«Jusqu'à maintenant, la prévention des drogues illicites s'est concentrée sur les usages dits « problématiques », ce qui a pu laisser penser que l'usage sans complication apparente de santé pouvait être toléré. » Constatant que cette politique « n'a en rien dissuadé les expérimentations du plus grand nombre [ni] le rajeunissement des entrées en consommation », les pouvoirs publics se sont fixé comme « objectif prioritaire de faire reculer les premières consommations ». C'est ce qu'a expliqué la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT), lors de la présentation le 9 juillet, par son président Etienne Apaire, du nouveau plan gouvernemental en la matière (1). Doté d'un budget de 87,5 millions d'euros pour la période 2008-2011 (2), ce plan comporte 193 mesures, déclinées en cinq axes de politique publique : « prévention, communication, information », « application de la loi », « soins, insertion sociale, réduction des risques », « formation, observation, recherche » et « international » (sur les réactions associatives, voir ce numéro, page 47).
Pour la MILDT, « la priorité en matière de prévention doit être d'éviter les entrées en consommation de drogues ». Outre des campagnes d'information pérennes sur les conséquences sanitaires et juridiques de ces consommations, le plan préconise de mettre en oeuvre des actions de prévention en milieu scolaire, périscolaire et étudiant mobilisant les intervenants du milieu éducatif mais aussi des acteurs issus d'autres secteurs (santé, justice, police).
Le plan entend par ailleurs « relégitimer les adultes dans leur rôle de principal acteur de prévention » en leur redonnant « confiance dans leur capacité et leur légitimité à intervenir auprès des jeunes, et en particulier de leurs enfants ». Afin de « les aider à se réapproprier une parole porteuse de la règle », la MILDT prévoit d'organiser des états généraux sur les capacités éducatives, de mener une campagne d'information grand public, de créer un site Internet de service et d'aide à distance et de mobiliser les dispositifs relais tels que les réseaux d'aide à la parentalité, les points info famille, les caisses d'allocations familiales, les unions départementales des associations familiales...
Il est en outre prévu, au titre de la « politique de prévention globale », de systématiser la réponse judiciaire à l'usage illicite de drogues par le biais des stages de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants prévus par la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007.
Alors que « le niveau de consommation d'alcool par habitant continue de diminuer en France, des phénomènes inquiétants d'alcoolisation massive sont aujourd'hui observés », indique la MILDT. L'objectif est de lutter contre la pratique du « binge drinking » (3) qui touche essentiellement les jeunes, y compris les préadolescents. Soulignant que « la réglementation sur la vente [d'alcool] visant à protéger les mineurs est méconnue et trop peu appliquée », le plan entend la simplifier par l'interdiction totale de la vente d'alcool aux mineurs. Actuellement, la réglementation distingue selon le lieu de vente et le type d'alcool. La ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a annoncé le 13 juillet, dans un entretien au Journal du Dimanche, que cette mesure figurera dans la loi « Santé, patients, territoires » qu'elle présentera à l'automne et sera applicable dès 2009.
Le plan gouvernemental prévoit par ailleurs d'interdire par un « dispositif permanent » la consommation d'alcool sur la voie publique aux abords des établissements scolaires. Les responsables de ces établissements ainsi que ceux de l'enseignement supérieur se verront adresser des consignes en vue d'une amélioration de l'application de la réglementation existante en matière d'offre d'alcool, précisant les mesures d'interdiction de vente d'alcool aux mineurs et rappelant l'interdiction de toute forme de parrainage. La vente au forfait et l'offre à volonté de boissons alcooliques (open bar) sera également interdite.
Complémentaire du plan de prise en charge et de prévention des addictions 2007-2011 du ministère de la Santé, dont il reprend les mesures (4), le plan gouvernemental vise à « intensifier et diversifier la prise en charge sanitaire et sociale des usagers de drogues, en ciblant les populations exposées et vulnérables ».
Les capacités d'hébergement de personnes dépendantes vont être renforcées : d'une part, grâce à un partenariat entre les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et le dispositif d'hébergement social, d'autre part, grâce à l'ouverture de trois nouvelles communautés thérapeutiques. Relevant que 280 consultations pour jeunes consommateurs reçoivent actuellement 40 000 personnes par an « alors qu'il est établi que la population concernée est beaucoup plus importante », le plan entend tripler le nombre de jeunes pouvant bénéficier de l'aide de ces consultations. Il prévoit donc la création d'une cinquantaine de nouvelles consultations pour jeunes consommateurs, y compris en zone rurale. Il est en outre prévu d'expérimenter des consultations avancées dans les lieux recevant des jeunes pendant un temps limité « mais suffisant pour permettre le développement du travail en réseau », notamment dans les points accueil écoute jeunes, les structures d'accueil des jeunes relevant de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide sociale à l'enfance et les consultations rattachées à des CSAPA.
Pour les personnes détenues, le plan prévoit des actions de prévention, de prise en charge des addictions et des maladies infectieuses, d'aide à la continuité des soins et à l'insertion. Dans chaque région pénitentiaire sera créé un programme d'accueil court et d'accès rapide des sortants de prison aux structures sociales et médico-sociales existantes (avec hébergement) en lien avec l'hôpital de rattachement de la prison. Les usagers de cocaïne bénéficieront de nouvelles modalités de prise en charge avec l'élaboration d'un référentiel de bonnes pratiques, de protocoles médicamenteux, et de programmes expérimentaux de prise en charge des consommateurs au sein des CSAPA. D'autres mesures visent à mieux prévenir et prendre en charge l'usage de drogues illicites et d'alcool des femmes enceintes. Il s'agit notamment d'améliorer les modalités d'accès aux hôpitaux, aux structures médico-sociales et à l'hébergement. Ainsi, 25 places seront réservées en CSAPA pour les femmes dépendantes avec enfants. En outre, 16 places « femmes » seront réservées et 16 places « enfants » créées dans les centres thérapeutiques résidentiels spécialisés en toxicomanie. Enfin, le plan entend réduire les risques sanitaires liés à l'usage de drogues, plus particulièrement s'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C. Il est donc prévu d'améliorer l'accès des patients atteints aux traitements, d'utiliser de nouveaux outils de diagnostic et de mettre en place une unité de lieu dédiée aux hépatites dans les structures médico-sociales spécialisées.
(1) Disp. sur
(2) Dont 33,5 millions d'euros à la charge de la MILDT, 36,4 millions d'euros à la charge des ministères et 8,7 millions d'euros au titre de la loi de financement de la sécurité sociale et du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins. Ce budget intervient en plus de celui déjà consacré par les ministères à la lutte contre les drogues et les toxicomanies.
(3) Est qualifiée de « binge drinking » la pratique qui consiste à boire de l'alcool à haute dose et le plus vite possible pour atteindre rapidement l'état d'ivresse.
(4) Le plan gouvernemental reprend les 21 mesures du plan « addictions » en cours ou restant à mettre en oeuvre telles que l'organisation des réseaux en addictologie ou le développement des actions de prévention de la consommation des substances psychoactives pendant la grossesse - Voir ASH n° 2479 du 17-11-06, p. 7.