Aquelques jours du début de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active (RSA) (1), et alors que la polémique autour du mode de financement du dispositif a quelque peu éclipsé ces derniers jours les interrogations récurrentes sur son efficacité pour insérer professionnellement les publics qu'il vise et lutter contre la pauvreté, un rapport d'étape du comité d'évaluation des expérimentations du RSA recentre les débats sur ses premiers résultats dans les départements où il est testé - 33 à la fin juin (2).
Un document qui ne manquera sans doute pas de nourrir les discussions au Parlement et qui, en tout état de cause, tombe à point nommé pour le gouvernement, puisqu'il met notamment en exergue le caractère incitatif au retour à l'emploi du RSA... Même si « les résultats obtenus sont encore imprécis et provisoires », prévient François Bourguignon dans une interview au Figaro du 9 septembre. Et le président du comité d'évaluation des expérimentations d'expliquer : « on a besoin de plus d'observations pour parvenir à une conclusion définitive. C'est pourquoi il est impossible, à ce stade, d'en extrapoler un résultat national. » Il faudra par conséquent patienter jusqu'à la fin de l'année et la remise du rapport final du comité d'évaluation des expérimentations pour savoir si les enseignements tirés des premières données disponibles sur le RSA se vérifient.
Pour élaborer ce bilan d'étape, le comité d'évaluation a comparé la situation des allocataires de minima sociaux sur les territoires d'expérimentation du RSA avec des territoires témoins les plus ressemblants possible, puis en a déduit les effets du dispositif par simple différence, tout en tenant compte du contexte. Il fournit des éléments d'évaluation portant surtout sur le « RSA-RMI », c'est-à-dire le dispositif appliqué aux allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) (3). Première tendance : le taux de retour à l'emploi des allocataires du RMI dans les zones expérimentales est plus élevé que dans les zones témoins. Quel que soit le mois considéré, il est chaque fois supérieur. « Cumulé sur l'ensemble des mois connus [décembre 2007, janvier, février, mars et avril 2008], l'écart observé atteint 30 %. » Ces données méritent toutefois d'être affinées. En effet, seules les reprises d'emploi bénéficiant d'un dispositif d'aide sont prises en compte et les données disponibles ne sont pas totalement homogènes entre zones expérimentales et zones témoins, ce qui peut amener à sous-évaluer le taux de retour à l'emploi dans les zones témoins. Des travaux complémentaires doivent donc être menés pour « évaluer l'ampleur de ce biais ». Ils devront aussi chercher à distinguer, dans l'effet attribué au RSA, ce qui peut être imputé à l'allocation financière et ce qui peut l'être à l'accompagnement reçu par le bénéficiaire.
Cet écart « statistiquement significatif » se double d'une autre bonne nouvelle : dans les zones expérimentales, les allocataires inscrits au RMI depuis plus de quatre ans représentent le quart des entrants en emploi. Sur les quatre mois connus de 2008, ils sont toujours plus nombreux parmi les entrants en emploi dans les zones expérimentales que dans les zones témoins. « Ce résultat laisse à penser que le RSA permet de remettre en emploi un public plus éloigné de l'emploi que le dispositif de droit commun », souligne le rapport.
Par ailleurs, « parmi les 3 700 premiers bénéficiaires du RSA entrés dans le dispositif d'accompagnement (données de gestion des conseils généraux), 28 % occupent des emploi «durables» - contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de six mois. Un peu moins du tiers bénéficie d'un contrat aidé. Le quart est en contrat à durée déterminée de moins de six mois ou en intérim. Près de 10 % ont une activité indépendante. [Et] moins de 5 % suivent une formation rémunérée ». Près de 60 % des contrats correspondants sont conclus dans le secteur marchand.
Autre statistique intéressante : 42 % des allocataires du RMI en zone expérimentale estiment que, maintenant que le RSA est en place dans leur département, ils pourraient accepter un emploi qu'ils auraient autrefois refusé (salaire ou conditions de travail qui ne convenaient pas, etc.).
En revanche, les donnés collectées sur l'expérimentation apportent peu d'éléments sur un autre objectif du RSA, lutter contre la pauvreté au travail. D'après les enquêtes auprès des bénéficiaires, la nouvelle prestation représente « un complément de revenu toujours bienvenu pour les ménages concernés ». Selon les barèmes choisis par les départements, les montants moyens de RSA versés sont compris « entre 100 et 200 € », indique le rapport. Par ailleurs, en parallèle de l'expérimentation, les travaux de micro-simulation de la Direction générale du Trésor et de la politique économique, de la Direction de la recherche des études, de l'évaluation et des statistiques (ministère de la Santé) et de la caisse nationale des allocations familiales concluent à un impact positif du RSA sur la baisse du taux de pauvreté.
(2) Sur les 34 qui l'expérimentent actuellement, le Rhône n'ayant pas encore commencé à cette date.
(3) Fin juin, 13 250 ménages étaient inscrits dans le dispositif RSA au titre du RMI, contre seulement 1 425 au titre de l'allocation de parent isolé.