Alors même que le rapport final d'Etienne Pinte sur la relance de la politique du logement et d'hébergement, pourtant achevé, n'a toujours pas été remis à François Fillon, la ministre du Logement et de la Ville a présenté le 28 juillet, en conseil des ministres, son « projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion », un « texte de rupture qui intervient sur tous les leviers d'action pour favoriser l'accès au logement », a-t-elle résumé. Le projet de loi, qui soulève l'inquiétude des acteurs du logement (sur les dernières réactions, voir page 46), sera débattu au Parlement à l'automne.
Christine Boutin en avait déjà dévoilé les grandes lignes quelques jours auparavant devant la presse (1). Sa mesure la plus controversée reste l'aménagement de l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France) de parvenir à un seuil minimum de 20 % de logements sociaux. Sans remettre en cause ce quota, le texte propose de comptabiliser désormais dans ces 20 % les logements acquis grâce au prêt social location accession (PSLA) et au Pass Foncier.
Outre la révision de la loi SRU, le projet de loi prévoit également le renforcement de l'engagement des organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) et du 1 % logement dans la mise en oeuvre de la politique du logement. Une démarche contractuelle, basée sur une logique de performance, sera ainsi mise en oeuvre avec chaque organisme HLM. Tous les bailleurs sociaux devraient, d'ici fin 2010 et sous peine de sanctions financières, conclure avec l'Etat et les collectivités locales délégataires des aides à la pierre une « convention d'utilité sociale », laquelle prévoira des engagements des bailleurs notamment sur le niveau de construction, la politique patrimoniale, la qualité du service rendu aux locataires, les conditions d'occupation et de peuplement des logements, les parcours résidentiels et la fixation des loyers. En outre, le texte instaure un prélèvement sur les moyens financiers des bailleurs sociaux ayant une activité d'investissement réduite au profit des bailleurs qui ont des besoins importants.
Diverses mesures visent par ailleurs à faciliter la libération des logements en « sous-occupation » ou encore à favoriser la mobilité des locataires au sein du parc de logements HLM. Le projet de loi prévoit notamment que pourront être délogées dans les trois ans les familles dépassant d'au moins deux fois les plafonds de ressources pour l'accès au logement social. Des plafonds baissés, au passage, de 10 %.
Concernant le 1 % logement - c'est-à-dire la participation obligatoire des entreprises de plus de 20 salariés à l'effort de construction (PEEC) -, un nouvel article a fait son apparition dans le texte par rapport à la version du projet de loi présentée à la presse. Il pose les bases d'un nouveau dispositif de gouvernance du 1 % logement, mis en place « en vue de réorienter l'utilisation des ressources vers les politiques prioritaires dans le domaine du logement et de limiter les coûts de gestion », explique l'exposé des motifs. Le texte modifie notamment les rôles respectifs de l'Etat et des partenaires sociaux gestionnaires du 1 % logement. La définition des catégories d'emploi des ressources issues de la collecte de la PEEC (2), des règles générales d'utilisation et des sommes consacrées annuellement à chacun des emplois, qui relevait jusqu'à présent d'accords passés entre les partenaires sociaux et l'Etat, devrait ainsi appartenir désormais à l'Etat dans un cadre législatif et réglementaire. A noter : une rencontre entre la ministre du Logement et les partenaires sociaux, le 22 juillet, a permis de finaliser les modalités de la participation des fonds du 1 % logement au financement de la politique du ministère. Le montant affiché de cette contribution sera de 800 millions d'euros. Cette enveloppe sera affectée au financement des opérations de l'Agence nationale de l'habitat à hauteur de 480 millions d'euros et au programme national de rénovation urbaine pour 320 millions d'euros.
Au-delà, le projet de loi prévoit toujours le lancement d'un programme pluriannuel de rénovation des quartiers anciens dégradés. Il propose également de donner une définition légale à la notion d'habitat indigne. Devraient être ainsi considérés comme tels « les locaux utilisés aux fins d'habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l'état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».
Autres dispositions prévues par le texte, toujours pour mémoire : l'autorisation donnée aux locataires du parc social de sous-louer temporairement, pour une durée maximale de un an renouvelable, une partie de leur logement à des « personnes jeunes » ; l'obligation imposée aux bailleurs sociaux de procéder, avec tout locataire assujetti au supplément de loyer de solidarité, à un examen de sa situation et des possibilités d'évolution de son parcours résidentiel ; la réduction de trois à un an de la période durant laquelle le juge confronté à un locataire mauvais payeur peut suspendre son jugement d'expulsion ; l'autorisation donnée aux maires, pour la délivrance d'un permis de construire, de déroger aux règles d'urbanisme lorsque les travaux sont nécessaires à l'accessibilité d'un logement existant aux personnes handicapées ; ou encore la possibilité donnée aux bailleurs sociaux de prendre en gestion ou de prendre à bail des logements du parc locatif privé conventionnés avec l'Agence nationale de l'habitat afin de les louer ou de les sous-louer à des personnes prioritaires au titre de la loi instituant le droit au logement opposable et aux « personnes dont la situation nécessite une solution locative de transition ».
(2) Les catégories d'emplois reprennent en substance les emplois actuels (soutien à la construction, à la réhabilitation et à l'acquisition de logements locatifs sociaux, interventions à caractère très social dans le domaine du logement, aides à des personnes physiques pour leurs projets d'accession à la propriété, etc.), complétés par l'amélioration du parc privé - financement des actions menées par l'ANAH - et la participation à des actions de formation, d'information et de réflexion menées par des associations agréées par l'Etat.