Une stratégie européenne globale de l'immigration se dessine pour la première fois. Réunis les 7 et 8 juillet à Cannes, les ministres européens de l'Intérieur et de l'Immigration ont en effet donné « un accord unanime sur les principes, les objectifs, la présentation et la structure » du « Pacte européen sur l'immigration et l'asile » proposé par la France (1), s'est félicité Brice Hortefeux. Objectif affiché avec ce texte : donner une « impulsion nouvelle » à la politique européenne en organisant, d'une part, une immigration légale, choisie, répondant aux priorités, aux besoins et aux capacités d'accueil de chaque Etat membre et, d'autre part, une lutte plus active contre l'immigration irrégulière. Il s'agit également, avec ce pacte, de « renforcer l'efficacité des contrôles aux frontières », de « bâtir une Europe de l'asile » et de « créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement ».
L'unanimité autour du texte « autorise la perspective d'une signature du pacte au sommet européen d'octobre », a indiqué le ministre français de l'Immigration. Ce consensus aura été rendu possible par les modifications opérées par Paris au gré des négociations avec les capitales européennes. Madrid, en particulier. Ainsi, sous la pression des Espagnols, l'obligation faite à chaque Etat membre de « renoncer » aux régularisations massives et collectives a disparu au profit d'une formule plus conciliante : il s'agira pour les Etats membres de « se limiter à des régularisations au cas par cas et non générales, dans le cadre des législations nationales, pour des motifs humanitaires ou économiques ». Autrement dit, l'engagement de ne pas pratiquer de régularisations massives demeure mais apparaît de façon moins impérative.
Le gouvernement espagnol n'était pas non plus partisan du contrat d'accueil et d'intégration que Paris voulait rendre obligatoire pour les immigrés entrant dans l'Union européenne. Un contrat incluant « l'impératif » pour ces étrangers d'apprendre la langue du pays d'accueil et d'adopter les « valeurs européennes ». Dans sa version approuvée par les ministres européens, le pacte invite simplement les Etats membres à « mettre en place, selon les procédures et avec les moyens qui leur paraîtront adaptés, des politiques ambitieuses pour favoriser l'intégration harmonieuse, dans leur pays d'accueil, des migrants ayant la perspective de s'y installer durablement ». Dans ce cadre, les partenaires devront prévoir « des mesures spécifiques pour favoriser l'apprentissage de la langue et l'accès à l'emploi ». Ils devront également « mettre l'accent sur le respect des identités des Etats membres et de l'Union européenne, ainsi que de leurs valeurs fondamentales telles que les droits de l'Homme, la liberté d'opinion, la tolérance, l'égalité entre les hommes et les femmes et l'obligation de scolariser les enfants ».
En dehors de ces deux points, le texte n'a pas connu de modifications fondamentales. Ainsi, s'agissant de l'immigration légale, les Etats membres sont toujours invités à mettre en oeuvre une politique d'immigration choisie et, dans ce cadre, à « mettre en place, dans le respect de la préférence communautaire [...], des politiques d'immigration professionnelle qui tiennent compte des besoins de leur marché du travail ». Ils devront également « mieux réguler l'immigration familiale », en prenant en compte dans leur législation nationale non seulement leur propre capacité d'accueil mais aussi « les capacités d'intégration des familles, appréciées au regard de leurs conditions de ressources et de logement dans le pays de destination ainsi que, par exemple, de leur connaissance de la langue de ce pays ».
Peu de changements également en matière de lutte contre l'immigration irrégulière ou de contrôle aux frontières dans la dernière version du pacte, les Etats membres s'accordant autour de plusieurs principes : enregistrement électronique des entrées et sorties de l'Union européenne à partir de 2012, généralisation au plus tard au 1er janvier 2012 des visas biométriques pour entrer dans l'Union, reconnaissance mutuelle des décisions de reconduite à la frontière, fichage des bénéficiaires des aides au retour, sanctions contre les employeurs de sans-papiers, renforcement des moyens de l'agence Frontex afin que celle-ci exerce pleinement sa mission de coordination dans la maîtrise de la frontière extérieure, etc.
Enfin, au chapitre de l'asile, la version du pacte approuvée par les 27 prévoit toujours la mise en place en 2009 d'un « bureau d'appui européen » dont la mission sera de faciliter les échanges d'informations, d'analyses et d'expériences entre Etats membres et de développer des coopérations concrètes entre les administrations chargées de l'examen des demandes d'asile. Le texte dispose également, entre autres, que la Commission européenne sera invitée à présenter des propositions en vue d'instaurer, d'ici à 2012, « une procédure d'asile unique comportant des garanties communes et d'adopter des statuts uniformes de réfugié d'une part et de bénéficiaire de la protection judiciaire d'autre part ».