« Faute d'avoir défini une politique globale, la France est plutôt sous-équipée en aides techniques au handicap par rapport à des pays comme les Pays-Bas ou la Suède. » Les difficultés d'accès des personnes handicapées à l'aide technique la mieux adaptée à leur situation résulte de l'effet conjugué de trois facteurs : l'insuffisance de la recherche française, le niveau des prix et la complexité de la prise en charge financière. Dans son rapport sur les apports de la science et de la technologie à la compensation du handicap (1), approuvé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) le 1er juillet, la députée (UMP) Bérengère Poletti formule une série de recommandations visant plus particulièrement à agir sur le prix des aides techniques.
Pour l'élue des Ardennes, l'accès des personnes handicapées aux aides techniques est principalement entravé par le mauvais fonctionnement du marché. Avec 12 % de la consommation de biens médicaux et plus de 60 000 produits différents, le marché des aides techniques représente 19 milliards d'euros, explique-t-elle. Cependant, il existe très peu de constructeurs en France et l'étroitesse du marché interdit la mise en oeuvre d'une réelle concurrence. Les prix sont très élevés, voire excessifs par rapport à ceux pratiqués à l'étranger pour certains produits. Et, dans plusieurs secteurs importants, « les marges bénéficiaires constatées sont équivalentes au domaine du luxe ».
Partant de ce constat, Bérengère Poletti propose plusieurs pistes pour modérer le coût des aides techniques. Pour elle, il est nécessaire de développer la location des matériels lorsque cela est « économiquement justifié », c'est-à-dire notamment pour les enfants (qui grandissent) ou en cas de maladie évolutive. Elle évoque également la création d'un marché de l'occasion, proposition à laquelle la secrétaire d'Etat à la solidarité, Valérie Létard, s'est déclarée favorable lors d'une audition publique organisée le 19 juin. La députée souligne par ailleurs que la maîtrise du coût des aides techniques permettant l'insertion des personnes handicapées dans la cité passe par l'intégration du handicap dès la conception d'un produit (automobile, équipement électroménager, logement...). Autre recommandation : saisir le Conseil de la concurrence. Cette décision « rarissime », souligne l'OPECST, est justifiée par les pouvoirs d'investigation de cette instance. Elle serait en effet chargée d'enquêter et de déterminer s'il existe ou non des pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des aides techniques au handicap.
Le rapport met par ailleurs en évidence la « trop grande complexité de la prise en charge sociale ». Tandis que certaines aides techniques sont « correctement prises en charge par l'assurance maladie » (fauteuils roulants manuels), d'autres ne sont pas du tout remboursées (aide à la lecture via un ordinateur) ou ne le sont que de manière insignifiante par rapport à la dépense (prothèses auditives). A ce premier remboursement partiel, s'ajoute la prestation de compensation du handicap et, le cas échéant, l'intervention des fonds départementaux de compensation du handicap pour réduire le reste à charge. Soulignant l'inégalité de traitement que subissent les personnes en fonction de l'origine de leur handicap (2), le rapport juge « souhaitable » que la partie du financement de l'aide technique restée à la charge des personnes handicapées dont le taux d'incapacité dépasse 50 % fasse l'objet d'un crédit d'impôt.
Enfin, la création d'une fondation pour la recherche sur la compensation du handicap permettrait de concrétiser les progrès scientifiques de ces dernières années en remédiant aux dysfonctionnements de la recherche française (difficulté à passer au stade de la recherche appliquée, morcellement, manque de visibilité et inaptitude à fédérer des recherches transversales ne correspondant pas aux clivages académiques).
(1) Prochainement disponible sur
(2) Lorsque le handicap survient à la suite d'un accident causé par un tiers, le choix des matériels de compensation est plus large en raison de la prise en charge des frais par les assurances, souligne le rapport. En revanche, lorsque le handicap résulte d'une maladie, le patient doit assurer, le plus souvent, la prise en charge financière des matériels et l'adaptation du logement nécessaire.