Un décret a donné naissance à un fichier permettant de répertorier et de suivre les individus suspectés de vouloir troubler l'ordre public. Y compris lorsque ceux-ci sont des mineurs de plus de 13 ans, au grand dam des syndicats de magistrats et d'éducateurs (voir ce numéro, page 48).
Le fichier, dénommé Edvige - « Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale » - va permettre au ministère de l'Intérieur de centraliser et d'analyser « les informations relatives aux individus, groupes, organisations et personnes morales qui, en raison de leur activité individuelle ou collective, sont susceptibles de porter atteinte à l'ordre public » (1). Il est censé ne revêtir aucune finalité de police judiciaire et vise, pour l'essentiel, à l'« information générale » du gouvernement et de ses représentants dans les départements et les collectivités.
Les données peuvent concerner l'état civil, la profession, les adresses - physiques et électroniques - et numéros de téléphone, les titres d'identité, l'immatriculation des véhicules, les informations fiscales et patrimoniales, les antécédents judiciaires, les déplacements... mais aussi les « signes physiques particuliers et objectifs » ainsi que le « comportement ». Des photographies des individus ou bien encore des données « relatives à l'environnement de la personne » peuvent également être collectées. Le fichier peut aussi indiquer les motifs de l'enregistrement des données.
Toutes ces informations peuvent concerner des mineurs de plus de 13 ans. Devant la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le ministère de l'Intérieur a justifié cette mesure notamment par « les mutations affectant la délinquance juvénile ».
Sont autorisés à accéder aux données enregistrées, « dans la limite du besoin d'en connaître » :
les fonctionnaires relevant de la sous-direction de l'information générale de la direction centrale de la sécurité publique, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur central de la sécurité publique ;
les fonctionnaires affectés dans les services d'information générale des directions départementales de la sécurité publique ou, à Paris, de la préfecture de police, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur départemental ou, à Paris, par le préfet de police.
« Tout autre agent d'un service de la police nationale ou de la gendarmerie nationale » peut également avoir accès au fichier mais seulement sur demande expresse et « sous le timbre de l'autorité hiérarchique, qui précise l'identité du consultant, l'objet et les motifs de la consultation ».
Précision importante : les données contenues dans le traitement Edvige ne pourront faire l'objet « d'aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d'autres traitements ou fichiers ».
Par ailleurs, un droit d'accès aux données est accordé aux personnes fichées, comme la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 le prévoit pour tout traitement de données à caractère personnel intéressant la sécurité publique. Il s'exerce auprès de la CNIL. En revanche, les droits d'information et d'opposition, également prévu par ce texte, ne s'appliquent pas au fichier Edvige.
(1) Le fichier vise également à centraliser et à analyser des informations relatives aux « personnes physiques ou morales ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui jouent un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif. Sous condition toutefois que les données recueillies soient nécessaires au gouvernement ou à ses représentants pour l'exercice de leurs responsabilités ».