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Dix ans après la loi de 1998, « le RSA peut révolutionner les aides sociales »

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La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 a manqué de retombées concrètes. Une faiblesse que vise à combler aujourd'hui la définition de droits subjectifs et d'objectifs de résultats, estime Julien Damon, professeur associé à Sciences-Po Paris, ancien responsable du département « Questions sociales » au Centre d'analyse stratégique (1), à l'occasion des dix ans de cette grande loi.
On la dit incantatoire, inappliquée, mais aussi fondamentale... Quel est l'héritage de la loi de 1998 ?

On peut ironiser sur son côté déclamatoire, mais cette loi volumineuse, de plus de 150 articles, est aussi très technique. Plus qu'elle n'a apporté des solutions aux personnes concernées, elle a permis de mieux aménager le secteur de la lutte contre les exclusions en donnant une assise légale à des dispositifs médico-sociaux importants. Son article majeur reste l'article 1, qui fait de la lutte contre l'exclusion une priorité des politiques publiques, ce qui est encore loin d'être une réalité ! Elle consacre également une série de droits fondamentaux qui restent inappliqués aujourd'hui, car elle ne leur a pas donné de visée concrète ni n'a prévu de dispositif particulier, comme l'a fait la loi sur la couverture maladie universelle en 1999. Il n'est d'ailleurs pas anodin que la loi de 1998, amenée au Parlement par la droite et votée par la gauche, n'ait pas suscité de controverse politique ! Cette loi n'est ni la première sur la lutte contre les exclusions, ni la dernière : en 1992 était déjà votée une loi relative au revenu minimum d'insertion et à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle ; le 28 juillet dernier a été présenté en conseil des ministres un projet de loi sur la « mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ». Plus qu'un pilier, la loi de 1998 est une étape essentielle dans la mobilisation contre l'exclusion.

L'approche est désormais celle des droits individuels...

Depuis les années 80, la lutte contre l'exclusion a été aménagée dans un secteur distinct de notre système de protection sociale, créé dans l'après-guerre pour le salariat masculin. L'objectif a été d'assurer la dignité et la citoyenneté des exclus. Avec la notion de droit opposable - au logement, à la garde d'enfants -, on se fixe des objectifs de résultats, et non plus seulement de moyens. Le risque est bien sûr de ne pas les atteindre si les moyens ne sont pas à la hauteur, mais c'est bien plus concret qu'il y a dix ans... L'Etat devra rendre des comptes, de même qu'il est attendu sur son ambition de réduire le taux de pauvreté d'un tiers en cinq ans. La loi sur le droit au logement opposable est en outre réaliste, car elle prévoit un calendrier progressif. Le droit au logement devient un droit subjectif rattaché aux personnes qui peuvent le faire valoir. Il devient presque un droit de sécurité sociale !

Faut-il se focaliser, avec le revenu de solidarité active (RSA), sur le retour au travail ?

S'il sera moins ambitieux que le dispositif prévu par la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » en 2005, le RSA représente potentiellement une révolution de notre système d'aide sociale par une refonte de notre politique familiale et des minima sociaux. Même si son objectif de simplification n'est pas totalement atteint, personne, il y a dix ans, n'aurait accepté de fusionner le RMI et l'allocation de parent isolé (API) ! Contrairement au workfare à l'américaine, le RSA n'oblige pas au travail, mais vise à garantir un revenu qui permette aux personnes de s'en sortir, quelles que soient leurs conditions d'activité. En matière de prévention des exclusions, la vraie question est celle de l'emploi et de la croissance. Comme aime à le rappeler Jean-Baptiste de Foucauld, président de Solidarités nouvelles face au chômage : l'emploi ne règle pas tout, mais le chômage dérègle tout !

En attendant, la pauvreté augmente...

Les ruptures de suivi statistique (voir ce numéro, page 15) nous rendent incapables de dire si la pauvreté baisse ou augmente ! C'est pourquoi il nous faudrait disposer, au-delà de l'indicateur de pauvreté monétaire relative, d'un paramètre de pauvreté absolue. Le rapport entre les revenus des 10 % des Français les plus riches et ceux des 10 % les plus pauvres est en outre passé de cinq à trois depuis 1970. Les inégalités se sont donc atténuées. La grande victoire a été de combattre la pauvreté des personnes âgées, mais nous assistons aujourd'hui à une augmentation parmi les jeunes et les populations urbaines. D'où le sentiment d'une pauvreté grandissante. Face à l'exclusion, il faudrait cesser de créer de nouvelles lois et en faire une seule qui simplifie les aides sociales et ne retienne que trois minima sociaux, pour les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes d'âge actif.

Notes

(1) Et auteur de L'exclusion - Ed. PUF - Coll. Que sais-je ? - 2008 - 8 € - julien.damon@orange.fr.

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