« Le salaire minimum est un piètre instrument de redistribution du revenu. Son principal défaut est d'évincer de l'emploi les personnes les plus fragiles [...], sans pour autant permettre de collecter des ressources pour améliorer leurs revenus. » Dans un rapport rendu public le 23 juillet (1) - soit le même jour que l'adoption en conseil des ministres du projet de loi en faveur des revenus du travail, qui réforme notamment la procédure de fixation du SMIC (2) -, le Conseil d'analyse économique (CAE) propose deux orientations pour contourner ce défaut. Tout d'abord, « articuler au mieux l'utilisation des instruments fiscaux, tels que l'impôt sur le revenu et les prestations sociales, avec le salaire minimum ». Ensuite, « modifier les modalités de fixation du salaire minimum en donnant une place plus large à la négociation collective ». Selon l'instance, le mode de détermination des salaires planchers devrait permettre de prendre en compte la diversité des situations économiques des salariés et des entreprises, grâce à une intervention accrue des partenaires sociaux. Par ailleurs, la politique fiscale ciblée sur l'amélioration des bas revenus et la réduction de la pauvreté devrait être amplifiée, grâce à un système redistributif fondé sur le revenu d'activité et la situation familiale, sur le modèle du revenu de solidarité active (RSA) actuellement expérimenté dans plusieurs départements (3).
Pour le CAE, un « changement profond » des règles de revalorisation du SMIC est nécessaire. Le rapport préconise d'abord de « fixer conjointement le salaire minimum et les minima sociaux dans le cadre de la loi de finances », après avis des partenaires sociaux et d'une commission d'experts ad hoc. Rappelons que la création d'une telle commission, indépendante, est prévue par le projet de loi en faveur des revenus du travail. Mais l'instance va plus loin, en précisant que celle-ci ne devrait pas se limiter à étudier les conséquences du SMIC et devrait avoir pour objectif d'« alimenter une réflexion plus large sur les conséquences et l'efficacité de toutes les politiques de soutien des bas revenus ». In fine, donc, « l'évolution du pouvoir d'achat du salaire minimum devrait résulter de la volonté (annuelle) du Parlement, sur proposition du projet de loi de finances du gouvernement ». Partant, deux des modalités actuelles de revalorisation du SMIC (automatique sur la moitié des gains de pouvoir d'achat du salaire horaire ouvrier et discrétionnaire par les « coups de pouce ») disparaîtraient. Toutefois, il resterait possible de stipuler des règles de revalorisation automatique infra-annuelles. D'autre part, une revalorisation au 1er janvier au lieu du 1er juillet, comme le prévoit le projet de loi présenté le 23 juillet, faciliterait les négociations salariales de branche, selon le CAE.
« Plutôt que sur un salaire minimum élevé et uniforme », une politique efficace d'amélioration des bas revenus et de réduction de la pauvreté devrait s'appuyer « sur des mesures fiscales et des prestations sociales », suggère par ailleurs le conseil. Cela suppose, selon lui, de simplifier l'architecture des dispositifs déployés de façon à renforcer leur pouvoir incitatif sur l'offre de travail des peu qualifiés, sans réduire leur impact en termes de lutte contre la pauvreté... et au moindre coût pour les finances publiques. Cela nécessite aussi d'unifier les minima sociaux et les prestations liées à l'activité. Un objectif qui s'inscrit justement dans la logique du RSA. Une telle évolution est, selon le rapport, souhaitable pour au moins deux raisons : « l'amélioration de la lisibilité des prestations et des prélèvements et l'amélioration de la mise en oeuvre des politiques d'activation des dépenses passives ». Et la CAE d'ajouter : « le dispositif envisagé dans le cadre du RSA actuellement en expérimentation, qui retient un taux de prélèvement sur le minimum social unifié se situant entre 30 % et 50 %, impliquant que le revenu disponible augmente continûment et visiblement avec le revenu d'activité, est cohérent avec un système socio-fiscal efficace. » Mais, prend-il soin d'ajouter, « le versement d'une prestation unifiée ne constitue qu'un pilier de l'activation des dépenses » ; il est aussi essentiel de regrouper les organismes qui participent à l'insertion dans l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux. A cet égard, le rapport recommande de confier la gestion du RSA au futur opérateur unique du service public de l'emploi, issu de la fusion de l'ANPE et des Assedic.
Il plaide également pour l'extension du bénéfice du RSA aux adultes de moins de 25 ans. Selon le CAE, l'unification des minima sociaux et des prestations liées à l'activité devrait ainsi concerner « tous les adultes, sans exclure les personnes de moins de 25 ans sans charge de famille ». « En contrepartie, prévoit-il, l'octroi de cette prestation devrait interdire aux parents des bénéficiaires de rattacher leur enfant à leur foyer fiscal. » « Dans ce contexte, où les personnes de 18 à 25 ans se verraient offrir les mêmes droits que leurs aînés, certaines aides qui leurs sont actuellement spécifiquement dévolues devraient être supprimées. » Cette extension du RSA impliquerait évidemment « un surcoût important ». Mais, dans un premier temps, « il est possible de commencer à intégrer les jeunes dans le dispositif en leur donnant le bénéfice du «chapeau du RSA», c'est-à-dire du montant du RSA diminué du RMI », avance le conseil. Et, à plus long terme, les mesures d'« amplification de la politique fiscale ciblée sur l'amélioration des bas revenus et la réduction de la pauvreté pourraient être en grande partie financées par la réduction des allégements de charges sociales sur les bas salaires autorisée par un salaire minimum moins élevé relativement au salaire médian », puisqu'il n'y aurait plus ni revalorisation automatique ni « coup de pouce.
(1) Salaire minimum et bas revenus : comment concilier justice sociale et efficacité économique ? - Disp. sur