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Le dispositif « anti-arrêt Perruche » n'est pas applicable aux enfants nés avant le 7 mars 2002, juge la Cour de cassation

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Dans un arrêt du 8 juillet, la Cour de cassation a décidé que le dispositif « anti-arrêt Perruche », prévu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, n'est pas applicable aux enfants nés avant l'entrée en vigueur de ce texte, soit le 7 mars 2002.

En 2000, dans une affaire où un enfant, Nicolas Perruche, était né lourdement handicapé à la suite d'une erreur médicale - la rubéole de sa mère n'ayant pas été décelée pendant la grossesse -, la Cour de cassation avait en effet admis que ce garçon pouvait lui-même demander réparation du préjudice résultant de son handicap (1). Ont donc été pris en compte les préjudices moral et matériel à la fois de l'enfant et de ses parents, y compris les charges particulières découlant du handicap tout au long de la vie de l'enfant. Par la suite, en réponse aux réactions diverses suscitées par cet arrêt « Perruche » plusieurs fois confirmé, la loi du 4 mars 2002 est venue empêcher l'indemnisation de l'enfant handicapé (2). Elle a également restreint l'indemnisation des parents à leur seul préjudice moral. Cette loi a en outre prévu que ces principes s'appliquaient aux instances en cours, à l'exception de celles où il avait été irrévocablement statué sur le principe de l'indemnisation.

En octobre 2005, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné le caractère rétroactif du dispositif « anti-arrêt Perruche » (3), le jugeant contraire à l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Selon ce texte, « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ». La CEDH a en effet considéré que la loi du 4 mars 2002, par sa rétroactivité, avait porté atteinte à un droit de créance en réparation - qui juridiquement constitue un bien - et que cette entrave ne pouvait se justifier par des motifs d'intérêt général car elle avait pour effet de priver les requérants de cette créance, sans indemnisation substantielle, leur faisant ainsi supporter une charge spéciale et exorbitante. Elle en a alors conclu que la rétroactivité de la loi du 4 mars 2002 avait rompu « le juste équilibre » entre les exigences de l'intérêt général et de la sauvegarde du droit au respect des biens. Au début de l'année 2006, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont à leur tour condamné la rétroactivité du dispositif (4). La Cour de cassation a ainsi jugé qu'il ne s'appliquait pas aux actions judiciaires intentées avant l'entrée en vigueur de la loi.

Dans l'arrêt du 8 juillet dernier, la Cour de cassation s'est prononcée sur une action en justice introduite après l'entrée en vigueur de la loi. Dans cette affaire, une femme a débuté en 1993 une grossesse gémellaire. L'un des jumeaux étant atteint d'une anencéphalie et non viable, des échographies en vue de détecter une éventuelle malformation du second foetus ont été réalisées par le gynécologue. Au vu des examens complémentaires n'ayant pas révélé d'anomalies, réalisés par un radiologue, le gynécologue n'a pas demandé d'autres examens. L'un des enfants est mort à la naissance, l'autre est né atteint d'une malformation cérébrale complexe et majeure. En 1999, les parents ont assigné le radiologue, lequel a été condamné à réparer le préjudice. Ils ont également assigné le gynécologue en 2003. La cour d'appel de Rennes a rejeté leur demande à l'encontre du gynécologue, jugeant que « dès lors que les demandeurs n'ont pas formulé de recours contre lui avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, puisque leur première demande de condamnation solidaire des deux médecins est du 27 juin 2003, c'est la nouvelle loi qui s'applique ».

La Cour de cassation ne retient pas cette argumentation. Si, en application de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention des droits de l'Homme, « une personne peut être privée d'un droit de créance en réparation d'une action en responsabilité, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens », indique-t-elle. Or le dispositif « anti-arrêt Perruche » ne répond pas à cette exigence « dès lors qu'il prohibe l'action de l'enfant né handicapé et exclut du préjudice des parents les charges particulières qui en découlent tout au long de sa vie, instituant seulement un mécanisme de compensation forfaitaire du handicap sans rapport raisonnable avec une créance de réparation intégrale ». Mais, allant plus loin que dans son arrêt de 2006, elle indique que « les intéressés pouvaient, en l'état de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, légitimement espérer que leur préjudice inclurait toutes les charges particulières invoquées, s'agissant d'un dommage survenu antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, indépendamment de la date de l'introduction de la demande en justice ».

En décidant que la loi du 4 mars 2002 n'était pas applicable dans cette affaire, la Cour de cassation rouvre la porte à l'indemnisation intégrale des préjudices pour tout enfant né avant son entrée en vigueur, ainsi qu'à celle de ses parents, quelle que soit la date à laquelle ils ont présenté une action en justice.

(Cass. civ. 1re, 8 juillet 2008, n° 07-12-159, disp. sur www.courdecassation.fr)
Notes

(1) Voir ASH n° 2190 du 24-11-00, p. 9.

(2) Voir ASH n° 2268 du 21-06-02, p. 30.

(3) Voir ASH n° 2425 du 14-10-05, p. 5.

(4) Voir ASH n° 2440 du 27-01-06, p. 9 et n° 2449 du 31-03-06, p. 14.

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