Recevoir la newsletter

Droit au logement opposable : quel accompagnement social ?

Article réservé aux abonnés

L'instauration du droit au logement opposable et des commissions de médiation rend nécessaires certaines adaptations des pratiques des professionnels de l'accompagnement social lié au logement. André Gachet, président de la FAPIL (Fédération des associations pour la promotion et l'insertion par le logement) et membre du comité de suivi de la loi sur le droit au logement opposable (1), les passe en revue.

« Le droit au logement, qualifié de fondamental en 1982, trouve les moyens de sa garantie dans la loi du 5 mars 2007, nouvelle étape vers son effectivité. Cette garantie remet en cause l'actuel rapport entre la propriété et l'usage et induit une nouvelle approche du rapport locatif qui s'imposera progressivement.

Grâce à l'obligation de résultat prévue par la loi, une demande qui entre dans les critères mais n'est pas satisfaite peut bénéficier de l'intervention de l'Etat. Les collectivités locales, par les délégations de compétences, par leurs responsabilités de gestion des territoires et par leur proximité avec les citoyens, sont co-titulaires de cette responsabilité. Sans de nouvelles alliances, le résultat ne sera pas au rendez-vous. Le logement n'est plus une marchandise comme les autres et l'obligation de résultat entraînera inévitablement des exigences vis-à-vis du marché locatif. Nous n'en sommes pas encore là, la loi n'est qu'une porte entrouverte sur laquelle il faut encore peser.

Le recours devant la commission de médiation ouvert à six catégories prioritaires depuis le 1er janvier constitue la première étape de la mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO). Il se joue sur trois niveaux, indépendants mais cohérents : la formulation de la demande par le demandeur de logement ; l'avis de la commission de médiation sur la recevabilité du recours ; la réponse. Apparemment simple, la démarche mérite quelques précisions. Il importe également d'examiner ses répercussions sur l'exercice du travail social, et plus largement sur les différents métiers de l'accompagnement social lié au logement.

La demande est en soi relativement simple : «Je recherche un logement de tel type, à tel prix et à tel endroit.» Elle devient plus complexe dès lors qu'elle est établie dans son contexte local : la demande s'ajoute à des centaines d'autres et ne sera pas satisfaite avant un délai considéré comme anormalement long dans un marché locatif qui offre peu de choix si le candidat ne peut y mettre le prix. A quoi sert donc ce nouveau droit au logement dans un contexte de pénurie ? Quelle est la fonction du travail social ou de l'accompagnement lié au logement, alors que les réponses relèvent de l'utopie ?

La commission de médiation n'est pas le lieu de formulation de la demande. Elle intervient une fois que celle-ci a été faite, enregistrée, parfois même traitée mais refusée. L'accompagnement peut donc intervenir en amont de la saisine de la commission, mais aussi parfois dans l'urgence. Il ne peut s'exercer dans l'ignorance de l'organisation de la politique locale de l'habitat et de ses outils. Il trouve là sa fonction politique. S'il peut prévenir les risques liés à une mauvaise orientation, il n'a pas de fonction sociale curative.

L'obligation de résultat est un révélateur des problématiques locales ignorées, volontairement ou non. L'accompagnement est partie prenante de cette «opération vérité» dès lors qu'il s'implique jusqu'à la saisine de la commission de médiation.

La formation : une nécessité

Le deuxième niveau est celui de la commission de médiation. Son rôle est encadré par le décret du 28 novembre 2007 (2) : «La commission se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l'urgence qu'il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l'accueillir dans une structure d'hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées.»

La mise en place de ces commissions interroge nos pratiques de travail social comme d'insertion parce que nous y siégeons ou y sommes représentés. Il en résulte une exigence de formation face à un cadre juridique qui ne souffre ni d'àpeu-près ni d'interprétations opportunistes puisqu'il s'agit de juger de la validité d'un recours ou d'apporter au demandeur une aide irréprochable en droit. En principe, les références juridiques sont suffisamment précises pour qu'on n'ait pas besoin d'y revenir. Pourtant certains points font l'objet de questions posées au comité de suivi de la loi. Par exemple la situation du demandeur au regard du séjour en France : pour le demandeur de logement, un décret sur ce point est attendu ; pour le demandeur d'hébergement, aucune condition de séjour n'est posée. Ou encore les notions de priorité et d'urgence. Il n'y a pas de «priorité prioritaire», mais la reconnaissance d'un droit pour le demandeur et l'égalité des demandes reconnues éligibles par la commission. Il peut y avoir, par ailleurs, un danger à établir une hiérarchie de l'urgence. Les situations qui en relèvent sont celles pour lesquelles la réponse doit être immédiate.

La troisième étape est celle de la mise en oeuvre de la réponse. Pour tous les acteurs, une réponse mécanique et immédiate est impossible : la promulgation de la loi n'assure pas la création des logements accessibles qui font défaut. La loi a justement pour objet d'engager une mobilisation dans ce sens. Pour cela, il faut compter sur l'arsenal préexistant et sur les dispositifs locaux. La responsabilité de l'Etat est évidemment partagée avec l'ensemble des collectivités et acteurs qui interviennent dans le champ du logement.

Il est regrettable que la loi ait fait l'impasse sur la mobilisation du plan départemental pour l'accès au logement des personnes défavorisées (PDALPD) - créé par la loi de mobilisation de 1990 et toujours en vigueur - et sur les niveaux d'implication effectifs des collectivités. Or la palette est très diverse (PDALPD, programmes locaux de l'habitat, schémas divers...). Il reste à lui trouver une cohérence.

La prévention : une exigence

La prévention est la première exigence complémentaire apportée par la loi. La maîtrise de la demande est une priorité qui participe à la mise en oeuvre du DALO. Il faut agir en prévention face à une demande potentielle. La demande induite d'une part par le logement indigne ou insalubre et d'autre part par la perte du logement est un bon exemple. Dans les deux cas, des actions en amont peuvent être menées en s'appuyant sur la réglementation et sur les dispositifs locaux. Reste ensuite à mettre en cohérence les différentes approches prévues dans ces dispositifs qui mobilisent des technicités variées. Des permanences juridiques à Lyon, Marseille ou Paris mobilisent ainsi les barreaux, les travailleurs sociaux et les acteurs de l'insertion par le logement et montrent l'intérêt du partage des actions dans l'addition des compétences.

Autre exigence, la production de réponses accessibles. Il s'agit de proposer une offre nouvelle qui corresponde aux besoins aussi bien en logement qu'en hébergement, initiée et soutenue par la fonction «révélatrice» de l'accompagnement de la demande. Pour franchir cette première étape, les acteurs de l'insertion par le logement sont investis d'une double mission. Ils doivent permettre l'expression d'une demande au plus proche de ce qui est possible, sans pour autant devenir gestionnaires de la pénurie. Ils doivent, en même temps, transmettre une information sur les attentes et les besoins du public aux acteurs de la politique du logement.

Les acteurs de l'insertion ont cette difficile tâche de rendre lisible par les uns (les demandeurs) les limites qu'il faut prendre en compte au nom de l'efficacité et par les autres (les décideurs) les manques et les failles de politiques locales soumises à une obligation de résultat. Ils se trouvent «entre l'arbre et l'écorce». Cette posture délicate induit de nouveaux savoir-faire. Ils concernent la technicité «logement», qui touche aux droits sociaux mais également à la connaissance du marché et des rouages des politiques locales de l'habitat. De plus, cette technicité doit trouver sa place dans la commande publique ou privée qui est adressée aux professionnels de l'insertion. Le législateur montre d'ailleurs qu'il a pris conscience de ces besoins en prévoyant dans la «loi DALO» d'intégrer la question du logement dans la formation des travailleurs sociaux.

La confrontation entre la demande et l'offre dans le cadre du DALO révèle fortement la pénurie d'une offre locative accessible et une demande très spécifique et adaptée. Elle pose aussi des nouvelles questions. Dans un environnement dominé par le marché, la production de logements sociaux est-elle la seule réponse ? Ne faut-il pas chercher à assagir le marché en introduisant la valeur d'usage face à la valeur marchande du parc locatif ?

Nous entrons dans un processus que nous devons accompagner dans des conditions en partie inédites et avec des responsabilités nouvelles qui dépassent le cadre de la relation aux personnes et prennent une dimension politique. Les règles éthiques du travail social comme de l'insertion par le logement ont besoin d'être fermement réaffirmées. Les pressions qu'exerce la pénurie risquent de s'accentuer au regard des enjeux.

Alors même que l'exercice de nos métiers nous place au coeur des dispositifs des politiques locales de l'habitat et des difficultés à répondre aux besoins de tous, nous devons donner la priorité à la demande des personnes. Notre accompagnement est un engagement à leurs côtés qui ne se fera pas en opposition avec les lieux de décision mais dans une exigence en correspondance avec l'effectivité du droit au logement.

Il reste peu de temps pour préparer 2012. A ce moment-là, la question du droit au logement se posera différemment. Notre engagement d'aujourd'hui doit permettre d'en définir les nouveaux termes. »

Contact : FAPIL - 221, boulevard Davout - 75020 Paris - Tél. 01 48 05 05 75.

Notes

(1) Ce comité, créé par la loi du 5 mars 2007, est un lieu de référence où est posé de manière collective l'ensemble des questions relatives à la mise en oeuvre du droit au logement.

(2) Voir ASH n° 2534 du 7-12-07, p. 19.

TRIBUNE LIBRE

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur