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Les propositions de la commission « Guinchard » pour une justice lisible et plus accessible

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Missionnée en décembre dernier par la garde des Sceaux, la commission sur la répartition des contentieux, présidée par Serge Guinchard, a rendu son rapport public le 30 juin (1). Elle y formule 65 propositions pour améliorer l'organisation judiciaire et l'accès à la justice et pour simplifier les procédures. Des travaux qui s'inscrivent en cohérence avec la mise en oeuvre de la carte judiciaire (2).

Créer un « pôle famille » au sein de chaque TGI

Afin d'améliorer l'organisation judiciaire, la commission propose notamment de créer au sein de chaque tribunal de grande instance (TGI) un « pôle famille » en renforçant les compétences du juge aux affaires familiales (JAF), auquel pourraient être confiées les questions relatives à la tutelle des mineurs (3). En outre, elle suggère d'instituer un « réseau judiciaire en matière familiale » pour mieux articuler l'intervention des JAF, des juges des enfants et des juges des tutelles. Cette démarche implique la désignation, au sein de chaque cour d'appel et TGI, d'un magistrat coordonnateur de l'ensemble des activités en matière de famille et de personnes et la mise en place d'une coordination des parquets sur ces sujets afin de faciliter les liens entre tous les juges appelés à prendre les décisions relatives au sort des enfants (4).

Simplifier les procédures

Pour simplifier les procédures, le rapport prône notamment la création d'un guichet universel de greffe. Objectif : « permettre aux justiciables et aux auxiliaires de justice d'introduire une instance judiciaire ou d'obtenir des informations concernant une procédure depuis n'importe quel site judiciaire du ressort de la cour d'appel ». En outre, la commission se prononce en faveur du maintien de la procédure de divorce par consentement mutuel devant un juge, « mais selon une procédure allégée et au coût régulé ou tarifé ». Ainsi, les époux sans enfants pourraient renoncer par écrit à être entendus par le JAF, celui-ci conservant son droit de vérifier l'intégrité des consentements et l'équilibre de la convention de divorce. En revanche, en présence d'enfants mineurs issus du mariage, l'audience des époux aurait obligatoirement lieu pour permettre au magistrat de recueillir leurs intentions au sujet de leurs enfants (5).

Enfin, la commission préconise l'élaboration de barèmes indicatifs en matière de pensions alimentaires et de réparation du préjudice corporel pour faciliter l'intervention des juges (6).

Déjudiciariser les contentieux pour désengorger les tribunaux

Serge Guinchard souhaite que les procédures de l'intervention judiciaire soient allégées en l'absence de différend entre les parties. Par exemple, aujourd'hui, l'autorité parentale est exercée de plein droit par les deux parents lorsque le second lien de filiation a été établi un an au plus tard après la naissance de l'enfant. Toutefois, lorsque cette démarche intervient après ce délai, les parents doivent faire une déclaration conjointe d'exercice en commun de l'autorité parentale devant le greffier en chef du TGI du lieu où demeure l'enfant. En l'absence de litige relatif à l'exercice de l'autorité parentale, l'instance recommande, dans ce cas, de supprimer l'exigence de la comparution personnelle des parents devant le greffier en chef et de mettre à leur disposition « une déclaration conjointe (basée sur un formulaire) signée et accompagnée des pièces justificatives » à remettre au greffe.

Par ailleurs, pour éviter les contentieux inutiles, la commission propose de limiter les cas de saisine du JAF. En effet, explique-t-elle, le versement au-delà de quatre mois de l'allocation de soutien familial (ASF) et de l'allocation de parent isolé (API) est conditionné à l'introduction d'une procédure judiciaire devant le JAF aux fins de faire fixer une pension alimentaire (7). A défaut, l'ASF est supprimée et l'API minorée du montant de l'allocation de soutien familial. A l'heure actuelle, cela représente 30 % de l'activité des JAF (hors divorce), une charge préjudiciable au traitement des autres dossiers, relève le rapport. Or, constate Serge Guinchard, « dans certains cas, ces saisines sont injustifiées, le débiteur étant hors d'état de faire face à ces obligations ou sans adresse connue », empêchant alors le JAF de fixer une pension alimentaire. Aussi suggère-t-il de « prévoir un contrôle par les organismes débiteurs [des allocations familiales] de la situation d'impécuniosité du débiteur, afin de limiter la saisine du juge au seul cas où le débiteur défaillant est localisé et solvable ».

Autres préconisations : développer les modes alternatifs de règlement des litiges. Par exemple, la commission recommande de créer un « dispositif public de médiation familiale extrajudiciaire [en lien avec la caisse nationale des allocations familiales et la Caisse de mutualité sociale agricole], aux fins de garantir la présence des services de médiation familiale sur l'ensemble du territoire et d'assurer la qualification et le contrôle des médiateurs, ainsi que la prise en charge financière de la médiation ». Ou encore d'imposer la médiation familiale préalable pour les actions tendant à modifier les modalités d'exercice de l'autorité parentale précédemment fixées par une décision de justice. Parmi les nouveautés, le rapport évoque aussi l'idée d'une « procédure participative de négociation assistée par avocat ». Elle reposerait sur une « charte collaborative » qui oblige les parties et leurs avocats à tout mettre en oeuvre pour aboutir à une solution consensuelle. L'accord qui en découlerait pourrait, si nécessaire, être homologué par le juge compétent dans le cadre d'une procédure gracieuse pour lui donner force exécutoire. En revanche, en cas d'échec partiel ou total de la négociation, une passerelle serait mise en place pour une saisine simplifiée et accélérée de la juridiction compétente.

Notes

(1) L'ambition raisonnée d'une justice apaisée - Serge Guinchard - Juillet 2008 - Disponible sur www.ladocumentationfrancaise.fr.

(2) Voir ASH n° 2546 du 22-02-08, p. 16, n° 2549 du 14-03-08, p. 14 et n° 2561 du 6-06-08, p. 18.

(3) Les dossiers concernant la tutelle des majeurs relèveraient toujours de la compétence des tribunaux d'instance « pour des raisons évidentes de proximité des personnes à protéger », souligne le rapport.

(4) Ces mesures vont « faciliter la communication et la concertation entre les différents juges et ainsi assurer aux familles une prise en compte plus cohérente de leurs difficultés et une meilleure lisibilité de la justice », se félicite l'Union nationale des associations familiales.

(5) Toutefois, l'audience pourrait être supprimée à la condition d'avoir la preuve que les enfants ont été informés de leur droit à être reçus par le JAF.

(6) Serge Guinchard propose, par exemple, de reprendre la nomenclature des postes de préjudice telle qu'élaborée en 2005 par Jean-Pierre Dinthilac : préjudices patrimoniaux/extrapatrimoniaux ; victimes directes/par ricochet ; préjudices temporaires (avant consolidation)/ permanents.

(7) Sur le principe de subsidiarité de l'API, voir ASH n° 2509 du 25-05-07, p. 11 et n° 2553 du 11-04-08, p. 9.

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