Une « faute grave » commise par une consoeur. Le « non-respect du secret professionnel levé par une assistante sociale en charge d'une mesure d'action éducative en milieu ouvert ». L'ANAS (Association nationale des assistants de service social) (1) a fermement réagi après la médiatisation le 24 juin, sur le blog d'un avocat (2), du « procès-verbal de dénonciation » établi deux semaines plus tôt par une assistante sociale de Besançon, venue déclarer à la police « la situation administrative clandestine d'un ressortissant sénégalais ». Un « individu inconnu », selon les éléments du procès-verbal, rencontré dans le cadre de son travail « par hasard » chez une famille dont les enfants bénéficient d'une mesure éducative. L'assistante sociale a déclaré avoir interrogé l'homme « sur sa présence en ces lieux et la durée de son séjour chez la famille dans laquelle [elle] intervient, tout en l'informant qu'il ne pouvait pas rester à cette adresse, Madame B... vivant dans une situation financière et familiale difficile ». Elle a ajouté que, « par peur de représailles, [sa] protégée ne répondra pas » aux convocations ou aux questions de la police. Le PV comporte une description précise de l'homme dénoncé, qui présenterait « un vague lien de parenté » avec la femme qui l'hébergeait, mais aucune information sur un éventuel danger encouru par la famille, ni sur la volonté de cette dernière de voir l'homme quitter le foyer. Celui-ci, interpellé, a finalement été libéré.
Le commentaire de l'ANAS est sans équivoque : « Il apparaît clairement que l'assistante sociale, qui a déposé de sa propre initiative devant les services de police, n'a pas respecté les conditions légales de l'article 226-14 lui permettant de lever le secret professionnel auquel elle est astreinte par sa profession (3). » Et au-delà des arguments juridiques, elle n'a pas respecté le code de déontologie selon lequel l'assistant de service social ne doit ni déposer, ni témoigner en justice pour tout ce dont il a pu avoir connaissance du fait ou en raison de sa profession. Sachant que la dénonciation d'une personne en situation irrégulière ne fait pas partie des cas de dérogation au secret professionnel prévus par le code pénal. L'association rappelle que la professionnelle intervenait dans le cadre de la protection de l'enfance, sous mandat judiciaire confié à son service (service d'AEMO de l'Association départementale du Doubs de sauvegarde de l'enfant à l'adulte) par le juge des enfants. « Si elle ne peut opposer le secret professionnel à ce dernier, il lui est interdit de transmettre à un tiers extérieur des informations sur tout renseignement protégé par le secret professionnel. » Et si l'assistante sociale avait évalué que la présence de cet homme constituait un risque potentiel pour les enfants, précise l'ANAS, elle devait en référer uniquement au juge des enfants ayant ordonné la mesure d'action éducative. « Rappelons que la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance réserve le terme de signalement à la saisine du procureur de la République », ajoute-t-elle. « Le seul cas où il peut y avoir une saisine directe des forces de police, c'est lorsqu'il y a péril », caractérisé par une atteinte imminente, constante et grave à la santé, voire à la vie d'une personne.
Interrogé par les ASH, Louis Percerot, directeur général par intérim de l'Association départementale du Doubs de sauvegarde de l'enfant à l'adulte, explique que l'assistante sociale se serait trouvée, selon les informations qu'il a recueillies auprès du service d'AEMO, « prise entre son obligation de protection et celle de respecter le secret professionnel ». Il semble, selon lui, que la professionnelle ait été sollicitée par la mère à propos de la présence de cet homme. « L'assistante sociale aurait, dans un premier temps, accepté d'accompagner la mère à la police, avant que celle-ci ne se dérobe. Elle se serait alors trouvée en première ligne... » Mais Louis Percerot ne conteste pas que « l'interlocuteur naturel aurait dans ce cas dû être le juge des enfants ». Et que l'assistante sociale aurait dû informer sa hiérarchie avant toute décision. Il attend d'entendre la professionnelle, actuellement en congé, avant de décider des suites à donner « sur le plan disciplinaire et institutionnel ». Cette affaire est le premier cas connu de dénonciation par une assistante sociale d'un sans-papiers, à l'inverse des autres exemples où les professionnels avaient résisté aux pressions de la police (4). Quoi qu'il en soit, cette succession d'événements confirme la nécessité d'une « sécurisation juridique » de l'intervention des travailleurs sociaux, comme l'a demandé le Conseil supérieur du travail social dans son avis du 3 juin (5).
(1) ANAS : 15, rue de Bruxelles - 75009 Paris - Tél. 01 45 26 33 79.
(2) Contact : maitre-eolas.fr.
(3) Voir le supplément ASH sur « Le secret professionnel des travailleurs sociaux » - Juin 2008.
(4) Voir, sur l'affaire de Belfort, ASH n° 2524 du 28-09-07, p. 46, et sur l'interpellation de deux intervenantes sociales de France terre d'asile, ASH n° 2533 du 30-11-07, p. 39.