En 2004, un jeune Français sur six a quitté l'école sans obtenir de diplôme secondaire, soit 117 000 au total. Et, bien davantage que leurs pairs, ces jeunes sont exposés au chômage et à l'emploi instable. Car, en France plus qu'ailleurs, « ne pas disposer de diplôme, c'est être repéré comme en échec par les employeurs potentiels ». Dans un récent rapport (1), le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) analyse successivement l'origine de ces jeunes sortis sans diplôme et rappellent les causes de cet échec scolaire, les difficultés de leur insertion professionnelle ainsi que les dispositifs publics les concernant. Un éclairage sur les expériences étrangères est également apporté. Ce document, qui a bénéficié, entre autres, de la contribution du Conseil national des missions locales, prolonge un constat déjà dressé en 2006 par le CERC (2), qui avait conduit son président, Jacques Delors, à demander le lancement d'un « chantier national » sur l'insertion des jeunes sans diplôme. Dans son dernier rapport, le Conseil estime que, si « l'urgence est d'abord de lutter contre l'échec au cours de la formation initiale » en s'inspirant de l'exemple finlandais, il faut aussi relancer et mieux coordonner l'action en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes ayant prématurément quitté l'école.
Depuis plus de 30 ans, les politiques publiques ont tenté d'améliorer le sort des jeunes sans diplôme. Mais, « en dépit de l'importance des sommes engagées », les actions menées « ne sont pas à la hauteur de l'enjeu », estime le CERC. Où le bât blesse-t-il ? Tout d'abord, le système éducatif français est d'une grande complexité et les jeunes sans diplôme sont mal identifiés. Améliorer leur repérage, ainsi que l'articulation entre les institutions éducatives et le service public de l'emploi - dont la coopération est « de qualité variable » - permettrait une prise en charge précoce et plus efficace, considère le conseil. Ensuite, même si des procédures d'accompagnement renforcé sont prévues pour les jeunes chômeurs sans diplôme (contrat d'insertion dans la vie sociale actuellement), elles ont du mal à les atteindre. De plus, elles ont un horizon limité (un an renouvelable), alors qu'il s'agit de construire des parcours longs pour ces jeunes. De même, les contrats aidés sont d'une durée trop courte pour permettre l'accès à l'emploi des jeunes les plus en difficulté. Seuls les contrats d'alternance permettent l'accès à une qualification professionnelle reconnue, le contenu en formation des autres contrats aidés se résumant le plus souvent « à un stage d'adaptation au poste de travail ». « Or signer un contrat d'alternance suppose acquises des compétences et connaissances de base que les jeunes sans diplôme n'ont pas eu l'occasion de s'approprier. » « Même s'il existe des parcours de formation pour combler ces lacunes, ils ne sont pas toujours adaptés ni en nombre suffisant », souligne le conseil. C'est pourquoi « mettre en place des procédures d'accompagnement et des prestations dans la durée, en particulier des contrats aidés suffisamment longs combinés à des formations à visées préqualifiante et qualifiante, est indispensable pour apporter une solution à ces jeunes », considère-t-il. En parallèle, la question d'une allocation financière, conditionnée à une démarche active de recherche d'emploi, mérite d'être étudiée, selon le CERC, qui s'est prononcé pour ce type d'allocation dès 2005 (3) et qui rappelle que « la plupart de nos voisins européens ont tranché dans ce sens ».
Enfin, la coordination entre les multiples acteurs de l'insertion des jeunes doit être améliorée pour renforcer l'efficacité de l'action publique. En 2006 (4), le CERC avait déjà souligné le complexité du paysage institutionnel français de l'aide au retour à l'emploi. S'y ajoute ici celle des acteurs financeurs et des opérateurs de la formation initiale et continue. De fait, « l'opérateur central de l'accompagnement des jeunes sans diplôme, les missions locales, doit mobiliser des instruments gérés et financés par d'autres institutions », pointe le conseil.
Relancer et coordonner les actions des différentes institutions, se fixer des objectifs et évaluer des résultats : pour lui, une telle mission doit être stimulée et animée par un responsable de haut niveau, placé auprès du Premier ministre. « Sinon, à quoi bon parler d'un chantier national exprimant la solidarité active de notre société », résume-t-il.
(1) Un devoir national - L'insertion des jeunes sans diplôme - Disponible sur