Recevoir la newsletter

« Le développement social doit être considéré comme un investissement »

Article réservé aux abonnés

Du 30 juin au 4 juillet se tient à Tours la 33e conférence mondiale du Comité international d'action sociale (CIAS). 70 pays sont attendus pour échanger sur les conditions d'un développement social harmonieux (1). Une réflexion qui avance encore trop lentement, estime Christian Rollet, le nouveau président du CIAS (2).
Le CIAS, fête ses 80 ans. Quel est son rôle ?

Le Comité international d'action sociale - ou International Council on Social Welfare (ICSW) - a été créé en 1928 et réunit tous les deux ans un forum d'échanges et de discussions sur les politiques sociales. Devenu une organisation non gouvernementale (ONG) et comptant des adhérents dans 70 pays environ, il a acquis un statut consultatif auprès de l'ONU et de ses institutions spécialisées (OIT, OMS, Unesco), ce qui lui permet d'être un groupe de pression sur les questions sociales. En particulier, lors de chaque réunion de la commission du développement social de l'ONU, il réunit un forum d'ONG du secteur social et fait une déclaration publique : la dernière portait en 2007 sur « le plein emploi et le travail décent pour tous ». Par ailleurs, il publie un bulletin, « Coopé-ration mondiale », soutient des publications ou encore réalise des programmes de formation de dirigeants d'ONG dans certains pays.

Vous êtes déjà, en France, président du Comité national d'action sociale...

Effectivement depuis 2004, je préside le Comité national d'action sociale (CNAS). Créé en 1927, c'est un lieu d'études et d'échanges sur les problèmes d'action sociale et leur évolution. Regroupant des institutions sociales - les trois caisses du régime général de sécurité sociale, des associations et institutions nationales (par exemple l'Uniopss ou la CNSA), des établissements locaux ou régionaux (dont des IRTS ou des CRAM) -, il est historiquement le correspondant français du CIAS. Mon expérience à la présidence du CNAS - que je vais conserver - me sera très utile pour permettre au CIAS de mieux prendre en compte les apports des pays francophones.

La conférence de Tours doit permettre, selon vous, d'échanger sur les voies d'un développement social harmonieux. Qu'entendez-vous par là ?

Il faut se reporter au Sommet social mondial de Copenhague en 1995 au cours duquel plus de 100 chefs d'Etat et de gouvernement ont reconnu solennellement l'importance du développement social. Cette expression implique de ne pas considérer l'évolution des pays uniquement à partir d'indicateurs économiques et financiers. Au-delà du PIB, il existe d'autres ratios comme le taux d'analphabétisme, de scolarisation, de mortalité infantile. Le Maroc utilise déjà ce type d'indicateurs pour mesurer sa stratégie de développement. Ce qui entraîne un débat : est-ce qu'il faut mettre l'accent, comme le font certains gouvernements et institutions financières, sur la réduction de la pauvreté et mener des politiques ciblées au risque de stigmatiser les plus démunis ? Est-ce qu'il faut, au contraire, pour éliminer la pauvreté, se doter de politiques sociales globales et universelles ?

Reste que la mondialisation ne va guère dans le sens du développement social...

La réflexion avance discrètement. On note des inflexions du côté de la Banque mondiale qui accepte désormais d'investir dans les systèmes d'éducation et de santé et soutient des programmes de protection sociale dans des pays en voie de développement. Mais c'est difficile et on a besoin de lieux comme la conférence de Tours pour faire contrepoids au libéralisme économique. Aujourd'hui, seulement 20 % des travailleurs dans le monde - qui relèvent en outre des Etats les plus riches - ont une protection sociale obligatoire ! Le développement social doit être considéré comme un investissement dans la cohésion sociale, ce qui favorise à son tour le développement économique.

Justement, le recul de l'Etat providence en matière d'action sociale ne facilite guère la tâche des travailleurs sociaux...

On assiste aujourd'hui, et ce n'est pas propre à la France, à la montée des logiques de Workfare, c'est-à-dire du principe selon lequel les bénéficiaires d'allocations doivent fournir un travail en échange. Ce n'est pas nouveau, la logique de la contrepartie était déjà à l'oeuvre dans le cadre du RMI, mais elle est renforcée un peu partout, par exemple avec le revenu de solidarité active. Sans être au niveau des Anglo-Saxons, elle implique pour les travailleurs sociaux un renforcement des objectifs de résultat en matière d'insertion professionnelle. Avec le risque d'augmenter les conflits avec les usagers s'il n'y a pas une réorientation des politiques globales de l'emploi.

Notes

(1) Intitulée « La dynamique du développement social dans un contexte de mondialisation : leçons du passé, défis pour aujourd'hui et pour demain », la conférence traite spécifiquement du travail social, de la protection sociale et du développement social - www.icsw2008.org

(2) Christian Rollet est par ailleurs inspecteur général des affaires sociales.

Questions à

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur