Avec la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, « les acteurs du dialogue social [voient] leur légitimité renforcée, et la négociation collective [dispose] de plus d'espace pour s'exprimer, notamment au niveau de l'entreprise, là où les attentes d'une régulation négociée des rapports sociaux sont les plus fortes », selon le ministre du Travail, qui s'exprimait le 17 juillet au Sénat sur le texte, définitivement adopté par le Parlement six jours plus tard. Une position que ne partagent absolument pas - et ils sont loin d'être les seuls - les députés et sénateurs socialistes, communistes et Verts qui ont saisi le Conseil constitutionnel. En vain, ou presque, les sages de la rue Montpensier ayant validé l'essentiel de la loi dans une décision du 7 août.
La première partie du texte est consacrée à la rénovation des règles de la démocratie sociale et reprend fidèlement - lui donnant ainsi force obligatoire - la « position commune » des partenaires sociaux du 9 avril 2008 sur la représentativité, le développement du dialogue social et le financement du syndicalisme.
Elle comporte un certain nombre de dispositions qui contribuent à refonder les règles de représentativité des syndicats. « La représentativité des organisations syndicales ne sera plus acquise d'en haut pour redescendre jusqu'au terrain : elle sera désormais acquise dans l'entreprise, là où les relations sociales s'expriment le plus directement, le plus près possible du terrain, pour remonter ensuite jusqu'au niveau national », a expliqué Xavier Bertrand. « Ce sont les salariés qui choisiront demain qui pourra négocier en leur nom à tous les niveaux. Ce sont les salariés qui permettront de décider si un accord collectif peut ou non s'appliquer dans leur entreprise. »
Pour être représentatives les organisations syndicales devront désormais : respecter les principes républicains ; avoir une ancienneté de plus de 2 ans ; être indépendantes, rassembler des adhérents et recevoir des cotisations ; garantir la transparence financière ; et exercer une influence. Elles devront également bénéficier d'une audience électorale appréciée selon des seuils à partir des résultats aux élections professionnelles : pour être représentatif, un syndicat devra avoir obtenu 10 % des suffrages aux élections professionnelles dans l'entreprise et 8 % au niveau des branches et au niveau interprofessionnel.
Seuls les syndicats représentatifs pourront désigner un délégué syndical, et celui-ci devra lui-même avoir personnellement obtenu 10 % des suffrages exprimés. A l'avenir, donc, le délégué tirera sa légitimité non seulement de son appartenance à un syndicat représentatif, mais aussi de son résultat personnel aux élections professionnelles.
Le premier tour des élections sera ouvert à tous les syndicats légalement constitués depuis au moins 2 ans, indépendants et républicains.
Avant de devenir représentatif si les salariés le souhaitent, chaque syndicat existant depuis au moins 2 ans pourra nommer un représentant syndical dans l'établissement, qui aura les mêmes attributions que le délégué syndical, sauf le pouvoir de signer des accords collectifs, pouvoir qui ne sera acquis qu'avec la représentativité.
Cette réforme entrera en vigueur immédiatement dans les entreprises, dès les prochaines élections professionnelles, « c'est-à-dire potentiellement dès 2008 », a précisé le ministre du Travail. Pour les branches et le niveau interprofessionnel, elle entrera en application dans 5 ans au plus tard.
Réformer la démocratie sociale implique aussi de rendre les accords plus légitimes et plus accessibles. Dorénavant, tous les accords devront répondre à une double légitimité. D'une part, l'adhésion de syndicats représentatifs ayant recueilli, seuls ou ensemble, au moins 30 % des suffrages. D'autre part, l'absence d'opposition de la part de syndicats représentatifs ayant recueilli au moins 50 % des voix.
Les possibilités de négocier seront également élargies, y compris pour les 10 millions de salariés travaillant dans des entreprises dépourvues de délégués syndicaux. Mais, avant d'ouvrir plus largement cette possibilité de négocier, la loi accorde un délai de un an « pendant lequel de nouveaux accords de branches pourront venir s'ajouter aux 16 accords de branche existants, pour encadrer la négociation avec des élus du personnel ou des salariés mandatés par un syndicat », a indiqué Xavier Bertrand.
La seconde partie du texte - beaucoup moins consensuelle - vise à donner plus d'espace à la négociation d'entreprise ou de branche « pour parler temps de travail dans les entreprises ». Et va bien au-delà de la position commune sur cette question, ce que reconnaît volontiers le ministre du Travail. « Nous assumons nos divergences avec certains signataires de la position commune à ce sujet et nous le faisons car nous pensons que la question des rigidités induites par les 35 heures est trop importante pour retarder encore la solution de ce problème. » Pour autant, pour Xavier Bertrand, gouvernement et partenaires sociaux s'inscrivent... « dans une logique similaire : donner plus d'espace à la négociation d'entreprise, sur le contingent comme, plus généralement, sur l'aménagement du temps de travail, tout en maintenant dans la loi les principes fondamentaux du droit de la durée du travail ».
Rien ne change en matière de repos et de durée maximale du travail. Ne sont ainsi pas modifiées : la durée maximale hebdomadaire de travail, la durée maximale hebdomadaire moyenne de travail sur 12 semaines, la durée maximale quotidienne de travail, la durée minimale de repos quotidien et la durée minimale de repos hebdomadaire à laquelle s'ajoute le repos quotidien. Rien ne change non plus en matière de durée légale du travail, qui reste à 35 heures. Elle constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de leur taux de majoration (voir encadré page 44).
En revanche, il sera désormais possible, par accord d'entreprise, de fixer les règles en matière de contingent d'heures supplémentaires et de repos compensateur. Il sera aussi possible de dépasser le contingent en consultant les institutions représentatives du personnel, dans la limite des durées maximales de travail et minimales de repos. Et il sera donc plus facile de faire des heures supplémentaires, une entreprise pouvant dorénavant dépasser le contingent sans demande d'autorisation administrative.
Sur les forfaits annuels, la loi pose « des balises », selon l'expression du ministre. Ces forfaits devront toujours être mis en place par accords collectifs et leur utilisation sera réservée à certains types de salariés cadres et autonomes dans la gestion de leur emploi du temps, pour les forfaits annuels en jours et en heures.
Les salariés en forfaits jours pourront, s'ils le souhaitent, faire des jours supplémentaires au-delà de 218 jours, qui seront alors majorés d'au moins 10 %. Au cours des débats, des garanties ont été apportées sur cette possibilité, très controversée. Notamment, les députés ont rappelé que les conventions de forfaits sont contractuelles et nécessitent donc l'accord écrit du salarié. Surtout, ils ont fixé un plafond en jours - 235 - qui s'appliquera à défaut de stipulations contraires d'un accord. « Ce plafond de 235 jours permettra de garantir le repos de deux jours par semaine en moyenne, alors qu'aujourd'hui un cadre pouvait travailler jusqu'à 282 jours par an », a souligné à plusieurs reprises Xavier Bertand. Ce qui n'a pas convaincu ceux qui - et ils sont nombreux - jugent cette mesure potentiellement dangereuse.
La loi tend à simplifier par ailleurs la réglementation sur le temps de travail, en créant un nouveau mode unique d'aménagement négocié du temps de travail qui remplace les quatre modes précédents et qui, d'après le ministre, offre « des règles beaucoup plus souples ».
Au-delà, des dispositions rénovent les règles de fonctionnement du compte épargne-temps (CET) en privilégiant la négociation d'entreprise, en facilitant les liens avec l'épargne retraite et en organisant la portabilité des avoirs stockés sur le CET.
« Complexe, voire labyrinthique, le droit du temps de travail engendre des situations de blocage » (Rap. A.N. n° 992, juin 2008, Jean-Frédéric Poisson, page 48). Une complexité qui s'explique largement par le fait que ce droit s'est construit par strates, les lois successives ajoutant le plus souvent des dispositions nouvelles sans rien retrancher à l'existant.
Partant de ce constat largement partagé, la loi du 20 août 2008 tend à simplifier le cadre juridique du temps de travail et, surtout, à donner une plus grande place à la négociation collective, en particulier au niveau de l'entreprise.
Le texte modifie le régime du contingent d'heures supplémentaires, et tout particulièrement les règles qui régissaient jusqu'à présent la manière dont sont réalisées des heures de travail au-delà de ce contingent.
L'existence du principe d'une enveloppe globale annuelle par salarié n'est pas remise en cause, non plus que sa détermination par accord collectif ou par décret ; cependant, l'accord de branche n'intervient désormais qu'à défaut d'accord d'entreprise, priorité étant ainsi donnée à une négociation au plus près du terrain. Ainsi, aux termes de la loi du 20 août 2008, « des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou accord de branche » (code du travail [C. trav.], art. L. 3121-11 modifié). Une possibilité qui appelle plusieurs remarques.
Comme dans le droit antérieurement en vigueur, le principe du contingent subsiste ; il est annuel et défini pour chaque salarié. Mais, alors qu'auparavant ce contingent était en principe fixé par décret (220 heures par an et par salarié), et par dérogation seulement par voie conventionnelle, l'ordre est d'une certaine façon inversé, puisque la loi pose le principe d'une définition conventionnelle du contingent. En outre, alors qu'avant le contingent pouvait être fixé « par une convention ou un accord collectif de branche étendu ou par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement », priorité est désormais donnée à l'accord d'entreprise ou d'établissement, l'accord de branche n'intervenant qu'« à défaut ».
Autres évolutions notables : la référence à l'information de l'inspecteur du travail, nécessaire jusqu'alors pour réaliser des heures supplémentaires au sein du contingent annuel, disparaît du code du travail. Une modification qui s'accompagne de la suppression de l'autorisation de ce dernier pour dépasser le contingent annuel d'heures supplémentaires, auparavant obligatoire (C. trav., art. L. 3121-11-1 nouveau).
Le renvoi à la négociation collective prévu par la loi va bien au-delà de la seule question de la fixation du niveau du contingent, et porte sur les « conditions d'accomplissement des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel » ainsi que sur « les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent » (voir ci-dessous) (C. trav., art. L. 3121-11 modifié). Priorité est donc donnée à la négociation collective et, plus encore, à la négociation d'entreprise, selon la même articulation juridique que celles prévue pour la détermination du niveau du contingent (accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche).
A noter : le Conseil constitutionnel a « retoqué » l'article de la loi fixant le principe d'une contrepartie obligatoire en repos des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mais « ne [précisant] pas les conditions de mise en oeuvre de ce principe qui étaient entièrement renvoyées aux accords collectifs ou, à défaut, au décret ». Pour les sages de la rue Montpensier, « s'il est loisible au législateur d'ainsi renvoyer le soin de préciser les modalités concrètes d'application des principes fondamentaux du droit du travail, il doit au préalable définir les conditions de mise en oeuvre de ces principes ». « Tel n'était pas le cas en l'espèce », explique l'institution dans un communiqué de presse. Le conseil a donc censuré, « faute de tout encadrement, le renvoi aux accords collectifs de la fixation de la «durée» du repos ».
S'il laisse la priorité à la négociation collective, le nouveau dispositif prévoit dans le même temps des dispositions qui s'appliqueront en l'absence d'accord collectif portant sur ces questions. Ainsi, la loi renvoie à un décret le soin de déterminer, dans ce cas, à la fois le niveau du contingent annuel dont le dépassement déclenche les contreparties obligatoires et la teneur des celles-ci (C. trav., art. L. 3121-11 modifié). A noter encore : comme auparavant, en l'absence d'accord collectif portant sur la détermination du contingent, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donneront lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe (C. trav., art. L. 3121-11 modifié).
Compte tenu du nouveau régime du contingent d'heures supplémentaires, la loi procède à la suppression du dispositif d'« heures choisies », prévu par la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail (C. trav., art. L. 3121-11-1 nouveau). Dispositif aux termes duquel un accord de branche ou d'entreprise pouvait ouvrir la possibilité à un salarié, en accord avec son employeur, d'effectuer des heures supplémentaires au-delà du contingent d'heures supplémentaires, sans autorisation de l'inspecteur du travail et sans mise en oeuvre des règles relatives au repos compensateur obligatoire.
Toute référence à un repos compensateur obligatoire est supprimée dans le code du travail. Toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel bénéficiera d'une « contrepartie obligatoire en repos » dont les caractéristiques et les conditions de prise seront fixées par accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche (ou encore par décret, à défaut d'accord collectif). Les heures supplémentaires réalisées dans la limite du contingent pourront bénéficier d'une contrepartie en repos, à condition que l'accord collectif le prévoie (C. trav., art. L. 3121-11 modifié).
Cet accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, de branche pourra aussi prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations s'y attachant, par un repos compensateur équivalent. Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical non assujetties à l'obligation annuelle de négocier, ce remplacement pourra être mis en place par l'employeur, à condition que le comité d'entreprise ou les délégués du personnel, s'ils existent, ne s'y opposent pas (C. trav., art. L. 3121-11-1 nouveau).
Sans changement, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50 % pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés (C. trav., art. L. 3121-11-1 nouveau).
A noter : l'article 18, IV de la loi votée par les parlementaires « supprimait au 31 décembre 2009 toutes les clauses relatives aux heures supplémentaires des conventions collectives existantes », rappelle le Conseil constitutionnel, lequel a jugé que « cette atteinte aux conventions existantes n'était pas justifiée par un motif d'intérêt général suffisant », et étaient donc contraires à la Constitution. Et d'expliquer dans un communiqué : « en premier lieu, elle concernait plusieurs millions de salariés. En deuxième lieu, elle portait sur des clauses dont la teneur ne méconnaît pas la nouvelle législation. En troisième lieu, les parties aux conventions pouvaient renégocier celles-ci, dès la publication de la loi, en les dénonçant. Enfin, la suppression de ces clauses modifiait l'équilibre général de ces conventions. » « Le législateur a entendu, en adoptant l'article 18, modifier l'articulation entre les différentes conventions collectives pour développer la négociation d'entreprise en matière d'heures supplémentaires. En conséquence, à la suite de l'annulation de la première phrase du IV de l'article 18, le I du même article [qui fixe les nouvelles règles de détermination du contingent d'heures supplémentaires] s'applique immédiatement et permet la négociation d'accords d'entreprise nonobstant l'existence éventuelle de clauses contraires dans les accords de branche. »
Dans un souci de simplification et de cohérence, la loi du 20 août 2008 procède à une réécriture du régime des conventions individuelles de forfait - qui permet la globalisation, sur une période donnée, du temps de travail d'un salarié et de la rémunération y afférent (y compris la majoration liée à la prise en compte de certaines heures supplémentaires régulièrement réalisées). Comme dans le droit existant, le projet de loi distingue trois types de conventions : en heures sur la semaine ou sur le mois, en heures sur l'année et en jours sur l'année.
Les conventions de forfait en heures ou en jours sur l'année ont été mises en place par les lois « Aubry » sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000, au profit des cadres dits « autonomes ». Ces textes ont consacré une définition juridique des cadres dans le code du travail, fondée sur leur autonomie et la difficulté, pour certains d'entre eux, d'un décompte de leur temps de travail effectif, car celui-ci se détache de l'horaire collectif applicable dans l'entreprise. Ainsi a été ouverte la possibilité pour un accord de branche ou d'entreprise de prévoir une rémunération globale des cadres sur l'année, avec un décompte du temps de travail en heures ou en jours. Les dispositions du forfait annuel en heures bénéficient aussi aux salariés itinérants non cadres dont la durée du travail ne peut être prédéterminée ou qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. En outre, la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a étendu le bénéfice des conventions de forfait en jours sur l'année aux salariés non cadres dont le temps de travail ne peut être prédéterminé et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
La loi modifie ce régime sur plusieurs points.
A noter :(art. 19 de la loi)
D'abord, concernant la mise en place des conventions de forfait, en heures ou en jours, sur l'année, celles-ci restent dans tous les cas soumises à la conclusion préalable d'un accord d'entreprise ou de branche. Toutefois, la loi du 20 août 2008 ne fait pas référence indifféremment à « une convention ou un accord collectif de travail étendu ou [...] une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement », mais prioritairement à un accord d'entreprise ou d'établissement et, « à défaut », à une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions (C. trav., art. L. 3121-39 modifié).
S'agissant, plus spécifiquement, des conventions de forfait en heures sur l'année, l'innovation principale réside dans l'élargissement du champ des salariés susceptibles d'être concernés par ce type de forfait, qui vise désormais non seulement les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et « dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés » mais aussi, dorénavant, les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et « qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps » pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Concernant les non-cadres, sont donc désormais visés l'ensemble des salariés autonomes et non plus seulement les salariés itinérants (C. trav., art. L. 3121-42 modifié). S'agissant, à présent, des conventions de forfait en jours sur l'année, la catégorie de salariés pouvant en bénéficier reste inchangée : cadres autonomes et salariés autonomes dont le temps de travail ne peut être prédéterminé et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps (C. trav., art. L. 3121-43 modifié).
Un accord de branche ou d'entreprise est toujours nécessaire pour ouvrir la possibilité de recourir aux conventions de forfait ; il fixe une durée annuelle dans la limite de 218 jours, comme auparavant (C. trav., art. L. 3121-44 modifié). Mais la loi étend le dispositif de renonciation aux jours de repos ou de dépassement du nombre de jours travaillés des cadres soumis aux conventions de forfait établi par la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise et déjà modifié, à titre provisoire, par la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat. La première avait donné la possibilité à un cadre, sous la réserve de la conclusion d'un accord collectif préalable, de renoncer, en accord avec son employeur, à une partie de ses jours de repos en échange d'une majoration salariale ; la seconde a rendu cette renonciation possible en l'absence d'accord collectif, jusqu'au 31 décembre 2009.
La loi sur la démocratie sociale et le temps de travail affine et pérennise ce dispositif : un accord collectif de branche ou d'entreprise n'est plus nécessaire ; le double accord du salarié et de l'employeur reste requis ; la majoration de rémunération à laquelle donne lieu ce temps supplémentaire travaillé ne peut être inférieure à 10 %, comme par le passé. Cette renonciation à des jours de repos peut conduire à dépasser la durée annuelle de jours travaillés fixée par l'accord collectif prévoyant la mise en place des conventions de forfait mais sans excéder un « nombre maximal de jours ». Le nombre maximal de jours est déterminé dans l'accord collectif instituant le principe de la convention de forfait. A défaut d'accord sur ce point, ce nombre maximal est de 235 jours. En tout état de cause, ce nombre maximal doit assurer le respect des règles relatives aux repos quotidien (11 heures), hebdomadaire (24 heures), aux jours fériés chômés dans l'entreprise et aux congés payés (1) (C. trav., art. L. 3121-45 modifié).
La loi ajoute des garanties, individuelle et collective, au profit du salarié soumis à une convention de forfait sur l'année : s'il est en forfait jours, un entretien annuel portant, entre autres, sur sa charge de travail (C. trav., art. L. 3121-46 modifié) ; une procédure de consultation annuelle du comité d'entreprise sur l'aménagement du temps de travail sous forme de forfaits et sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés (C. trav., art. L. 2323-29 modifié).
À SUIVRE...
Dans ce numéro :
I - Le temps de travail : un cadre juridique laissant plus de place à la négociation collective
A - La modification des règles relatives au contingent d'heures supplémentaires
B - La refonte du régime des conventions individuelles de forfait
Dans un prochain numéro :
C - L'unification des différents régimes de répartition des horaires de travail
D - La réforme du régime juridique du compte épargne-temps
II - La démocratie sociale : une légitimité syndicale refondée
A - La modernisation de la représentativité syndicale
B - Le renforcement de la légitimité des accords collectifs
C - La relance de la négociation collective dans les petites entreprises
Si la loi du 20 août 2008 vise à accorder une place croissante à la négociation collective dans l'élaboration des normes relatives au temps de travail, la loi n'en conserve pas moins une place importante.
Ainsi, les articles relatifs aux durées maximales du travail restent inchangés : en application de l'article L. 3121-34 du code du travail, la durée quotidienne du travail effectif par salarié ne peut excéder 10 heures ; en application de l'article L. 3121-35 du même code, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser 48 heures ; enfin, en application de l'article L. 3121-36, la durée hebdomadaire calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ne doit pas dépasser 44 heures (mais, sans changement, un décret pris après conclusion d'un accord collectif de branche peut prévoir que cette même durée ne peut dépasser 46 heures).
Les règles relatives aux repos continuent de même à prévaloir : l'article L. 3131-1 du code du travail, selon lequel tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives ; l'article L. 3132-2, aux termes duquel le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives, auxquelles s'ajoutent les 11 heures afférentes de repos quotidien (soit un total de 35 heures).
Par ailleurs, la fixation de la durée légale du travail à 35 heures - telle qu'elle résulte de l'article L. 3121-10 du code du travail - continue à constituer le seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Lesquelles bénéficient des mêmes majorations légales de salaire : majoration de 25 % pour chacune des 8 premières heures, de 50 % ensuite, un accord collectif ayant la possibilité de prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10 %, conformément à l'article L. 3121-22 du code du travail. Dès lors, le dispositif d'exonérations fiscales et sociales prévu par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat continue à s'appliquer dans les mêmes conditions : une exonération fiscale au titre de l'impôt sur le revenu au profit des salariés ; une réduction de cotisations salariales établie à un taux plafonné à 21,5 % dans le secteur privé et à 13,76 % dans le secteur public ; une déduction de cotisations patronales de sécurité sociale fixée forfaitairement par heure supplémentaire réalisée à un niveau de 0,50 € pour les entreprises de plus de 20 salariés et à 1,50 € pour les entreprises de 1 à 20 salariés, déduction imputable sur les sommes dues par les employeurs au titre de l'ensemble de la rémunération versée à l'intéressé.
Par ailleurs, les dispositions de la loi du 8 février 2008 pour le pouvoir d'achat, qui permettent à un salarié de renoncer à tout ou partie de ses journées attribuées au titre de la réduction du temps de travail jusqu'au 31 décembre 2009 en contrepartie d'une majoration de salaire au moins égale à celle de la première heure supplémentaire applicable dans l'entreprise, subsistent. Il en va de même du dispositif de renonciation à ses jours de repos acquis jusqu'au 31 décembre 2009, en contrepartie d'une majoration salariale au moins égale à 10 %.
(1) Pour plus de précisions sur les nouvelles dispositions sur les forfaits annuels en jours, voir un « questions-réponses » ministériel sur le sujet, disponible sur