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Le Sénat formule ses propositions pour « un cinquième risque à prélèvements constants »

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Dans la vaste consultation lancée officiellement par le gouvernement le 28 mai sur la construction d'un cinquième risque de protection sociale (1), le Sénat avait un temps d'avance puisqu'il avait mis en place, dès le 12 décembre 2007 et pour six mois, une mission d'information commune aux commissions des finances et des affaires sociales sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque. Celle-ci vient, le 8 juillet, de rendre public son rapport d'étape (2). Globalement, la Haute Assemblée s'y révèle sur la même longueur d'ondes que l'exécutif - ce qui n'est pas surprenant puisque les ministres Xavier Bertrand et Valérie Létard avaient déjà puisé dans la boîte à idées de la majorité sénatoriale -, mais elle détaille ses propositions et ajoute quelques nuances.

En tout cas, pour le président de la mission, Philippe Marini, et son rapporteur, Alain Vasselle, aucun doute : « Nous voulons créer un cinquième risque, pas une cinquième branche de protection sociale qui supposerait des prélèvements obligatoires supplémentaires » (3). Pour les deux sénateurs UMP, le cadre est clair : dans un contexte de concurrence internationale, la France doit d'abord réduire ses déficits publics et, pour cela, elle ne peut que diminuer les dépenses, en aucun cas augmenter les recettes, fût-ce pour faire face au vieillissement de la population. « On peut ne pas être d'accord », reconnaît Philippe Marini. Mais pour lui, il s'agit d'un postulat fondateur.

Maintenir la barrière d'âge des 60 ans

Dans cette logique, si la loi elle-même prévoit de nouvelles dépenses, il faut changer la loi... C'est ainsi que le rapport suggère d'abroger la disposition « inopérante » de la loi « handicap » du 11 février 2005 qui fixe pour objectif la suppression de la barrière d'âge des 60 ans d'ici à 2010 par la convergence des systèmes de compensation entre personnes âgées et personnes handicapées. « Un alignement par le haut » des prestations accordées aux personnes âgées « entraînerait un quasi triplement du coût de l'APA [allocation personnalisée d'autonomie] et serait budgétairement insoutenable ». En guise de rapprochement, la mission souhaite seulement harmoniser l'évaluation de la perte d'autonomie entre les deux populations et homogénéiser cette même évaluation, aujourd'hui inégale, sur l'ensemble du territoire. Les orientations annoncées par le gouvernement indiquent qu'il a renoncé, lui aussi, à l'ambition de la convergence, mais il s'est, jusqu'à présent, gardé de le dire clairement.

Un « gage » sur la succession

Dans ce cadre étroit, le Sénat veut néanmoins « assurer un socle élevé de solidarité » et l'améliorer sur certains points. C'est ainsi qu'il souhaite diminuer le « reste à charge trop important pour une écrasante majorité de familles ». A domicile, il propose, pour l'attribution de l'APA, un « relèvement ciblé » des plafonds des plans d'aide pour les personnes isolées et pour les patients atteints d'une maladie neurodégénérative. Et cela, sans réduire l'aide apportée aux autres publics. Il suggère également une « revalorisation régulière des plans d'aide », avec une indexation « a minima sur l'inflation, au mieux sur les salaires ». Deux mesures qui pourraient coûter quelque 500 millions d'euros supplémentaires aux départements, « qu'il faudra compenser ».

Comme le Sénat veut également rétablir la parité entre l'Etat et les départements dans le financement de l'APA - il insiste sur ce point, l'un de ceux où il se distingue le plus du gouvernement -, la mission propose de créer une nouvelle recette pour les conseils généraux en prenant en compte les patrimoines. « Il ne s'agit pas de rétablir l'ancienne récupération sur succession », assure le rapport... mais d'en créer une nouvelle, avoue à demi-mot Philippe Marini. Sous forme d'un « gage ».

Le choix serait en effet offert aux détenteurs d'un « patrimoine important » soit d'engager une part de leur capital et de bénéficier de l'APA à 100 %, soit de le refuser et de ne toucher l'APA que partiellement, « à moitié par exemple ». Si le seuil au-delà duquel la question est posée devait être fixé à 150 000 € , 44 % des bénéficiaires de l'APA seraient concernés. S'il est porté à 200 000 € , la mesure n'en toucherait plus que 36 %, ce qui est plutôt le taux visé. Le « gage » serait plafonné, par exemple à 20 000 € , indiquent les pères du dispositif. Le chiffre n'est pas lancé au hasard : il correspond à quatre années de prise en charge, durée moyenne de vie des bénéficiaires... La réflexion se poursuit sur le point de savoir ce qui se passerait en cas de décès rapide, ou si le « gage » devrait être doublé, ou non, pour un couple. En tout cas, le prélèvement serait opéré après le décès.

Avec un seuil fixé à 200 000 € , la mesure pourrait rapporter aux départements 850 millions d'euros en 2012, 1,1 milliard ensuite, calcule la mission. Parmi les avantages du nouveau mécanisme, ses inventeurs notent qu'il « ne remet pas en cause le caractère universel de l'APA » et que « la modicité du gage ne revêt pas de caractère confiscatoire ». Il ne s'applique « en aucun cas » aux bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap, jurent-ils aussi.

« Optimisations » pour les EHPAD

En établissement, le Sénat propose la mise en place d'un tarif dégressif d'APA pour les personnes à « revenus élevés », ce qui permettrait aux départements de faire une économie de 200 millions. Surtout, il appelle (comme le gouvernement) à une « optimisation de la tarification ternaire », qui pourrait passer par l'imputation intégrale des aides-soignants au tarif soins et par le basculement du tarif hébergement vers le tarif dépendance des dépenses d'animation et du service social ainsi que de la moitié des charges de personnel d'entretien. Ces modifications permettraient de diminuer la facture des résidents de 1,2 milliard d'euros, soit de près de 200 € par personne et par mois. L'opération (compte tenu de la mesure précédente) serait blanche pour les départements. En revanche, elle coûterait un milliard d'euros de plus à l'assurance maladie. Dépense que le Sénat propose de compenser, par des redéploiements cette fois.

C'est ainsi qu'il réorienterait volontiers une partie des recettes de la branche famille, excédentaire, vers l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) médico-social. Il propose également de reconvertir 30 000 lits hospitaliers en lits de moyen ou long séjour (ces derniers dix fois moins coûteux que les premiers). Ce qui se traduirait, précise le rapport, par un transfert de 200 à 300 millions d'euros de l'ONDAM sanitaire vers l'ONDAM médico-social et par une économie de un milliard pour l'assurance maladie.

Le Sénat veut aussi « améliorer la gestion de l'ONDAM médico-social » en récupérant les excédents de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), en créant des référentiels de coût pour les établissements d'hébergement, en mettant en place des forfaits de soins uniques, englobant les dépenses de médecine de ville, enfin en rabotant en cinq ans les dotations soins des 20 à 25 % d'établissements recevant, pour des raisons historiques, plus que ce que leur donnerait la seule tarification Pathos. Des propositions qui feront grincer des dents, la dernière mesure requérant « une très forte volonté politique », note le rapport. Mais il semble qu'elle soit déjà en préparation « dans la plus grande discrétion », comme le dénonce l'Association des directeurs au service des personnes âgées.

Pour un « partenariat » public-privé

Toutes ces dispositions, auxquelles devrait s'ajouter une adaptation des aides fiscales, permettent le maintien de la dépense publique d'aide à l'autonomie à hauteur de 1 % du PIB (autour de 20 milliards d'euros actuellement). Mais comme cette solidarité ne suffira pas à « tout prendre en charge », le reste du financement de la dépendance doit être recherché dans la couverture privée du risque, indique la mission. La souscription d'une assurance devra être encouragée, en particulier par la réorientation d'une partie de l'assurance-vie, par un réaménagement du plan d'épargne retraite populaire et par une aide apportée aux personnes à bas ou moyens revenus pour souscrire un contrat de prévoyance. Par ailleurs, le Sénat défend (comme le gouvernement) l'adoption d'un processus conjoint d'appréciation de la survenue de la dépendance et de déclenchement des prestations entre les assureurs publics et privés, entre lesquels il propose d'instaurer un « véritable partenariat ».

La gouvernance de la CNSA modifiée ?

La mission suggère également « une remise à plat de la gouvernance » du dispositif. Tout en disant vouloir « renforcer la CNSA », elle propose de modifier son pilotage en introduisant un « conseil exécutif ou d'administration », au sein duquel ne siégeraient que les « cogestionnaires », c'est-à-dire l'Etat et les conseils généraux. L'actuel conseil, où figurent aussi les représentants des usagers et des professionnels, ne serait plus qu'un « conseil d'orientation ». Les représentants des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance devraient y faire leur entrée.

Au plan local, la mission veut « ériger les départements en véritables responsables de la politique médico-sociale ». Ils devraient donc élaborer conjointement et cosigner les PRIAC (programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie) avec les agences régionales de santé (ARS). Leurs présidents devraient également être associés au fonctionnement des ARS en siégeant dans un « comité permanent ». Le Sénat souhaiterait également expérimenter, à petite échelle et sur une base volontaire, une gestion déléguée aux départements des crédits d'assurance maladie des maisons de retraite.

Enfin, la mission souhaite modifier les règles de péréquation entre départements pour le financement de l'APA. Elle propose de supprimer, dans les règles de calcul, la référence au nombre de bénéficiaires du RMI, d'y introduire un critère de revenu par habitant et de substituer à la notion de potentiel fiscal celle de potentiel financier, pour prendre aussi en compte les dotations de l'Etat.

Autant de propositions qui demandent encore à être affinées, évaluées, validées, notamment quant aux chiffrages avancés, insiste le rapporteur, dont la mission est prolongée jusqu'à la fin de l'année, le gouvernement envisageant désormais de déposer son projet de loi au début 2009.

En l'état, le rapport d'étape ne fait pas l'unanimité, indique Bernard Cazeau, vice-président socialiste de la mission. D'accord sur les orientations concernant la gouvernance du système et la péréquation, il émet « deux réserves » : sur l'abandon de la convergence handicap-dépendance et le maintien de la barrière d'âge d'une part, sur « l'usine à gaz » du financement d'autre part. Alors que le « gage » sur succession « affole déjà les populations », le groupe PS aurait préféré prendre en compte les patrimoines par l'instauration d'un ticket modérateur. Surtout, il estime « impossible de régler le problème de la dépendance à budget constant ». Pour lui, sans « nouvelle recette », la création du cinquième risque ne serait « qu'une demi-réforme ».

Toutes les contributions figureront en annexe du rapport final, « en toute transparence », indique Philippe Marini.

Notes

(1) Voir ASH n° 2561 du 6-06-08, p. 5.

(2) Disponible sur www.senat.fr/noticerap/2007/r07-447-1-notice.html.

(3) Sur les termes du débat, voir ASH n° 2556 du 2-05-08, p. 5.

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