Dans quatre délibérations du 19 mai (1), la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) estime discriminatoires les dispositions du code de la sécurité sociale et du code des pensions civiles et militaires de retraite qui subordonnent l'ouverture du droit à une pension de réversion à une condition de mariage, et en excluent donc les partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) et les simples concubins.
Après avoir constaté que la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités (2)a, « sans unifier totalement le régime du PACS et du mariage, rapproch[é] très sensiblement les couples mariés et les couples «pacsés» en soumettant les partenaires à un régime patrimonial des biens et des dettes et en établissant des devoirs réciproques », la HALDE, saisie par deux couples homosexuels, a considéré que « les obligations pesant sur les conjoints et les partenaires sont suffisamment comparables, au regard de l'objet poursuivi par la pension de réversion, pour rendre injustifiée toute différence de traitement en la matière ». « Or, en l'état actuel du droit interne, les couples homosexuels n'ayant pas le droit de se marier, cette différence de traitement injustifiée est d'autant plus illégitime qu'elle repose sur un critère prohibé [...] par [l'article 14 de] la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme : l'orientation sexuelle » (3). Aussi, conclut-elle, les dispositions incriminées des codes de la sécurité sociale et des pensions civiles et militaires de retraite « constituent une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle en excluant du droit à pension de réversion les partenaires survivants ». En conséquence, elle recommande au Premier ministre « d'initier une réforme législative tendant à étendre aux partenaires liés par un PACS le bénéfice des pension de réversion ».
S'agissant des concubins, la HALDE a axé son argumentaire sur l'objet de la pension de réversion. « S'il est vrai, avance-t-elle, que la pension de réversion peut s'appréhender [...] comme un droit quasi-patrimonial, acquis par le couple marié en contrepartie du principe de solidarité financière qui lui est imposé par le code civil, elle peut également et valablement être regardée comme une prestation dont l'objet premier est de compenser une rupture matérielle en assurant au compagnon survivant un niveau de vie : plus qu'un droit quasi-patrimonial, la pension de réversion est une assurance sociale », conclut-elle. S'appuyant également sur l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, la HALDE a donc considéré que, au regard de l'objet que poursuit la pension de réversion, les dispositions incriminées des codes de la sécurité sociale et des pensions civiles et militaires de retraite « sont susceptibles de constituer une discrimination fondée sur la situation de famille » (4). Et recommande donc au gouvernement d'engager dans les six mois « une réflexion sur les conditions dans lesquelles les concubins pourraient se voir ouvrir un droit à pension de réversion ».
(1) Délibérations n° 2008-107 à 2008-110 du 19 mai 2008, disp. sur
(3) Même si le critère de l'orientation sexuelle n'est pas explicitement mentionné à l'article 14 de la Convention, celui-ci est, « à n'en pas douter », un critère prohibé par cet article, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, explique la HALDE.
(4) Comme l'orientation sexuelle, la situation familiale n'est pas citée expressément par l'article 14 la Convention, mais peut être considérée comme un critère prohibé par cet article conformément à la jurisprudence européenne.