La ministre du Logement et de la Ville a dévoilé le 10 juillet, devant la presse, les grandes lignes de son projet de loi destiné à favoriser « l'accès au logement » (sur les réactions associatives, voir ce numéro page 47), qui devrait être présenté le 28 juillet en conseil des ministres avant d'être débattu par les parlementaires à la mi-octobre. Désireuse de faire promulguer un texte « de rupture » visant « à mobiliser tous les acteurs du logement pour qu'ils concentrent leur énergie autour d'actions ciblées », Christine Boutin a souligné que l'approche retenue était celle de « la culture de résultat ». Selon elle, « cette loi originale n'est pas une loi de plus mais une loi qui donnera à la fois aux acteurs les moyens d'agir et à l'Etat les moyens de contrôler qu'ils agissent pour le logement », à travers quatre priorités : « construire plus de logements ; favoriser l'accession populaire à la propriété ; permettre l'accès du parc de logement HLM à plus de personnes ; lutter contre l'habitat indigne ».
Parmi les nombreuses dispositions proposées, une mesure en particulier risque de focaliser les débats : l'aménagement de l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui impose aux communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Ile-de-France) de parvenir à un seuil minimum de 20 % de logements sociaux. Sans remettre en cause ce quota, la ministre envisage de comptabiliser désormais dans ces 20 % les logements acquis grâce au prêt social location accession (PSLA) et au Pass Foncier, auxquels le législateur « a déjà conféré le statut de logement social en leur permettant de bénéficier d'une TVA à 5,5 % », a justifié Christine Boutin. « En n'opposant plus la propriété et le logement locatif, on développe encore davantage le logement social dans les communes », a-t-elle assuré.
Plusieurs mesures concernent, au-delà, la mobilité dans le parc de logements. Premier objectif affiché : faciliter la libération des logements « en sous-occupation », c'est-à-dire vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés. Le projet de loi impose ainsi au bailleur d'un logement sous-occupé d'en proposer un nouveau au locataire correspondant à ses besoins et pour un loyer qui ne sera pas supérieur à celui du logement libéré. Sauf s'il s'agit de personnes âgées de plus de 70 ans, de personnes handicapées ou ayant à leur charge une personne handicapée, le locataire en sous-occupation qui refuserait trois offres de relogement se verrait notifier un congé et disposerait, pour quitter les lieux, d'un préavis de six mois.
En outre, pour favoriser la rotation du parc de logements HLM, les ménages dont les revenus dépassent d'au moins deux fois les plafonds de ressources pour l'accès au logement locatif social devraient quitter leur logement dans les trois ans, sauf s'il s'agit de personnes âgées de plus de 70 ans, de personnes handicapées ou ayant à leur charge une personne handicapée. Notons, au passage, que le projet de loi prévoit de diminuer de 10 % le niveau de ces plafonds de ressources.
Le texte précise également les conditions de transfert d'un bail dans le parc social en cas de décès ou d'abandon du logement : en dehors des conjoints et des descendants directs, le transfert ne devrait être possible que si le nouveau bénéficiaire du bail respecte les plafonds de ressources et si la taille de son ménage est adaptée au logement.
Le projet de loi oblige par ailleurs le bailleur à procéder, avec tout locataire assujetti au supplément de loyer de solidarité (1), à un examen de sa situation et des possibilités d'évolution de son parcours résidentiel, en l'informant notamment des possibilités d'accession à la propriété auxquelles il peut prétendre.
Le texte autorise encore les locataires du parc social à sous-louer temporairement, pour une durée maximale de un an renouvelable, une partie de leur logement à des personnes jeunes.
Autre disposition, plus générale : afin de faciliter l'expulsion des locataires de mauvaise foi qui ne payent pas leur loyer et rassurer ainsi les bailleurs, la possibilité donnée au juge de suspendre son jugement d'expulsion pendant une période de trois ans serait ramenée à un an. En outre, seules les personnes physiques propriétaires pourraient demander une caution au locataire et, dans ce cas, il ne pourrait y avoir cumul avec la souscription d'une assurance garantissant les obligations du locataire.
Notons également que les maires pourraient à l'avenir déroger aux règles d'urbanisme afin d'autoriser les travaux nécessaires pour rendre un logement existant accessible et habitable par les personnes handicapées ou encore que le principe de la maison à 15 € par jour devrait être étendu aux appartements, étant entendu que, compte tenu du prix de revient plus élevé de l'habitat collectif, le prix devrait être plutôt de « 17, 18 ou 19 € » par jour.
Au chapitre de l'habitat indigne, le texte prévoit la mise en place d'un nouveau programme destiné à la rénovation des quartiers anciens les plus dégradés. Ouvert sur la période 2009-2016, il porterait sur un nombre limité de sites (de 100 à 150 quartiers pour un maximum de 100 communes ou établissements publics de coopération intercommunale) dont la liste serait établie par le ministère du Logement et de la Ville.
A signaler, enfin, une poignée de dispositions « relatives à la lutte contre l'exclusion » et à l'hébergement. Le projet de loi offre ainsi la possibilité aux bailleurs sociaux de prendre en gestion des logements dans le parc privé afin de les sous-louer à des ménages hébergés dans des hôtels ou des centres d'hébergement. Le texte propose en outre de modifier la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, qui a prévu l'élaboration, dans chaque département, d'un plan pour l'hébergement d'urgence des personnes sans abri, visant à analyser les besoins et à prévoir les capacités d'hébergement d'urgence à offrir dans des locaux présentant des conditions d'hygiène et de confort respectant la dignité humaine. Le dispositif - dans le cadre duquel il est prévu un nombre minimal de places à atteindre par bassin d'habitat (2) - ne serait plus limité aux seules places d'hébergement d'urgence mais concernerait les « places d'hébergement », terme plus large englobant, outre l'hébergement d'urgence, l'hébergement de stabilisation et les centres d'hébergement et de réinsertion sociale.
(1) Le supplément de loyer de solidarité est appliqué dans le parc locatif social pour les ménages qui dépassent d'au moins 20 % les plafonds de ressources donnant droit à un logement HLM.