Le plan d'action renforcé en faveur des sans-abri (PARSA) a prévu la création de 12 000 places en maisons-relais, structures destinées à l'accueil de personnes au faible niveau de ressources, dans une situation d'isolement ou d'exclusion lourde, et dont la situation sociale et psychologique, voire psychiatrique, rend impossible à échéance prévisible leur accès à un logement ordinaire. En décembre dernier, constatant que seulement 6 000 avaient été réalisées sous sa responsabilité, la ministre du Logement, Christine Boutin, a demandé à Michel Pélissier, alors président d'Adoma (ex-Sonacotra), de se pencher sur le problème. Sa mission : établir un diagnostic des causes des retards pris dans la mise en oeuvre de ce programme, réfléchir à l'évolution et à l'élargissement possible du concept et définir les pistes de solutions possibles pour que le retard soit résorbé dans le courant de l'année 2008.
Le haut fonctionnaire, qui vient tout juste de quitter Adoma pour rejoindre la Cour des comptes, a présenté le fruit de ses travaux le 25 juin, à l'occasion d'une journée consacrée aux maisons-relais organisée par l'Union des professionnels de l'hébergement social (UNAFO). Premier constat, les principaux obstacles à la création des maisons-relais, particulièrement dans les zones où existe une forte tension sur la demande de logement, ne sont pas spécifiques à ce type de structures mais concernent tout le secteur du logement social : rareté du foncier, renchérissement du prix des terrains, réticence des élus et des riverains, et hausse du coût de la construction... A cet égard, les propositions attendues dans le rapport final du député (UMP) Etienne Pinte (1) s'appliqueront « bien évidemment » aux maisons-relais, estime Michel Pélissier, pointant néanmoins quelques difficultés particulières à ces structures. Il remarque notamment que la maison-relais est un « produit » mal connu des décideurs locaux et des bailleurs sociaux. « Bien qu'il n'y ait aucune ambiguïté juridique à cet égard, rappeler que la maison-relais est bien un logement social est nécessaire », estime à cet égard l'auteur du rapport, soulignant que certains élus se demandent même parfois si une maison-relais sera prise en compte dans le calcul du quota de 20 % de logements sociaux prévu par la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains (SRU). Il suggère en conséquence de lancer une communication institutionnelle dans les publications professionnelles à destination des élus locaux et des bailleurs sociaux. Au passage, il souscrit à la proposition d'Etienne Pinte de compter double les maisons-relais au titre du quota de 20 % de logements sociaux prévu par la loi SRU.
L'absence d'inscription des maisons-relais dans les dispositifs de programmation est une autre cause du retard dans la réalisation du programme, note encore Michel Pelissier. « Nul, hormis les associations, ne se sent en effet investi au plan local de la responsabilité du programme fixé par le PARSA. » Celui-ci repose de ce fait exclusivement sur le volontarisme des associations et sur la réussite d'un appel à projets. Conséquence, insiste l'auteur du rapport : « les maisons-relais se réalisent d'abord là où il y a des associations et des bailleurs sociaux convaincus et lorsque des opportunités foncières apparaissent et pas nécessairement là où les besoins sont recensés ». « A titre d'exemple, on a vainement cherché à comprendre pourquoi il y avait 12 maisons-relais pour 286 places à Paris (2 145 000 habitants) mais seulement 3 pour 81 places en Seine-Saint-Denis (1 383 000 habitants) alors que la Haute-Vienne (354 000 habitants) en compte 4 pour 65 places. » Pour Michel Pélissier, si « la logique de projet ne doit pas être abandonnée » - « car c'est elle qui est garante de la mobilisation des acteurs et du partenariat local » -, elle doit en tout état de cause « s'inscrire dans une programmation qui tienne mieux compte des besoins et de la situation locale du marché du logement ». L'auteur propose notamment de décliner l'objectif des 12 000 places au niveau local en tenant compte du nombre de places déjà ouvertes et du nombre de logements financés en prêt locatif aidé d'intégration (PLA-I) programmés. « Cette répartition régionale devrait ensuite être affinée au niveau du département et des agglomérations par le préfet de région. »
Autre cause de problèmes identifiée : la procédure d'instruction des dossiers de maisons-relais, « source de retards et de dysfonctionnements ». La validation passe par une instruction au niveau régional alors que les aides à la pierre sont programmées au niveau départemental ou infra-départemental par les préfets et les collectivités locales délégataires. Or ces deux niveaux d'instruction répondent à des logiques différentes, explique Michel Pélissier, proposant notamment de substituer à la procédure d'instruction régionale une procédure d'instruction conjointe entre directions départementales des affaires sanitaires et sociales et directions départementales de l'équipement, sous l'autorité des préfets de département.
Dernier obstacle au développement des maisons-relais : leur financement. Comme les résidences sociales, ce sont des logements sociaux dont les caractéristiques sont de nature à faciliter l'insertion des personnes accueillies (2). Ces particularités sont cependant mal prises en compte par les financements classiques du logement social, explique Michel Pélissier. Compte tenu du coût des maisons-relais, les porteurs de projet peinent à équilibrer leurs opérations. En conséquence, l'auteur suggère, entre autres, de porter le taux de subvention a minima à 35 % du coût de la construction. « Ce taux pourrait même être porté à 50 % en l'absence de participation des collectivités locales. »
(1) Le rapport final d'Etienne Pinte - dans lequel il doit présenter de nouvelles propositions au Premier ministre sur le thème de l'hébergement et de l'accès au logement - n'a pas encore été rendu public mais le député des Yvelines s'est d'ores et déjà exprimé sur le sujet dans différents médias.
(2) Les particularités des résidents imposent notamment des structures de petite taille (de 10 à 25 places), dotées d'espaces collectifs importants pour permettre une vie sociale soutenue et un accompagnement de proximité par le biais d'un couple d'hôtes présents sur les lieux.