'une mission qui peut entraîner l'usage de prérogatives de puissance publique en direction d'une population qui présente une certaine vulnérabilité et se trouve en milieu fermé », le gouvernement souhaite doter d'un code de déontologie les personnels pénitentiaires - surveillance, direction, technique, administratif, d'insertion et de probation - ainsi que l'ensemble des collaborateurs du service public pénitentiaire. Il devrait être institué par décret et prévoir notamment les conditions dans lesquelles les agents prêtent serment. Ainsi, explique l'exposé des motifs du projet de loi, « les personnes intervenant au sein d'un établissement pénitentiaire seront désormais toutes soumises aux mêmes règles déontologiques : loyauté, respect des droits fondamentaux de la personne placée sous main de justice, non-discrimination, recours strictement nécessaire et proportionné à la force ».
L'extension de la protection fonctionnelle aux concubins et partenaires des agents
Le projet de loi étend la protection fonctionnelle dont bénéficient les fonctionnaires et agents publics non titulaires de l'administration pénitentiaire à leurs concubins et aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité (PACS), lorsque, du fait des fonctions exercées par ces personnels, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages. Pour mémoire, la protection fonctionnelle consiste en une aide apportée par l'administration dont dépend l'agent, notamment par la prise en charge des honoraires d'avocat, l'apport d'une assistance juridique tout au long de la procédure, l'indemnisation du préjudice subi ou la mise en place de mesures pour favoriser une prise en charge médico-sociale.
L'objectif de cette disposition est de prendre en compte la proximité géographique entre le domicile des agents et l'établissement pénitentiaire, qui expose leurs proches à des menaces ou violences. Mais aussi les évolutions de la structure sociodémographique du personnel de l'administration pénitentiaire, qui connaît une augmentation notable du nombre d'agents liés par un PACS ou en situation de concubinage.
(3) Adoptées en 1973, puis révisées en 1987 et en 2006, les 108 règles pénitentiaires européennes portent à la fois sur les droits fondamentaux des personnes détenues, le régime de détention, la santé, l'ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de l'administration pénitentiaire, l'inspection et le contrôle des prisons. Elles visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des Etats membres du Conseil de l'Europe et à faire adopter des pratiques et des normes communes.
(5) Le domicile de secours est un mode de rattachement administratif et financier des usagers à une collectivité. Il s'acquiert par une résidence habituelle de trois mois dans un département.
(8) En vertu de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique, toute personne majeure malade peut désigner une « personne de confiance » qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir l'information nécessaire à cette fin.