Le décret du 1er juillet instituant le fichier « Edvige » (voir ce numéro, page 23) fait couler beaucoup d'encre. « Si le décret du 14 octobre 1991 permettait déjà aux renseignements généraux de récolter et de détenir des informations sur les personnes majeures impliquées dans le débat public, Edvige étend considérablement le champ des données collectables, comme les motifs justifiant le fichage », s'indigne le Syndicat de la magistrature, qui « examinera toute forme d'action juridique pour empêcher sa mise en oeuvre ».
Le fait que le fichier concerne également les mineurs à partir de 13 ans « susceptibles de porter atteinte à l'ordre public » est particulièrement contesté. « Parce que les enfants ne sont ni un danger pour l'Etat ni instrumentalisables, nous exigeons le retrait total et officiel de toutes les mesures d'enquête et de fichage » les concernant, demandent, dans un communiqué commun, la CGT-pénitentiaire, la CGT-PJJ, l'UFAS (Union fédérale de l'action sociale)-CGT et la CGT Educ'action Créteil. Ces organisations dénoncent plus généralement « toutes les mesures répressives » à l'égard des familles, des enfants et des professionnels, et un « abandon » des politiques éducatives et de prévention. « Sans qu'aucune infraction ne soit commise, des mineurs dès 13 ans seront fichés en raison de leur «activité» individuelle ou collective, sans aucune définition ni encadrement juridique de cette activité », déplore également le SNPES (Syndicat national des personnels de l'éducation et du social)-PJJ-FSU. Le syndicat dénonce une « conception sécuritaire » selon laquelle « les mineurs sont délinquants ou susceptibles de l'être de plus en plus jeunes ».
Cette mesure ne fait que multiplier les inquiétudes sur la prochaine réforme de l'ordonnance de 1945 et l'instauration d'un âge de responsabilité pénale. « Que reste-t-il dès lors de l'excuse de minorité ? », s'interroge Christophe Daadouch pour le groupe Claris. « Ce n'est certainement pas le Conseil constitutionnel qui pourra répondre à cette question. S'il avait pu émettre des réserves sur le fichage des mineurs délinquants dès l'âge de 13 ans dans le fichier judiciaire des auteurs d'infraction sexuelle lors de l'adoption de la loi Perben II, il n'en aura pas ici l'occasion, le gouvernement ayant choisi cette fois-ci l'option réglementaire. »