« Ayant constaté des disparités importantes dans l'accueil et la prise en charge des mineurs étrangers isolés sur l'ensemble du territoire français », la défenseure des enfants, Dominique Versini, a organisé le 20 juin, à Paris, un colloque réunissant l'ensemble des acteurs publics et associatifs concernés. A l'issue de cette journée, elle a présenté 25 recommandations visant à harmoniser les pratiques et articulées autour de six thèmes.
Première préoccupation : l'information du mineur étranger isolé arrivé par voie aérienne. Il « doit être informé de l'intégralité de ses droits et du déroulement des procédures le concernant à tous les moments stratégiques de son parcours et dans une langue qu'il comprend dès son placement en zone d'attente, son renvoi devant une juridiction administrative ou judiciaire et lors de son évaluation éventuelle par le service éducatif auprès du tribunal », souligne la défenseure des enfants. Laquelle préconise notamment, dans cette optique, de faire appel à des interprètes pratiquant davantage de langues ou encore d'« intégrer un temps d'explication systématique par les associations habilitées en augmentant leur temps de présence en zone d'attente ». Dominique Versini souhaite également que soit officiellement rétablie pour tous les mineurs étrangers isolés l'automaticité du « jour franc » afin de permettre aux intéressés d'avoir le temps de recevoir toutes les informations et conseils utiles à leur situation. Pour mémoire, la règle du « jour franc » interdit le réacheminement vers la frontière d'un étranger avant le délai de 24 heures suivant la date de son arrivée. Depuis la loi du 26 novembre 2003, elle n'est applicable que si l'intéressé a signifié son intention d'en bénéficier (1). Dans la pratique, certains policiers ont tendance à en faire bénéficier automatiquement les mineurs isolés, mais la défenseure des enfants souhaiterait que cela soit inscrit dans la loi.
Autre priorité aux yeux de Dominique Versini : il faut renforcer l'assistance, le conseil et la représentation des mineurs étranger isolés. Le jeune « doit pouvoir bénéficier d'un administrateur ad hoc avec un interprète dès son placement en zone d'attente, qu'il soit demandeur d'asile ou non, de façon à être assisté et conseillé sans délai pour faire valoir ses droits ». La défenseure des enfants plaide ainsi, entre autres, pour la mise en place d'une procédure qui réduise les délais retardant la présence effective des administrateurs ad hoc auprès des mineurs isolés. Pour contribuer à encourager le recrutement de ces administrateurs, actuellement en nombre insuffisant, elle souhaite également la publication rapide d'un décret définissant les conditions d'exercice de leur mission et revalorisant le montant de leurs indemnités.
Dominique Versini préconise encore de développer « des plateformes départementales ou régionales pour assurer une protection immédiate des mineurs ». Une protection coordonnée entre l'Etat (accueil d'urgence) et les conseils généraux (aide sociale à l'enfance), alors que la prise en charge effective est actuellement souvent laissée aux associations.
La défenseure des enfants appelle par ailleurs à une harmonisation du traitement judiciaire des jeunes concernés, par le biais d'une circulaire de la chancellerie rappelant qu'ils entrent dans le champ de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance (2)... ce qui implique donc une saisine systématique du juge des enfants par le parquet et la mise en place d'une mesure de protection, voire de tutelle.
Autre source de préoccupation pour Dominique Versini : la question de la validation de la minorité des jeunes immigrants. Selon elle, « le rejet des documents d'état civil présentés doit être motivé juridiquement ». En outre, l'évaluation médicale de l'âge du mineur ne doit intervenir qu'en cas d'absence totale de pièces d'état civil ou de doutes motivés, en prohibant la radiographie osseuse « compte tenu des marges d'erreur qui peuvent aller jusqu'à 18 mois », et selon un protocole national à mettre en place pour garantir l'équité de la procédure.
Enfin, la défenseure des enfants insiste sur la nécessité de rendre les mineurs étrangers isolés autonomes, en développant leur accès à la scolarité et à la formation professionnelle quel que soit leur âge mais aussi en soutenant la construction d'un projet de vie personnalisé. Elle recommande notamment, dans ce cadre, de permettre à un mineur étranger isolé de bénéficier d'un « contrat jeune majeur » avec le conseil général, quelle que soit l'ancienneté de sa prise en charge.
(1) Le rétablissement de l'automaticité du jour franc pour les mineurs étrangers isolés est une revendication de longue date des associations de défense des droits des étrangers. C'était aussi une des préconisations du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine, en 2006 - Voir ASH n° 2452 du 21-04-06, p. 13.