La maternité pour autrui ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine et n'entraîne pas la marchandisation du corps des femmes... à condition d'être « correctement encadrée ». C'est la position adoptée par le groupe de travail dirigé par la sénatrice (PS) Michèle André. Dans son rapport rendu public le 25 juin (1), il préconise de légaliser la pratique des mères porteuses au profit des couples hétérosexuels en âge de procréer et dont la femme est dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme. Initialement motivée par une décision de la cour d'appel de Paris reconnaissant la filiation entre un couple français et des jumelles nées d'une mère porteuse américaine, cette réflexion parlementaire s'inscrit également dans la perspective de la révision de la loi « bioéthique » annoncée pour 2009.
L'interdiction de la pratique des mères porteuses repose sur « une règle fondamentale du droit de la filiation [...] selon laquelle la maternité légale résulte de l'accouchement », expliquent les sénateurs. Or, depuis une vingtaine d'années, les techniques d'insémination artificielle et de fécondation in vitro remettent en cause cette règle en rendant possible la dissociation entre maternité génétique et maternité utérine.
En France, la maternité pour autrui fait l'objet de sanctions pénales - rares en pratique - et de sanctions civiles : impossibilité d'établir la filiation de l'enfant à l'égard de sa « mère d'intention », nullité de toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui (2). Une majorité d'Etats européens interdit également cette pratique, comme l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, l'Autriche et la Suisse. Tolérée en Belgique et aux Pays-Bas, elle est en revanche autorisée et encadrée au Royaume-Uni et en Grèce.
La diversité des législations nationales permet le contournement de l'interdiction française. Une centaine de couples par an se rendrait ainsi à l'étranger pour recourir à la maternité pour autrui. S'ils ne rencontrent pas de difficulté particulière dans leur vie quotidienne (3), il reste que la mère « intentionnelle » est considérée comme un tiers à l'égard de l'enfant. Des difficultés peuvent en outre se présenter en cas de séparation du couple ou de décès de l'un de ses membres, soulignent les sénateurs.
Pour la majorité des membres du groupe de travail, il est donc nécessaire d'établir un régime légal basé sur des conditions d'éligibilité « strictes ». La possibilité de recourir à la maternité pour autrui serait ainsi réservée aux couples hétérosexuels, mariés ou en mesure de justifier d'une vie commune d'au moins deux années, en âge de procréer et domiciliés en France. Seraient par ailleurs uniquement concernés les couples dont la femme est dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou de la mener sans danger pour sa santé ou celle de l'enfant à naître. Autre précision : l'un des deux membres du couple au moins serait obligatoirement le parent génétique de l'enfant. Ni mère, ni grand-mère génétique de l'enfant, la gestatrice devrait quant à elle avoir déjà eu au moins un enfant sans avoir rencontré de difficulté particulière pendant la grossesse. Un système d'agrément de l'ensemble des intervenants (couples demandeurs, gestatrices, centres de procréation médicalement assistée) serait en outre mis en place.
Les sénateurs insistent par ailleurs sur la nécessité de mettre en place un régime légal, excluant toute intervention contractuelle ainsi que toute rémunération de la mère porteuse. Elle se verrait néanmoins octroyer un « dédommagement raisonnable », à la charge du couple bénéficiaire, afin de couvrir les frais qui ne seraient pas pris en charge par la sécurité sociale au titre des droits sociaux afférents à la maternité. Les parents bénéficieraient quant à eux de droits à congé calqués sur ceux existant en cas d'adoption. Le contrôle de la procédure serait assuré par un juge chargé d'autoriser le transfert d'embryon, de recueillir le consentement des intéressés, de fixer ou de réviser le montant du dédommagement de la gestatrice...
Enfin, bien qu'ayant pris le parti de proposer la légalisation de la « gestation pour autrui » où la gestatrice n'est pas la mère de l'enfant, le rapport lui accorde pourtant un droit de repentir. Elle aurait alors la possibilité de devenir légalement la mère à condition d'en exprimer la volonté dans les trois jours suivant l'accouchement.
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(2) On parle de procréation pour autrui lorsque la mère porteuse est aussi la mère génétique de l'enfant et de gestation pour autrui lorsqu'elle n'est que la gestatrice, l'enfant ayant été conçu avec les gamètes du couple demandeur ou de tiers donneurs.
(3) La filiation paternelle étant établie sur les registres de l'état civil français, les enfants peuvent être rattachés au régime de sécurité sociale de leur père, être inscrits en crèche puis à l'école. Ils peuvent également obtenir une carte d'identité ou un passeport.